Avignon – foule s'efface – Philippe Quesne - Pascal Dusapin
Ne suis pas allée au jardin de Mons, ne suis pas allée voir Rhinocéros, ni une autre pièce, ne suis pas allée à la conférence de presse, suis partie dans Avignon à la recherche d'un pèse-personne mécanique, mon tout pas beau électronique étant mort (incapable d'obtenir contact avec la nouvelle pile).
J'ai rencontré mon voisin le mouton qui usurpait la roulotte de son berger, je n'ai rencontré nulle part de pèse-personne mécanique. J'ai fini par revenir, pas très ferme (vraiment vieille maintenant, et je m'étais cassé la figure en me levant au petit jour, avec une belle éraflure sur mon bras) avec un électronique plus robuste, plus simple, un peu moins ostentatoire et donc moins laid que le défunt.
Les rues étaient à peine plus animées qu'un matin de semaine ordinaire (enfin plus qu'un lundi), sans distributeur de tract, sans vraie foule rue Saint Agricol.
J'ai rencontré, avec envie et curiosité, cet établi et un peu plus loin l'artisan qui disposait les objets qu'il voulait vendre – la curiosité et l'envie se sont évaporées, et j'ai rencontré des courgettes rondes, un peu trop mures malheureusement, pour meubler mes pâtes.
Je suis paresseuse et j'ai encore dormi, je suis superstitieuse et j'avais le tract à la pensée de la marche vers le Gymnase Aubanel dans le souvenir de mon abandon et retour pénible le 14 juillet http://brigetoun.blogspot.com/2010/07/avignon-esprit-las-lecture-paresseuse.html mais j'avais désir de ne pas lâcher et surtout très envie de voir «Big Bang» de Philippe Quesne et du Vivarium studio (si bon souvenir de la magie jubilatoire de «la mélancolie des dragons» http://brigetoun.blogspot.com/2008/07/et-jai-pass-un-merveilleux-moment-pour.html)
Alors, lâchement j'ai pris un taxi jusqu'à la porte de la Ligne, ce qui m'a permis d'attendre, longuement, mais à l'ombre, presqu'en haut de larampe d'accès, avec conversations et lecture
et d'avoir une place au premier rang, pas trop loin de la porte de sortie, à côté d'un couple de mon âge qui avait gardé le même agréable souvenir de 2008.
J'ai retrouvé cette décontraction, cette façon qu'ils ont de se concerter, comme si c'était découverte, et cela gardait son charme, le côté bricolage et la beauté de cette succession de tableaux. J'ai aimé. J'étais bien (enfin assez, surtout au début, parce que le premier rang n'était pas un très bon choix, sauf si on adore avaler des masses de fumigène). J'ai sans doute moins jubilé, un peu moins.
Il y a un thème, selon le programme, ou au moins vaguement un thème, qui serait un big-bang et «un îlot, où un groupe échoué referait le monde, repartirait aux origines pour rejouer l'Histoire en accéléré.» Thème évoqué bien entendu d'assez loin, mais qui devrait impliquer un lien entre la succession de tableaux, et curieusement l'évanescence de ce lien fait que l'ensemble semble plus disjoint que la fantaisie simple de la mélancolie des dragons, où chaque action semblait simplement découler naturellement d'une exploitation de la précédente. Manquait aussi un peu la nuit sur les Célestins.
(photo martin argyroglo gallias bey photography)
Mais ce n'est qu'un bémol, et si ce n'est l'abondance excessive des fumigènes, ou leur tendance à se propager sur le public, ce serait un très beau souvenir. Ça en est un beau.
Les lumières, et les passages au noir qui ont un effet légèrement comique, leur attitude, le blanc omniprésent du début, les formes vagues en fourrures blanches ou brunes, les ordres ou conseil du meneur du jeu, les loupades ou tâtonnements simulés avec naturel, la voiture renversée qui faisait lien avec les dragons, et les arbres traversant la scène, les bruits d'atelier ou de sciage nous parvenant depuis les coulisses - le passage du feu de camp entouré d'êtres enveloppés de fourrure dans un univers blafard à Hawaï - les séances de pose sur un homme-fourrure-rocher tenant une branche/arbre - le montage musical, - l'ouverture du panneau blanc sur quelques centimètres d'eau dans lesquels patauger avec des «c'est bien», les scaphandriers ou astronautes – l'omniprésence des fumigènes qui enveloppaient les images, assuraient les transitions, mettaient en évidence des détails (et je devais leur reconnaître des vertus) – l'univers final baignant dans le vert avec la rivière et les arbres amenés et posés avec soin..
Retour dans des rues qui se sont tout de même nettement vidées.
Pensées pour les très nombreuses troupes du off qui attendent et viennent chercher des spectateurs pour minimiser leur perte.
Une jolie scène de don à boire – et une actrice de rue me disant que les bourses peut-être trop plates pour la fréquentation des spectacles (pas très chers pourtant) avait du bon pour le «out»
deux ou trois parades, tout de même, et des tracts
Essai de rédiger ces quelques notes évasives, cuisine, arrosage, et cigarillo une fois les fumigènes oubliés.
Mis une robe à manches longues et suis partie, dans la ville qui, finalement, était encore assez animée à 22 heures 30,
vers le cloître des Carmes, pour le concert de Pascal Dusapin
Lequel a écrit : «Car la musique ne dit rien et on ne dit jamais rien sur la musique. Dire sur elle est insensé. Alors on n'en dit rien. Jamais. A défaut de pouvoir la dire, on en parle. Mais parler de musique semble toujours nous plonger dans l'obscurité tant son sujet se dérobe..»
Ce qui m'arrange bien. Disons seulement que je n'aime pas toujours ce qu'il compose, mais que j'ai beaucoup aimé :
le trio Rombach pour clarinette (Armand Anster de l'ensemble Accroche-note, comme les autres musiciens) violoncelle (Christophe Béau) et piano (Vanessa Wagner)
les airs pour soprano (Françoise Kubler, plutôt mezzo, avec une belle étendue de timbres) , clarinette et piano d'après des poèmes de Beckett
«Ictus» les cinq pièces pour ce formidable instrument qu'est la clarinette basse
l'extrait de l'opéra «Roméo et Juliette» sur un livret d'Olivier Cadiot
Et puis il était prévu la lecture d'extraits de ce livret par Pascale Dusapin. Et ça a été l'interminable mauvais moment. Une voix agréable, et une lecture qui massacrait le texte, rendant vulgaire les différences de tons, les passages brusques de la poésie à un syle parlé en les rendant trop bruques et trop marqués. Et ça n'en finissait pas. Comme revenaient les mots « adieu » ou « stop » j'avais une folle envie de les applaudir, mais comme tout le monde endurait (alors que les plaisanteries navrées ont fusé entre les groupes qui se pressaient vers la sortie) et que j'étais assise à côté d'Olivier Cadiot, j'ai attendu.
Ce qui nous a conduit un peu plus d'une heure du matin, heure où la rue Carnot et la place de l'horloge vivaient encore, où on empilait les sièges place Crillon à côté de tables obstinément occupées.
11 commentaires:
A une heure du matin.. sont dans leur lit le rôturiers de la Culture ou les trop vieux ne pouvant plus marcher
mais sûr:
"Dire sur elle est insensé. Alors on n'en dit rien."
Je hais les fumigènes dans les spectacles, je ne vois plus rien, je pleure... et je trouve que cela n'apporte pas grand chose à la scène. Quant à une lecture qui casse un texte, je me boucherais presque les oreilles.
Mais bon, à 1 heure du matin je dormais déjà.
Le pèse-personne est-il aussi juste qu'il est beau ?
comment le savoir ? en comparant avec un autre ? Ce dernier sera-t-il juste ?
Enfin, il dit que les trois cent grammes pris se sont enfuis, et je crois qu'il a raison
C'est vrai qu'une lecture ratée est physiquement difficile à supporter. Se boucher les oreilles, crier, rhaaa. C'est dommage, parce que ça gâche parfois de la belle matière.
Ai adoré ce billet, sinon.
Je voulais voir "Shhhhh" au débotté, mais il faut réserver 2 jours au moins à l'avance !
Comment peut on balancer des fumigènes, même s'il s'agit d'un spectacle sans tenir compte des personnes qui ont des problèmes aux yeux et à la gorge, quand ce n'est pas de l'asthme ! Je trouve ça limite ! C'est pas mieux que de la fumée de cigarette quelque part ! Je ne comprendrais jamais la logique humaine !
C'est comme au théâtre des idées, des agents vérifient que personne ne s'assoit sur les marches, ce que je trouve super bien, car c'est une sécurité en cas de problème, alors qu'au chien qui fume pendant leurs soirées pour faire révéler de jeunes talents, c'est toujours bondé jusque dans les escaliers, ce qui est minable ! Je n'y vais plus à cause de ça d'ailleurs, c'est carrément oppressant !
C'était encore l'instant de "gueulante" !
1 h du matin ? tu pètes la forme !
Presque une nuit blanche...
et si avec ce régime
tu ne perds pas encore quelques grammes
ce sera à désespérer.
Big Bang m'a pour le moins laissée sur ma faim, j'ai trouvé cela un peu léger tout de même !
Big bang c'est gorilles dans la brume avec trop de brume et pas assez de gorilles. Légèrement décevant, sans doute plus décevant pour qui, comme moi, a gardé un merveilleux souvenir de la Mélancolie des dragons.
idem, et Dieu sait que j'avais aimé !
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