Décider d'aller enfin
faire faire la prise de sang (pourtant si banale chose dans mon
passé) demandée depuis près d'un an par petit toubib, et donc
d'être à jeun depuis dix heures au moment crucial– dîner trois
heures plus tôt que ne le veut ma petite anarchie devenue
quotidienne – se réveiller un peu après trois heures du matin –
faire tour web – se rendormir benoîtement – se re-réveiller
tardivement, courbatue par on ne sait quoi, stressée idiotement par
ce qu'il y a certainement à lire, yeux battus, migraine enserrante
et soif omniprésente – commettre un acte manqué, et après lavage
de la vaisselle du soir, ouvrir les volets bleus, regarder la cour,
la lumière... et plonger ses lèvres dans un café – se souvenir (un
rien hypocritement), noyer son remords et son juron dans une cuillère
de miel très brun, très liquide, très poisseux de son île natale,
se dire ce sera sans faute jeudi matin – allumer un cigare et
l'éteindre parce que pas envie et descente de la migraine dans la
nuque.
Se sentir vraiment soeur
de ce petit palmier, comme deviné en le croisant.
Assumer – lire, aimer,
beaucoup, ou un peu moins, forcer l'ouverture des yeux, sentir le
crâne qui se libère, tenir le cou raide.
Tenter, au moins, un
rangement alphabétique de chaque rayon de chaque petite
bibliothèque, de chaque tas, en attendant mieux – s'interrompre
régulièrement pour lire – redécouvrir des livres, se souvenir
que bien mais ne plus savoir quoi – ouvrir et lire (et il y en a
pour des semaines à ce rythme)
Et puis, dans une pause
méditative, revient la lumière fortement tendre de Mauricette et
Blanche – cette lecture presque totale en deux entrées de nuit :
«Belle étincelle » de Lucien Suel, lumineux, l'espérance, la
poésie quotidienne qu'il sait créer, comme naturellement.
Se croire, se savoir, un
peu telle que Mauricette, avoir tant de points communs avec elle,
sauf la connaissance qu'elle a, tout de même, de ce qu'elle a fait,
de ces enfants sur lesquels s'est penchée pour leur apprendre, sauf
également sa plus grande familiarité avec les livres, ceux qui ont
saveur.
Savoir aussi le petit
travail qui s'est opéré après le dernier trou, et le cadeau qu'est la rencontre (je veux y croire, sans vouloir peser) avec des,
peut-être une surtout, êtres doués, lumineux, un peu fragiles
parfois puisqu'humains, et si merveilleusement bénévolents.
Savoir que le goût de la
vie a mis longtemps à me venir, qu'il est régulièrement repoussé,
parce que je suis moi, qu'il revient toujours, parce que plus fort il
est, et que c'est merveille.
Partager l'importance des
morts (même si les circonstances pour les miens ont été plus
banales, la peine ou plus est là, et la compagnie aussi).
Conseiller fortement le
bonheur qu'est cette lecture, la lumière, la musique, la douleur
assumée, l'amitié, les saveurs, toutes les saveurs, et
l'intelligence.
Me blottir, malgré la
douceur naissante de l'air, la porte fenêtre ouverte sur la cour,
dans une laine douce, choisir quelques phrases du livre, laisser
faire un peu le hasard, par besoin de se limiter
«Blanche n'est pas une
demoiselle, mais elle surgit dans ma vie au moment où la nuit
commence à reculer. Quelques secondes chaque jour, quelques
oscillations du balancier.
Trajectoire noire et
jaune d'un merle sautillant dans les feuilles mortes, puis éclat
rouille et beige d'un rouge-gorge. Je m'interromps dans mes
réflexions, laissant mon regard errer sur le jardin à travers la
vitre. J'ai pris l'habitude de la solitude, pas de l'isolement..»
….
«Les gens
disparaissent. Les objets aussi. Bretelles. Bouteilles d'encre.
Échelles en bois. Ballots de paille. Pierres à aiguiser.
Transistors. Pellicules photo....»
Décider d'imiter
Mauricette (et Lucien Suel) et de faire collection de citations, non
pas de veau qui est leur et me concerne assez peu, non pas de
poisson, de pierres ou de lumière parce que trop en récolterais,
choisir la voûte, espace agrandi et protecteur, n'avoir aucune
citation immédiatement, deviner où en trouver facilement, préférer
laisser venir, mais ouvrir valise de photos – chercher voûtes
remarquables - photos effacées ou trop sombres ou refusées par mon
petit appareil. Tant pis.
Juste trouvé le souvenir
d'un jour heureux, vague comme un rêve assez joyeux – dernier, je
crois, anniversaire avec ma mère, il y a onze ou douze ans, dans cette période un peu
flottante pour elle.
Pour
revenir à Blanche étincelle, sans lien aucun : «Pas d'esprit
qui me guide la main. Je me débrouille comme je peux. M'appuie sur
les vies précédentes. Stock antique, sans remonter aux pharaons ou
aux paysans plantés dans les boues du Nil. Une charpente, un cadre.
Serrée dans le plan.» (je choisirais plutôt les maîtres
artisans du 18ème siècle)
Et
reprends des voûtes avignonnaises, un peu au hasard, comme points de
suspensions séparant mes grappillages
«Le temps reste doux
mais le bleu a disparu. Seule à ma table, j'écoute le balancier du
carillon et les voix du vent, basse continue au ras du toit et
soudaines attaques en crescendo qui se manifestent à la vue par des
oscillations rapides de toutes les tiges, du petit buisson de thym
aux souples baliveaux.» et
levant les yeux, je vois, au delà du volet intérieur à demi
rabattu, le bambou se balancer très lentement et doucement.
«Les mésanges bleues
virevoltent et s'interpellent. Ici, gelée blanche et brume sur le
labour. Là-bas, Libye, rivières de sang. Je ferme les yeux. Flot
ininterrompu absorbé rouge drap rouge serviette rouge impossible de
barrer l'écoulement...»
«Depuis hier, j'ai
l'impression que mon coefficient de gravité a évolué. Comme si
j'étais sur la pointe des pieds. Je me suis rapprochée des étoiles.
Et en même temps, en esprit, collée à la terre. Sensation
agréable. La vérité m'a libérée...»
Désolée
pour le désordre (on ne se refait pas) et la longueur de ce billet..
J'en reste là, d'autant que j'en suis là.
P.S.
Si
vous voulez d'autres lectures, plus pertinentes de «Blanche
étincelle», je vous suggère (ne les ai parcourue qu'après mon
billet, sans quoi..) :
sur
l'Humanité (article repris par Lucien Suel sur son blog auquel vous
pourrez rendre visite en même temps)
http://academie23.blogspot.com/2012/01/blanche-etincelle-dhumanite.html
chez
Christine Jeanney
http://tentatives.eklablog.fr/dans-blanche-etincelle-de-lucien-suel-a38060273
par
Jacques Josse, sur remue.net http://remue.net/spip.php?article4967
et
sur Sylire
http://sylire.over-blog.com/article-blanche-etincelle-lucien-suel-rentree-01-12-99695519.html
chez Cathulu
http://www.cathulu.com/archive/2012/01/16/blanche-etincelle.html
etc... vous laisse chercher
13 commentaires:
Prises de sang ?
Chez moi elles sont de deux sang vingt...
;(
Les voûtes, toujours chercher la clé.
impression d'être plus que chez toi mais en toi.
Joli texte. Cela faisait longtemps que je n'étais pas passé chez toi, ayant mis un peu d'écart avec le web, mais je retrouve mes marques d'antan…
Tu remplaces les prises de sang par de saines lectures qui semblent avoir sur toi plus d'effets que ne le pourraient certains traitements.
Donc, je décide que dans un endroit virtuel pas si virtuel que ça nous sommes attablés, Mauricette, Blanche, Lucien Suel, Brigetoun et moi, et toutes les choses qui se diraient seraient belles (moi j'écouterais).
je verrais bien la chose
ici, après la prise de sang, nous recevons un thé
ai posé une fois la question à une infirmière
pourquoi du thé ?
réponse : vous seriez obnubilé par votre sans thé ?
Pour la prise, attendre un coup de sang.
Il y a encore un beau rivage dans la vie sur lequel j'aimerais échouer plus d'une fois, ce souvenir d'un anniversaire avec ma mère, il y a onze ou douze ans, dans cette période un peu flottante pour elle... Et ma quête du bonheur, si tant est qu'il existe, ne serait-ce que parcellairement (sic) en serait plus simple.
Trois heures de la nuit ?? c'est là que l'esprit est plus vif est-ce parce que tout est calme et moins poisseux que le doux miel ensommeillé du matin chagrin ?
Un désordre qui me va.
Suel sera par ici, Aubenas, en Ardèche, invité en résidence d'auteurs par l'association Le Golem, en Mai, irai l'écouter mais avant vais le lire, donc.
même les beaux disparaissent..en mai reviendront ils ...je doute
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