Je ne me fais pas à l'idée qu'en sortant de chez moi, à 17 heures 30, je n'ai plus que cette absence de lumière.
Suis partie, en suivant la ligne dorée, vers la collection Lambert et le vernissage de l'exposition anniversaire (10 ans) qui porte ce beau titre « Je crois au miracle », en espérant que miracle il y aura puisque Yvon Lambert envisage de déménager se collection, déçu que la Mairie ne lui accorde pas toute l'attention et tous les moyens qu'il juge digne d'elle (vrai qu'elle est belle, vrai qu'elle est importante pour la ville, vrai que lui consacrer aussi l'hôtel voisin occupé par l'école d'art serait bien, mais : un peu dommage pour cette dernière de perdre ce lieu et cette proximité, et la ville n'est pas riche).
Photographié à la sauvette la grande sculpture de Vincent Ganivet, suis rentrée dans le hall fermé au fond par une grande sérigraphie de Barbara Kruger, reçu un petit livret que j'ai gribouillé (dommage il est assez bien rédigé), et gravi l'escalier en essayant d'oublier que, comme par hasard j'avais mal aux pieds.
Dans la première salle, en haut, sous le charme de la présence de la petite statue de Saint Roch (des oeuvres, des objets anciens interviennent de temps en temps), face à l'immense photo de Shilpa Gupta (communication, dialogues, foules isolées dans la rumeur du monde) et aux autres oeuvres de la première salle, (photo du site http://www.collectionlambert.com/)
L'autre étant ces vues du mont Fuji de Ricka Noguchi, et la première détruite représentait une des photos impressionnistes, délicates, de Spencer Finch qui lui font face, dans un couloir.
L'exposition est foisonnante, pleine d'oeuvres importantes ou considérées ainsi, la plupart à bon droit. Je suis devant une foison de notes, que je garderai pour moi, faute de place pour les citer, en donner idée... et de temps.
Je note simplement ce qui me vient, un peu au hasard, et j'aurai certainement des remords ahuris en me relisant – tant pis.
Une installation vidéo de Douglas Gordon, belle sérénité, nature, bruits d'eau (des nymphéas remplacés par des crânes en hommage à ceux peints par Cézanne dans l'atelier des Lauves).
La salle suivante était celle de la photo qui a déclenchée la censure, - regret pour la très belle toile de Penone qui occupe le fond, arbres aux feuillages peints avec le jus de la sève, pour, devant, au sol, la spirale de Richard Long et sur le panneau mitoyen la grande photo d'Anna Gaskell, forêt d'où finit de s'échapper une jeune fille en noir (dans la même salle : Christo et Oppenheim).
Etc... etc... un élément d'architecture de Prouvé, un grand dessin, très schématique, de Matisse entouré de toiles minimalistes de Robert Mangold, un grand miroir de Lavier animé de peinture acrylique argentée, l'empilement de structures métalliques de Donald Judd, comme une échelle étrange ou des tiroirs pour géant suspendus dans le vide, sans cadre, une sculpture « immatérielle » de Zilvinas Kempinas, anneau de ruban noir flottant en lentes ondulations au dessus d'un cercle en bois blanc, de beaux Twombly dont, au fond de la grande galerie du premier étage, à côté du jugement de Lawrence Weiner sur la bouche apposée sur un tableau par une imbécile, un triptyque « Phèdre » (le dialogue) : une haute toile blanche avec un peloton rose qui s'évade, une haute toile blanche et, décalée, un peu en dessous, une toile carrée beige peinte de blanc (l'amour charnel ?).
Dans le grenier, « le piss Christ » de Serrano (photo d'un fragment provenant du site de la collection) et, du même, de grandes photos église ou gros plans de robes de nonnes, des photos blessées par des miroirs, une installation de Boltanski, photos et lampes, en hommage aux enfants tués, des photos de David Lamelas : une interview de Duras alternant avec des phrases « un rue, je pense, quelqu'un qui passait dans une rue, habillé en clair, vous voyez c'est très visuel » - des vidéos de Marcel Broodthaers « au-delà de cette limite » et « Il pleut », projet pour un texte, une fille regardant à travers un store vénitien un garçon danser avec un lasso dans un salon puis s'éloignant dans une campagne humide et désolée de Salla Tykka, et (j'ai beaucoup aimé) de Melkas : grandes images tremblantes, gris noir ou de couleurs délavées, routes, entrées de ville, un petit déjeuner sur une terrasse, la plage, un musicien, comme un songe.
En descendant, une nature morte de Léger face à de grands collages de Barcelo : sole ou anguille en bouts de carton sur papier et grands coups de pinceaux.
Une salle entière de photos (majoritairement gens s'embrassant) de Nane Goldin, avec, au fond, une très grande, fantomatique « Guido on the Dock - Venise » et, dans une salle voisine, un tourniquet projetant des photos (quand je suis entrée les visiteurs regardaient un écran noir, avec en bruit de fond, le bruit de la rotation, et puis au sixième clic, comme j'allais sortir, les photos sont arrivées).
Le charme d'une salle avec de vieux meubles emplis de coquillages, animaux et un Spoerri « le chat » des grands dessins ou toiles représentant des plantes de Twombly (beaux), Kiefer, Blais etc.. et au fond une petite salle (le musée des enfants) rappelant une exposition qui leur a été dédiée.
Et puis, j'ai accéléré parce que l'heure tournait. Un beau lièvre mort de Barcelo. En bas de l'escalier, entre autres, une grande portée brouillée d'Indris Khan dans un ensemble en mémoire de Messiaen, dans la grande salle ouverte sur la cour, un immense Sol Lewitt, en élan dynamique et coloré, une grande table couverte de livres pour évoquer la bibliophilie de Lambert,
un grand et chaud Cy Twombly qui était reproduit sur l'invitation, de belles choses dont un dessin de Burn Jones, une des sculptures de Barcelo pour Terramare, l'exposition de l'été dernier, une Vénus de Basquiat, un panneau regroupant les photos d'acteurs de la Comédie française de Serrano, deux grands monochromes noirs de Richard Serra, une photo de Steichen à côté d'oeuvres sur papier de Brice Marden, une vidéo de Garry Hill : des mains dansant, deux bancs de granit avec des textes en lettres presque invisibles, comme des textes secrets, de Jenny Holzer, une très belle toile, technique mixte noire, d'Anselm Kiefer, représentant la grande vasque à l'entrée de la villa Médicis (exécutée pour l'exposition qui y eut lieu en 2008) mêlée à la fontaine de Jouvence, au souvenir du « coeur d'amour épris » du roi René., etc.. et un peu avant la fin, sur tout un mur, de Julien Schnabel, un hommage à Flaubert peint sur des assiettes cassées collées à la toile, passablement spectaculaire, et somme toute très gai. Yeux flottants, arrêtée parfois, suis sortie,
ai traversé les groupes de visiteurs qui achevaient le buffet,
ai saisi depuis la cour le grand Sol Lewitt et suis vite passée chez moi prendre mon billet et partir vers l'opéra,
pour assister au cru 2010 de Tango Passion.
(Photos http://tangopasion.online.fr/?id=photos_fr) un spectacle habile, très professionnel, très enlevé, une bonne chanteuse, un agréable moment
Mais, tout de même, si la prouesse sportive est admirable, si se manifeste souvent un érotisme appliqué et évident (mais dénué de toute sensualité), je me suis ennuyée légèrement, et suis partie un peu avant la fin (très discrètement) parce que carcasse rechignait un peu.
14 commentaires:
et la photo code barre d'humains
Pas le courage d'y aller...
Merci de ta vision !
Sans blagues ! Ils t'ont demandé d'effacer tes photos ?
Bon, allez, maintenant on va effacer Lambert et laisser place aux jeunes de l'école...
L'art contemporain est-il vraiment muséographique ?
N'appartient-il pas à la génération montante ?
Conservation v/s création.
Merci à vous de donner en vie!
(J'aimerais sincèrement comprendre comment un érotisme évident peut-être dénué de sensualité).
deux envies de réagir (trois)
1-un érotisme évident Chri c'est quand tu vois de la fesse ou du sein... mais est-ce sensuel ? pas toujours
2- Duras, Flaubert, tango : que de belles et bonnes choses
3- je n'aime pas (je déteste) ces endroits semi-en alerte parce que tu prends des photos in situ, ces gens là sont à 1000 lieux de penser que toi, petit spectateur tu puisses faire de la pub et gratuitement en plus pour leur expo, quelle bêtise ! j'ai eu le même regret pour l'expo que j'ai vue en mai denier au Marmottant "FEMMES PEINTRES ET SALONS AU TEMPS DE PROUST", j'ai failli m'évanouir à l'idée de ne pouvoir rien prendre en photo, j'ai testé pour une vue d'ensemble, même pas devant un tableau de face et un vigile m'a demandé de ne pas prendre de photo, bien entendu je me suis exécutée tout en rongeant mon frein de l'intérieur, c'est très con, heureusement dans les musées de la ville de Paris, c'est autorisé et tant mieux
ps : certains artistes devraient peut-être redescendre sur terre ?
Je rechigne à aller au spectacle seule, je l'ai beaucoup trop fait et je trouve vraiment dommage de ne pas partager ça avec quelqu'un (bien qu'à l'occasion quand quelque chose me motive vraiment, je continue à le faire seule).
Aussi, même si je ne suis pas non plus fan de spectacles de tango argentin dont la forme n'a rien à voir avec ce qu'on pratique en milonga, c'est toujours extrêmement plaisant de voir de belles chorégraphies mises en valeur par des danseurs d'exception, d'un très haut niveau !
Bref, tout ça pour te dire que si j'avais su, j'y serai allée avec toi !
Je n'ai même pas essayé de contacter quelques amis du milieu du tango, ce ne sont pas toujours les plus motivés pour ce genre de choses, ils préfèrent aller danser eux-mêmes, ce que je comprends tout à fait.
C'est le genre de spectacle qu'on peut qualifier de très grande qualité, mais qui n'a rien à voir avec le milieu du tango quoiqu'on en pense. D'où peut-être aussi tous ces clichés sur les femmes fatales en robes fendues !!! Les bons danseurs (à partir de 10 ans de tango) peuvent tout aussi bien danser en jean, il n'y a aucune mise en scène dans cette passion. L'important étant de danser.
interdit de photographier: ce qui existe, ce que je dis , ce que je crée n'appartient pas à tout le monde comme tous ces soit disant "Secrets défense"
Les enfants sur la plage, une ribambelle joyeuse... merci de l'avoir gardée.
Très amusante photo aussi les personnes dans le couloir aux lignes de lumière.
les spectacles trop bien huilés sont écœurants à grande dose, je serais partie avant la fin aussi, je pense.
J'ai trouvé l'intrus : le mot "beau" à côté de "Twombly".
;o)
Pas courant le tango passion chez toi
J'ai lu cela dans la presse pour la galerie Lambert. Foisonnante, l'expo!
Pour le tango, accompagnée de Mathilde, elle t'aurait tout dit...
j'ai pensé à elle - mais tout dit ? et les voisins ?
Une révision a cours au Québec pour permettre ou non la prise de photos dans les musées.
Pour revenir à ce périple, je n'ai aucune difficulté à imaginer que votre repos du soir a été occupé par mil images très impressionnantes et variées. Une belle mosaïque.
Ah!! je savais trouver un aperçu de cette expo et du désir de Lambert de reprendre ses billes ..... et compte y aller
quant aux photos a effacer cela aussi m'est arrivé : L'horreur et la colère alors je pirate les livrets et catalogues mais cela n'est pas du "direct"
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