Jean a dit «il y a les
cloches» et elles sont arrivées – étaient quatre – se sont
infiltrées sous l'arc surbaissé, sont venues se poser sur deux
marches de l'escalier de la tour, contre le mur, et les trois qui
occupaient la marche la plus haute se pressaient désespérément les
unes contre les autres, la dernière s'appuyant en équilibre
apparemment instable sur ses soeurs – se ressemblaient, forme
parfaite, taille moyenne, bronze luisant doucement, poli jusqu'à la
soie, avec de petites différences dans les ourlets gravés à peine
discernables - parlaient d'un carillon joyeux dans le bleu de la
matinée – se taisaient en fait, réduites au rang de décor.
Jean a dit «il y a les
oignons, blancs, paille ou violets, il y a les échalotes grises, il
y a les échalotes blondes, l'ail frais» et j'ai dit «oui... et
l'ail rose» - puis nous nous sommes tus.
Jean a dit «il y a les
murs de pierre, il y a les maçons» - il y a le béton de ciment, le
béton bitumineux, le béton de sable, le béton asphalte... - mais,
oui, il y a le parmin, la pierre de Vergelé, le travertin,
l'Anstrude, le granite, les calcaires, la pierre bleue de Soignies,
le calcaire jaune de Lignères, le tuffeau, le basalte, le cliquart,
le comblanchien, les marbres, la craie blanche, le Chauvigny fin, le
calcaire de Sant-Maximin franche construction, la pierre de Saint
Leu, la pierre marbrière de Banon, le marbre de Guillestre, le
calcaire de La Ciotat, la pierre blanche des Estaillades, la pierre
coquillée à grain fin de Castillon, la pierre coquillée à gros
grain de Vers, la blonde de Fontvielle, la pierre de Rognes, la
pierre blanche des Baux, les pierres d'Alba Miele, de Ménerbes, de
Beaulieu, de Blanco Argente, de Caberan grain fin – il y a les
tailleurs de pierre, le trusquin, l'équerre, le pistolet, les scies
passe-partout ou à chaîne, le pied-de-biche, la tronçonneuse, les
pointerolles, les ciseaux, les bouchardes, le chemin de fer, la
gradine, les gouges, la sciote, la râpe, la polka, le têtu, la
pique, la gouge et le maillet, la louve, le diable, l'élingue, les
roules en bois, les coins en bois, les fiches de pose – ah et il y
a les carriers.
Trois
paragraphes parus initialement dans le convoi des glossolales
http://leconvoidesglossolales.blogspot.com/
6 commentaires:
tout est bon rien ne cloche
récupéré ; de Pierre Chantelois, commentaire qui s'est évanoui
;
Jean est un poète des mots et de leur résonance. Cette dernière description mériterait une lecture à haute voix pour entendre la musique des mots.
se taire devant les oignons pour mieux pleurer, car Jean n'a pas un coeur de pierre.
Oui, à soumettre à l'épreuve du gueuloir, mâcher les mots, les faire chanter, rebondir, repartir en fusée. Quelle construction ! Un plaisir.
Bientôt Pâques chez toi!!!
et les divers aromates aux couleurs vives ..comme les pierres
j'aime ce parallèle
(pas aromates mais... ne sais )
Ces pierres sonnent à fendre les musiciennes des clochers.
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