J'ai dit, j'ai pensé,
familiarité. J'ai dit familiarité, juste cela, cette parenté entre
toutes ces lumières, partout, qui strient la nuit, et on sait qu'on
les croise, que ce pourrait être..
Je sais, ce n'est pas
vrai. Combien d'années, ma fille, de dizaine d'années, que tu ne
t'es pas trouvée sur une autoroute ?
que ce pourrait être (et
zut, j'ai bien le droit de me souvenir, ou de le croire) n'importe où
– et il n'y a pas de son, juste la nuit, la route devinée, et le
bruit de la vitesse, aucune voix – une familiarité ...
D'ailleurs ce n'est pas
si vieux, cela, maintenant ces lignes de lumière, ces routes
dessinées dans la nuit, qui viennent vers nous, et qui s'effacent,
et puis les façades qui émergent pour passer, les panneaux lumineux
qu'on ne peut déchiffrer, pas le temps – ne pas se dire que si
c'était ma ville je devinerais ce qu'ils disent – cette entrée
dans l'approche d'une ville, il n'y a pas besoin d'autoroute.. ce
pourrait être en train, et ça ce n'est pas si vieux.
.. une familiarité qui me
laisse le temps de savourer mon excitation, mon attente, sans que
pointe encore, ou si peu – elle dort quelque part entre ventre et
gorge – ma panique, celle que j'ai maintenant quand je dois
rencontrer...
Pas si fréquent le
train non plus, et puis ce n'est pas ta ville, enfin ton ancienne, la
vraie, la grande – souviens toi des photos vues. Ce n'est pas plus
grand que Paris, du moins je ne crois pas, mais c'est autre... Si,
les abords ça ne doit pas être si différent, juste la nature qui
est plus ample, moins fatiguée.
ma panique, celle que j'ai
maintenant quand je dois rencontrer..
que c'est beau cette
nuit, là, regarde, ma fille, tranquillise toi, savoure, et puis tu
sais bien que ce n'est pas vrai, la panique c'est quand tu dois
rencontrer des presque connus, des liens possibles, là c'est le
plaisir de découvrir, la légèreté des rapports, tu vas aimer
cela, c'est fait pour toi.
Regarder et savoir qu'il y
a ces autoroutes qui sillonnent cette terre immense, et au bout cet
univers autre, mais - tu le sais, tu l'as vu, entendu, lu - avec les
traces d'un passé, aussi, juste pour se sentir bien, s'appuyer
dessus, le voler un peu.. et puis ce que tu attends, les voix, le
fleuve. Cela surtout, le fleuve.
Reprise paresseuse
(grâce à Christine Jeanney qui me l'a rappelée – piètre
tentative d'excuse) de ma contribution à Vers Québec (allez donc
lire les autres ! Autrement inventif ou profond ou..)
http://carnets.contemporain.info/moyens/vers-quebec-textes
Photos trouvées sur http://www.panoramio.com/photo
via google map, faute de mieux, mais texte à partir de la vidéo
nocturne http://carnets.contemporain.info/moyens/archives/48
(nuit indispensable je crois pour que ne sois pas exaspérée par une
autoroute, grâce aux fulgurances)
4 commentaires:
Je me souviens fort bien de cette initiative et de la lecture de ce texte qui n'a pas vieilli. Une joie de le relire en cette période tumultueuse du Québec... et puis ce que tu attends, les voix, le fleuve. Cela surtout, le fleuve.
"Sur l'autoroute" aurait presque pu écrire Kerouac...
Dominique Hasselmann m'a coupé l'herbe sous le pied !
pas sûre de me réconcilier avec les autoroutes, moi
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