Il y a eu mercredi matin
les rues où j'ai propulsé une carcasse qui bavassait sourdement,
insistait pour que non – il y a eu décision mais ce petit reste de
pessimisme mal réveillé, qui m'avait fait poser sur chemisier et
chandail de laine une veste imperméable. Il y a eu des silhouettes
plus ou moins alertes, plus ou moins couvertes, en ce début de
matinée, sous un ciel où le bleu dominait dans son combat dansé au
ralenti avec les masses blafardes.
Il y a eu le frémissement
du vert conquérant
Il y a eu - pour saluer
fraternellement mon pas tranquille, pensif, un peu hors du jour
encore, et cet imper - un mur vêtu de noir gelé, qui penchait
peut-être pour le renoncement.
Il y a eu un chantier.
Il y a eu apprendre que
les princesses n'étaient plus vêtues comme dans les contes
Il y a eu la géométrie,
et peu à peu, pendant que j'avançais vers elle, l'envahissement du
blanc dans le ciel, et la chaleur qui s'installait
Il y a eu un chantier
(mais ne l'ai pas photographié, alors je triche et celui là date de
vendredi ou samedi)
Il y a eu une longue
attente crispée mais souriante (et j'ai bavardé, pour oublier, avec
un très merveilleux bébé et sa mère) pour retirer un paquet
énigmatique, contenant un tee-shirt que j'ai gardé et un trop grand
«trench», cadeau dont je ne voulais pas, que j'ai abandonné, bien
plié dans son sac plastique, avec petit mot, sur un banc, pour qui
le voudrait
Il y a eu repartir sous le
ciel où le bleu se réinstallait, victorieux... il y a eu un
chantier.
Il y a eu l'achat d'un fer
à repasser (ai fait tomber dimanche soir, une fois de trop, le vieux
et par la même occasion disjoncter mon installation – d'où dix
minutes ou presque avant que mon trop peu de forces appuyées sur un
bouton me sauve)
Il y a eu, à la Fnac,
commande d'un livre que je n'avais trouvé ni dans la librairie sur
mon chemin ni là, parce qu'en ai grande envie, même si je lis mal
ou peu ces jours ci.
Il y a eu la victoire de
la lumière – et une tiédeur où ronronner (un chandail en trop
aussi)
Il y a eu un chantier –
il y a eu fort peu d'effort dans l'antre qui pourtant le demande
Il y a eu le rêve, après
arrosage, sourire aux branches de l'olivier et leurs promesses en
boutons qui ne seront pas tenues, le rêve vague d'un crépuscule
descendant lentement sur une rade, de rayons de lumière fusant entre
des nuages (je rangeais des photos), d'un petit clapot argenté,
d'une odeur de port, de voix qui s'effaçaient, d'un peu de rose en
traces au dessus de Saint-Mandrier (puisque c'était cette rade là)
– il y a eu se préparer en essayant de superposer le murmure de la
mer contre les blocs de la jetée aux nouvelles qui sortaient de ma
radio.
Il y a eu, et c'était
aussi bien, je crois, autre certainement, un concert de musique de
chambre à l'opéra.
Et c'était musique
française, jouée par deux tous jeunes interprètes Cèlimène
Daudet (piano) et Guillaume Latour (violon), devant une salle très
clairsemée, et c'était presque entièrement découverte pour moi
avec Ravel : sonate
posthume pour violon et piano (lyrisme, nostalgie pétrie de lumière)
– dite posthume et de jeunesse (avant l'oubli)
Debussy : sonate pour
violon et piano (elle je la connaissais) riche, le très beau premier
mouvement et l'alternance, le mariage des thèmes, le sautillement de
l'intermède, l'énergie tournoyante du finale
et, après un entracte
Durosoir : cinq aquarelles
pour violon et piano – musique hommage, un certain classicisme
revisité – cinq pièces différentes – avec toujours une égale
importance des deux instruments, parallèles, se rejoignant,
s'éloignant se croisant – une ronde alerte, une berceuse romance
et un intermède final joyeux et rebondissant
Poulenc : sonate pour
violon et piano (à la mémoire de Garcia Lorca) – vif, stridences
– dramatique – les cordes pincées évoquant la guitare – les
claquants accords de la fin
et puis deux jolis bis
voilà, voilà.
5 commentaires:
Avant que la chaleur ne nous accable, il presser le pas. Dès l'apparition des premières chaleurs, il faut ralentir la cadence. Et je constate que vos jours sont toujours occupés, même si lecture fait défaut ou se fait plus rare. L'écriture est toujours pour sa part aussi dense et fluide, comme les heures d'une journée à marcher dans les rues d'Avignon.
Ravel, tiens, c'est drôle, j'y ai pensé hier soir à minuit...
JC Decaux : toujours spécialisé !
Toutes (?) les villes affichent une boulimie de chantiers en tout genre. Les municipes élections sont encore loin cependant...
L'esprit peut aussi être en chantier et ce ne sont pas les sujets de réflexion qui manquent ces jours ci pour ce faire.
une princesse tam-tam ? voilà qui sonne creux...
Trench sur un banc et envolée en musique vers une "aquarelle" argentée
Ce fut une belle journée...
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