commentaires

désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

lundi, mars 26, 2012

Idée de printemps – musique – Passion - Tabucchi


Dimanche matin, dix heure départ sous lumière vive, mais trop basse pour l'heure, éblouissement, trop de sommeil dans les yeux - douceur et canadienne ouverte, 

croisé fins vestons, chemises et tee-shirts – parmi eux, la Brigetoun déphasée, mais qui n'avait pas si chaud – et micocoulier paré de vert pâle, en ruée vers le printemps. 

au retour cahin-caha, avec victuailles, l'ai rencontré rue de la petite Fustrerie, pensé qu'il exagérait. 

Mais vers cinq heures, les gens étaient en été, piétons suçant des glaces, terrasses pleines, un garçon dans le soleil,

sur mon chemin vers Saint Symphorien, où j'allais écouter

notre orchestre et le choeur Provence-Alpes-Côte-d'Azur (n'a pas tort Vauzelles, c'est très laid ce nom),

jouer, chanter la passion selon Saint Jean, plus rare et au moins aussi belle que celle selon Saint Mathieu, avec ces choeurs superbes, dans lesquelles me suis dissoute (ou presque).

- dans une église bondée, où j'ai trouvé place dans une chapelle, en détournant un prie-dieu qui traînait là -

De bons solistes (à une exception près, disaient mes oreilles qui n'ont pas forcément raison), avec, surtout, Stephan van Dyck l'Evangéliste – voix claire et chaude (me réconcilie avec la voix de ténor) , sensibilité, autorité, le sentiment que sous le chant la musique se prolonge, court au delà.

Retour dans le soir qui commençait à descendre – au rythme des pas revient souvenir d'avoir lu, juste avant de partir : Tabucchi est mort. Souvenir de livres lus bien sûr, et aussi d'articles au moment du retour de Berlusconi.
Allumé le mac, eu confirmation, mis à cuire patates et pianoté sur les dos des livres. N'ai pas trouvé Requiem, qui doit se cacher dans un coin, loin du petit groupe de quatre dont j'ai extrait Rêve de rêves - et puis non, comme je venais de me tromper sur twitter en l'attribuant à Calvino (parfois beaucoup de brume ou de purée dans mon crâne) l'ai remis en place, ai choisi L'ange noir, feuilleté, relu la truite qui se faufile entre les pierres me rappelle à la vie - et donc, un peu au hasard, pour lui dire au revoir, un long pillage
«Il se leva et se mit en marche à pas tremblants, tandis que la femme le suivait de sa foulée souple. Il se demanda comment il fallait le lui dire, puis décida que le mieux était de parler de manière claire et pratique, vu que c'était une femme pratique. Mais, entre-temps, elle demanda si elle pouvait relire le madrigal, et il lui dit que oui, bien sûr, elle devait le lire. Elle se mit à lire, et il alla à la fenêtre. La porte de l'église était fermée, la place était déserte.... C'est très beau, dit-elle, c'est un très beau madrigal. Et lui éprouva de nouveau l'envie de chanter le Requiem de Verdi, il le chanta silencieusement en lui-même, il en caressa toutes les notes, c'était beau de s'absoudre et de pêcher, au lieu de pêcher et de s'absoudre, car l'absolution doit venir avant le péché, il doit y avoir une absolution qui précède, un pardon préventif. Ceci est le premier d'une série de vingt poèmes, dit-il, j'en ai programmé vingt et je les écrirai tous pour vous. Écoutez-moi bien, ma chère, je vous donnerai ces vingt poèmes avant de mourir, et vous, après ma mort, vous devrez en publier cinq par an, pendant quatre ans : chaque année, vous convoquerez la presse et vous rendrez publics ces cinq poèmes. À vos côtés je veux les meilleurs critiques, les journalistes les plus raffinés, enfin je veux une grosse audience, ensuite vous pourrez en faire une plaquette, et entre-temps je serai mort, êtes-vous capable de faire cela ? Elle se leva et se tordit les mains comme une petite fille. Maître, vous pouvez compter sur moi. Alors il dit froidement : excusez-moi, je suis fatigué, il faut que je me couche maintenant, je vous souhaite une bonne nuit. Il l'accompagna jusqu'à la porte de ses petits pas incertains, percevant avec inquiétude la longue foulée de la femme. Sur le pas de la porte, il lui baisa la main. Il attendit l'arrivée de l'ascenseur et se tint sur le seuil jusqu'au moment où il entendit que l'ascenseur arrivait au rez-de-chaussée. Il allait se diriger vers sa chambre quand l'interphone sonna. C'était elle. La truite qui se faufile entre les pierres me rappelle ta vie, dit sa belle voix pleine de jeunesse et elle raccrocha. Il demeura pensif un instant. Elle a compris. Ou peut-être que non, qui sait, peut-être était-ce encore une simple citation. Ah ! si au moins elle avait compris, pensa-t-il. Il sourit. Peut-être maintenant allait-il se mettre à chanter le Requiem. Confu-tatis male-dictis, chantonna-t-il tout bas. Il se dirigea vers sa chambre.» (pour comprendre vraiment, il est préférable de lire toute la nouvelle, le livre est petit et édité chez 10/18, ou l'a été.(traduction Lise Chapuis)

9 commentaires:

Pierre R. Chantelois a dit…

Mourir un soir de Requiem rend le corridor plus lumineux et le passage de vie à trépas plus singulier.

Dominique Hasselmann a dit…

Tabucchi présent.

JEA a dit…

La version d'Harnoncourt :
http://www.youtube.com/watch?v=2IaPsZ9y-0U

jeandler a dit…

L'eau à la bouche, l'ouie comblée, un air d'été
une note comme j'aimerais en écrire une. Merci.

Danielle Carlès a dit…

"Provence-Alpes-Côte-d'Azur" : je confirme.

L'or et la Poussière a dit…

Détourner un prie-dieu ? C'est du beau ! .o)

Anonyme a dit…

Nocturne Indien, le livre et l'adaptation cinématographique resteront pour moi un merveilleux souvenir de Tabucchi.
Bel hommage que vous lui rendez Brigetoun :-)

Flore

arlette a dit…

Requiem et prie -dieu tout en accord même détourné!!

Gérard Méry a dit…

Tu as allumé le Mac...bien fait c'est tout ce qu'il mérite !!