Le sacré, fichu, satané, stupide – qu'il soit damné – rhume qui m'assaillait en ces temps de chaleur, et la petite infection que je suppose devoir suivre, me mettait de mauvaise humeur aux petites heures de mercredi ; m'a rendue, brièvement, ô combien brièvement, sensible à une petite lutte courtoise d'ego plus ou moins imaginaire, et pour me punir, m'assainir, me suis préconisée une cure de silence.
Résolution extrêmement fugace, incorrigible suis.
Parce qu'il y a la lumière qui baignait cette pauvre façade, tirant mes yeux vers le ciel, ma colonne vertébrale vers la verticale et entraînant mes pas, mardi, quand « succombais » sous mon chargement
Parce qu'il y a la lumière qui transperce les jeunes feuilles, à la limite des bouquets de branches
parce qu'il y a l'ocre des parasols qui faseille doucement dans un jeune mistral, comme des torches
parce que la lumière illumine les herbes folles, et plonge, se jouant dans les eaux, le limon, la vase, les cailloux, les parant d'une diaprure fine
Parce que, en fin de matinée, j'ai commencé à feuilleter le numéro 2 de Diptyque, attendu depuis janvier, et que l'éditrice est arrivée, après bien des difficultés, à faire sortir, en beauté, sur issu en attendant la version papier (je réserve ma vraie lecture pour celle-ci, la prise de notes, le déchiffrage de mon écriture, et même la lecture sur ma machine avant que je consente à une restauration étant malcommode et immensément lente)
et là vous prévient, ô vous les fidèles, que cela risque d'être long, assez évasif, n'ayant guère d'autre intérêt que celui que j'y ai pris pendant deux heures, dos tourné à la pile des tee-shirts à manches courtes en attente d'une coup de fer (en outre je n'avais pas réalisé que si long serait)
Revue très riche, textes de gens de beau talent, et belles images, qui commence (hors du thème soumis au départ aux participants) en gloire par une belle série : trace d'un échange « de Toscane en Provence, lumières d'un jumelage au Scriptorium » avec textes et poèmes, autour de la fontaine de Vaucluse et du Ventoux, de Paolo Fabrizio Iacuzzi, Maura del Serra, André Ughetto :
«...bue et filtrée par terre émue
aux senteurs sauvages :
si vaste l'impluvium qu'on ne sait pas
quels chemins fissurés la détournent la drainent
pareille aux âmes qu'un Hermès
aide à descendre vers l'Hadès.. »
Angèle Paoli, Martino Baldi, Laurence Verrey, Dominique Sorrente, Olivier Bastide :
« La montagne est permise si le regard apprend la pierre et sa respiration, si les bergers et charbonniers habitent notre marche. Je fais voeu d'être homme sous son auspice. »
Il y a des nouvelles, des ensembles poèmes et photos, des compte-rendus de lecture, des chroniques (dont une tentative par Brigetoun de parler de Christine Jeanney, vieille d'un an, et que je n'ose relire, craignant erreurs et naïvetés d'expression).
Et l'anthologie sur le thème du numéro « lumières intérieures » qui réunit :
Nathalie Riera :
«ce qui se montre un jour sur la page l'herbe les graviers l'épiphanie au seuil enserre le noir qui ferme un carillon de fenêtres et de lettres les murs n'enlèvent rien à l'aura de l'orage tondre l'herbe.. »
mais dans ma cueillette de bribes, j'ai négligé quelques auteurs dont ne cite que le nom, un peu par hasard, un peu pour endiguer le flux que je déverse ici en pagaille, un peu parce que les textes étaient plus difficilement « sectionnables »
Loyan.. - Lionel-Edouard Martin :
« bruit d'un rythme sec, escorte cette quête du vieux dire habité de brande, et vous mes morts, parleurs de dialectes sonores, et la clochette au cou des chèvres ».
Éric Dubois.. - Ile Eniger :
« la croisée des mondes, sa lumière sur les vignes. L'étrange voix d'air par la bouche des feuilles.. »
Véronique Daine.. - Louis Raoul :
« Nous voici revenus à la lenteur, aux portées plus nombreuses de la lumière. Saison d'un retour de l'eau dans la parole. Et ces jours encore où nous tiendrons dans l'épaisseur, puis l'orage nous perdra dans ses hautes pluies.»
Jean-Marc Lafrenière.. - Thomas Vinau :
« Le rire gras des nuages se moque de tout le monde. Le ciel à les dents blanches, je le vois ricaner. »
Sabine Huynh.. - François Teyssandier :
« Lumière toute empennée
D'écume et de sang
Qui gicle des vagues
Et des miroirs aveugles ».
Roland Dauxois.. - Michel Brosseau :
« avoir été comme l'ombre et le corps – mais si frêles aux lumières du matin – quand nos mots nus hors du fracas des nuits – fantomatiques sous la clarté naissante. »
Nicolas Vasse (pardon).. - Michèle Dujardin :
« paume ronde, frisson audible dans la plainte, pétale tombé de l'hiver sourd, sur le vent qui dort.. »
Cathy Garcia.. - Patrick Packwood :
« spirales de spirales
évanouies
aux premiers rayons de l'aube
à l'épuisement trouble »
Arnaud Delcorte.. - Kouki Rossi :
« Embarquée
dans les rigoles
fendues par la sagaie nouvelle
d'un soleil couronné. »
Philippe Leucx.. - Pascal Boulanger :
« la grâce passe entre les gouttes
sur ce visage que le Nom visite.. »
Denis Haudré.. - France Burghelle-Rey :
« Mon coeur est silence couronné de halos. Dans tous les cas je parle j'ex-prime mes étoiles et si mon ciel se cache c'est qu'il a un soleil. »
Sébastien Écorce :
« Taches flottantes et libérées
Dans l'écart palpitant
Le geste nerveux
Pulsionnel »
Catherine Ysmal.. - Juliette Zara :
« Je me ferai point minuscule
et incandescence fragile. »
Thelyson Orélien :
« Terre inégale
enfoncée
dans un massif de songe.. »
Michel Gerbal.. - Xavier Lainé :
« comme s'en viennent la toile et le calame
les mots et les couleurs.
Nuitamment s'en vient le trait. »
Jack Keguenne :
«bleu comme vitrail d'une cathédrale
le pli à l'aisselle.. »
Alain Helissen.. - Brigitte Célérier (égarée là avec trois bidules)
« suis tant frégate l'Incomprise, comme dit Papa -
la mer doucement s'endort,
souvenir des rayons du soleil qui s'enfoncent en elle,
lumière glissant sur le clapot,
petits éclats qui dansent,
et les larmes qui voulaient venir,.. »
et des nouvelles de Dolorès Polo et Angèle Paoli.
Énormément de choses belles, photos, textes, dessins, 149 pages. http://diptyque.wordpress.com/2011/05/23/lire-des-extraits-de-diptyque-2-sur-issuu/
M'est avis que, pour quelqu'un qui envisageait de mettre : néant...
Excusez moi
14 commentaires:
Bravo à Brigitte Célérier, the best of the bunch.
J'avais lu "la lumière qui transperce les jeunes filles" et c'était très doux et beau aussi. Tu égrènes Diptyque et cela ressemble à la couverture aux ors:) mais j'attends le papier !
Permettez au vieux promeneur que je suis d'être sensible aux accents de la montagne : « La montagne est permise si le regard apprend la pierre et sa respiration, si les bergers et charbonniers habitent notre marche. Je fais voeu d'être homme sous son auspice. »
la récolte de ce printemps est abondante, généreuse, sensorielle, vivante !
Mettre:néant
Des voeux pieux qui vous défient
Picorage, maraudage délicieux
Merci mille fois pour ce regard qui dépasse le regard, ce regard qui farfouille et qui éveille, vos kaléidoscopes de lecture sont la récompense de la revuiste...
On pose le fer, on ouvre une revue attendue et l'on oublie, on s'oublit, un autre monde, sans nuages et sans vent, entre les pages quelques trésors découverts et cela suffit au jour qui passe.
Alors que le silence suit ici où là quelque cure, blogspot impose à quelques sites un amaigrissement drastique basé sur la privation de commentaires, c'est radicalement désagréable !
c'est pire, les auteurs ne peuvent avoir accès à leurs blogs pour poster - je croise les doigts (enfin j'ai le bis http://brigetoun.wordpress.com qui vit sa vie mais est prêt à dépanner paumée) et je les plains - très très énervant
une cure de silence ? une nouvelle qui va faire du bruit !
Parce qu'on ne peut pas résister longtemps aux appels de la vie.
Qui n'est ni liberté, ni égalité, ni fraternité...
Et que notre âme aime ?
comme on peut en juger, tant pis pour vous, la tentation de cure de silence a été excessivement brève
Egarée, égarée, es tu certaine ? Cela semble une bien belle revue en effet.
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