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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

lundi, novembre 08, 2010

Mes dernières lectures – pour mon plaisir, trop long

Jour de pénombre, une pénombre différente, ce dimanche, je sentais, je savais, que dehors, sur la ville, la lumière était morte, grise, filtrant à travers de hauts nuages, un plafond opale.

Et les arbres rencontrés samedi – les regarder pour m'accrocher, affermir mon pas – ne devaient plus chanter, ou en mineur.

Celui qui mariait branches nues, en prière, ou défit, hivernales déjà, et les petits bouquets racornis, vert décoloré ou noir, sans la gloire automnale.

Celui qui portait, exhibait, fragilement, chacune de ses feuilles survivantes comme un gemme, rouge de lumière.

Un peu maussadou au réveil, avec toujours cette stabilité défaillante, l'idée que je ne devais pas laisser s'installer la peur de sortir, mais peu à peu, doucement, l'acceptation, le renvoi à autre jour, celui-ci étant jour à se laver les cheveux, et la certitude d'un lendemain énergique, ou presque.

Un peu somnolente, pour se réveiller, du miel violent, et une recension de mes dernières lectures hors blogs (tant pis, gommer la richesse de certains), les livres donc, me redire le cas échéant, quand je crois le pouvoir, ce que j'ai été en face d'eux, et par jeu, ou semblant de, choisir une phrase de la page 14, parce que 48 c'est http://www.liminaire.fr/spip.php?rubrique4 , parce que 14 c'est 6 + 8, parce que j'ai, encore, 68 ans, parce que «19 francs» a 29 pages, et le livre à 19 francs, c'est à dire « l'occupation du sol » d'Échenoz, 22. Et que Pierre Ménard, je l'en prie humblement, me pardonne de détourner ses idées, contraintes, en simples trucs.http://www.liminaire.fr/

Ainsi donc, dans l'ordre de lecture, ou re-lecture :

Vivre encore, encore de Régis Jauffret http://www.publie.net/fr/ebook/9782814503724/vivre-encore-encore

« L’humanité est éblouie par sa lumière, sa propre lumière dont elle est dense comme les feuilles des arbres de chlorophylle, la mer de sel, l’oxygène d’oxygène. Nous prenons notre clarté trop intense pour l’obscurité, et si nous vivons si souvent dans la pénombre. C’est qu’à l’intérieur de nous il y a des paupières qui tombent avec le temps comme des voiles, des rideaux. »


19 francs de Daniel Bourrion http://www.publie.net/fr/ebook/9782814503762/19-francs

court texte provoqué par une allusion à la librairie de Géromino chez François Bon, et le souvenir de l'achat d'un livre "pas cher" d'Echenoz, et de l'importance de cette lecture, plaisir pour la langue et pour ce que cela dit de nos désirs contrariés et découvertes ferventes quand nous entrons, avec nos petits moyens, dans le monde de ceux qui auront accès et vivront avec les livres, et de la vie des travailleurs dans laquelle sommes plongés, où nous circulons.

« Je pensais aussi, faut dire, aux autres, à ceux qui dans d’autres coins du département prenaient les mêmes autocars ou presque pour eux aller dessous la terre, rejoindre les puits qui sur la ligne horizontale (quand tu regardes ce pays, le mien, tu vois ces deux lignes, une Nord-Sud, l’autre Ouest-Est, et tout du long, vers le haut c’est l’acier, vers la droite plutôt le charbon, on aime les choses bien rangées dans la région) étaient comme des sortes de fanaux, des points d’ancrage. »


Le retour : Extrait du recueil Inquiétude de Conrad, en une centaine de pages, denses et fermes, une évolution intérieure avec combats, vers l'humanité.

« Sous le couvert de cette fiction poétique et sacrée, il eut impérieusement envie d'elle, pour diverses raisons, mais surtout pour la satisfaction d'imposer sa volonté. Il y mit tout l'ennui et toute la solennité possibles – sans autres raison concevable que de cacher ses sentiments – attitude convenable s'il en est. »


Impressions numériques de Jean Sarzana et Alain Pierrot http://www.publie.net/fr/ebook/9782814503748/impressions-numériques

« Aucune recherche autour du livre ne peut ignorer à quel point l’édition est multiple, et parler de l’édition comme entité relève de la gageure. On relève pourtant une prédominance de la littérature dans le regard porté sur le livre en général et dans la représentation collective de l’édition en particulier, alors que plus des trois quarts des livres vendus n’appartiennent pas à cette branche du livre. Cette constatation s’opère à la lecture de la plupart des articles de presse, rapports publics et documents de toute nature, internes ou externes au secteur, se rapportant au livre. »


Monsieur Le Comte au pied de la lettre : Calembredaine héroïque de Philippe Annocque

une farce (fournie, goûteuse, avec éléments variés et de bonne force) à tous les sens du mot, et jeu avec les mots, histoire de mots trop nombreux... Une dérive, de brusques dérapages en listes joyeusement recherchées, en phrases étirant les assonances, en actions désordonnées. Ironie et à-cotés, au gré des idées et du vocabulaire, et dedans un Monsieur Le Comte qui est son double, ou un jumeau, un siamois qui est peut-être Monsieur Le Comte, ou en quête de l'être, ou l'auteur, au péril de trop d'écrits. Jubilatoire, preste, désinvolte.

« Monsieur Le Comte lui-même pressentait que son passé viendrait dans l'avenir, si le besoin s'en faisait sentir, et que peut-être même il pourrait disposer d'autant de passés qu'il était nécessaire. »

Trois nouvelles - L'épave - Miss Harriett - Les tombales de Guy de Maupassant http://www.publie.net/fr/ebook/9782814500860/trois-nouvelles

Le sentiment de la nature - de la tendresse - de l'esprit - du cynisme affiché sans excès - une langue merveilleuse. C'est à dire Maupassant

« Seuls, la sensation, le souffle de l’eau salée demeuraient en moi. Je sentais l’odeur du varech, l’odeur de la vague, la rude et bonne odeur des côtes. Je marchais vite ; je n’avais plus froid ; je regardais l’épave échouée qui grandissait à mesure que j’avançais et ressemblait à présent à une énorme baleine naufragée. »


l'occupation des sols de Jean Echenoz

« Dès lors c'est très rapide, quelqu'un sans doute ayant vendu son âme avec l'espace, il y a le trou. »

deux vies plus une, histoire expresse, amour d'une femme et paternité


La Vie matérielle : Marguerite Duras parle à Jérôme Beaujour

lisez si ne l'avez fait. (et si vous êtes comme moi, par moment, grommelez votre désaccord, mais avec révérence)

« Tous les jours, tous les après-midi de tout l'été. On peut parler de sa vie toute sa vie, la vie est considérable. »


Kuessipen de Naomi Fontaine http://www.publie.net/fr/ebook/9782814503793/kuessipen

Elle dit, dans la page qui sert de préface à ses nouvelles ou récits, nouvelles puisque distance il y a, re-création : «J’ai inventé des vies... Et ces autres vies, je les ai embellies. Je voulais voir la beauté, je voulais la faire. Dénaturer les choses – je ne veux pas nommer ces choses – pour n’en voir que le tison qui brûle encore dans le cœur des premiers habitants. » Et c'est ce qu'elle fait, même si l'alcool, la drogue, les naissances précoces (mais désirées), la pauvreté, l'inceste, sont là, c'est en passant, à deviner, et, sur le devant, il y a la tendresse, la famille, la nature, la tradition, et les voitures, les cabanes, les conserves, le catholicisme, les études, la terre, la résistance.... et une belle écriture, ferme.

«Dans le silence que font les ours en hiver, il gronde. Cette nuit ce n’est ni la ville, ni les avions qui colorent le ciel d’un doux mauve qui crie aux loups. Les yeux de petite fille disent merci d’avoir vu. »


Zozo, chômeur éperdu de Bertrand Redonnet

Ai pensé, avant d'y entrer, à Alexandre le bienheureux, même registre pour le côté dru, paysan, mieux traduit par les mots, mais en lisant : différence dans le refus du travail qui pour Alexandre est fuite devant tout effort, pour Zozo un recul obstiné, même quand maladroit, devant toute subordination, parce que s'active Zozo, et glorifie ses actes. Roi du chômage obstiné (et l'auteur spécifie bien que cela se situe à l'époque où il fallait se donner du mal pour l'obtenir ce chômage, où il n'était pas imposé comme en nos jours), mais aussi roi du mensonge orné, superbe, auquel personne ne croit mais que l'on savoure. De quoi entrer dans la légende, même petite, à son échelle.

« … finalement sur son lit où il demeura étendu une bonne huitaine de jours avant de reprendre, claudiquant sur des béquilles et rasant les murs, le chemin de la basse-cour et du toit à cochon, puis, discrètement, la clef des champs à la découverte des moeurs estivales du gibier, en prenant toutefois bien soin d'éviter par de larges détours à travers les sous-bois les chantiers maudits de l'adduction d'eau. »

Minimal et sans grand sens

l'humanité – paupières qui tombent – clarté trop intense – la mer – vivons – pour l'obscurité

dessous la terre - fanaux - lignes - ancrage - acier - charbon - on aime - tu vois

sous le couvert - cacher – sa volonté – poétique – ennui – satisfaction – sacrée


son passé – pressentait – le besoin – peut-être

vite – l'odeur du varech – le souffle de l'eau salée – baleine naufragée - ressemblait

le regard – relève pourtant – à quel point – la gageure – est – prédominance – des trois quarts des – rapports


son âme – ayant vendu – l'espace

parler – tous les jours – l'été – est considérable

cette nuit – les yeux – d'un doux mauve – disent – les ours


du toit à cochon – il demeura – à la découverte des moeurs estivales – à travers les sous-bois.

11 commentaires:

Gérard Méry a dit…

de bon matin je vérifie si je suis maussadou au réveil

Pierre R. Chantelois a dit…

Gérard pose une bonne question. Dimanche matin, il a fait beau sur Montréal. Je me suis refusé à la tentation de la morosité. Si peu de temps nous occupe ces temps-ci. Mais il y a les livres de Brigetoun. Et ses lectures et ses mots. Comme ceux-ci : parler – tous les jours – l'été – est considérable.

micheline a dit…

de bon matin:
de jolis mots dans les arbres
toute une journée pour venir grignoter le pain sur la planche.

Lautreje a dit…

considérable est le mot du jour !
j'aime le cheveux léger, abondant, fibre de vie.

Michel Benoit a dit…

Les affichages finiront-ils par phagocyter les impressions ?
J'affiche mon impression (sans aucune pression) : rien à fiche !

Mot de vérif. : "tablawb" (bien vu).

Anonyme a dit…

on peut poser la question : oui mais pourquoi la littérature ? prolonger la réalité ambiante ou ouvrir une fenêtre , cette question là le vingtetunième va devoir se la poser

superbe texte

pierre a dit…

Les arbres se dépouillent et sur ta table les livres se posent et tu les moissonnes en gourmandise. Tout cela pour un sel jour et moi qui me croyait boulimique de lecture. Cahapeau!
Le plaisir n'est jamais trop long.

Brigetoun a dit…

un seul jour, diantre non ! plus ou moins une semaine, disons

Anonyme a dit…

L'acceptation vous va bien. Mon Dieu comment faites vous ? Il me faudra dix vies pour ...

arletteart a dit…

Et donne à choisir la phrase qui attire......

joye a dit…

Im-pres-sion-nant !!!