À l'heure où suis encore
hésitante sur le bord du jour, plantée sur le bord de la cour, je
regardais au dessus de moi le passage affairé, en tous sens, sans
essayer de comprendre leurs buts, les passages, les ascensions, les
lancers, croisements, de noirs, aigus, triangles ailés, que je
baptisais martinets. Ils me donnaient appétit de vie, sans but
précis, juste comme ça. Mais ils sont restés obstinément absents
juste aux moments où je déclenchais mon appareil – n'y a que la
têtue petite tache qui ne veut pas partir.
Suis partie chercher le
boutis qui m'attendait chez le teinturier et trois paires de draps
toujours pas prêts (finis par me demander s'ils ne sont pas perdus)
– eu un coup de coeur pour une robe qui conviendrait si bien à ma
dignité de septuagénaire, soupiré que non, souri aux robes à
vingt euros ou moins que finalement je préfère à toutes, mais la
garde, elle, ici, faute de mieux.
Et puisque, provisoirement
je pense, l'espère ou le crains, j'ai perdu mon innocence avec les mots, mon
consentement à ma gentille insignifiance d'écrivante, puisque
aussi, en juillet, si reprends tonus, je n'aurai temps, au mieux, que
pour notes à la va tant mal que bien sur ce qu'aurai tenté de
cueillir dans Avignon, dis au revoir ou adieu au convoi des
glossolales, et solde les «Jean a dit» qui, d'ailleurs, lassent, ou
au moins me lassent http://leconvoidesglossolales.blogspot.fr/
Jean a dit «il y a une
maison, il y a un bois, il y a un jardin, il y a l'automne», il y a
la promenade intéressée, il y a les petits produits des campagnes,
les champignons à lamelle, les champignons à pores, les phalles,
les géastres, les vesses, les champignons en coupe ou en gelée, les
lactaires, les bolets à pied rouge et les bolets Satan, les
armillaires du miel, les cèpes, les coulemelles, les chanterelles,
les clavaires, les girolles, les coprins et les galères, les
lentins, les helvelles et les trompettes de la mort, les pleurotes et
les oreilles de Judas, les amanites, les russules, les lépiotes, les
extravagants sparassis et les xylaires, les morilles, les truffes,
les arrêtés préfectoraux, les qui-se-mangent, les qui-sont-délice,
les qui-sont-à-éviter, les tueurs et les champignons magiques des
coréens, et puis c'est vrai il y a les mycoses des pieds, l'ergot du
seigle, le midiou et autres mais ça c'est une autre histoire, alors
revenons aux champignons à fumer, et n'oublions pas l'ail et le
persil.
Jean a dit «il y a un
salon près d'une rivière, il y a le bazar, il y a les bleus et
chamois des tapis de Chine», il y a les tapisseries, les kilims et
les tapis de la Savonnerie, les nattes, les tapis berbères, des
tapis tout autour du monde, les tapis d'Anatolie et puis pour ma
méditation heureuse il y a les tapis persans, il y a les tapis
d'Ispahan, la variété des tapis de Gouhm, et le minah khani pastel
et argenté d'un Héréké, il y a le bleu sombre en jardin choisi
pour mon père, il y a quatre vingt ans environ, par un ami turc, il
y a mon petit Gouhm, il y a tous les tapis que je rêverais d'avoir,
les innombrables ateliers, quoique peut être devrait-on dire il y
avait, il y a les laines du Khorasan, le coton, les soies, les fils
d'argent, la garance, l'indigo, le jaune de la vigne et celui du
safran, le brou de noix, le noir des poils de chameau, il y a
l'univers des marchands, les souks pour touristes et les réservés,
les tapis proposés sur les épaules dans les rues des ports, les
tapis en gloire derrière les vitrines rue de Richelieu – il y
avait - ou près de Saint Philippe du Roule, il y a trop longtemps,
et la boutique qui est sous mon antre.
Jean a dit «il y a les
légumes de l'été, il y a les terres cuites, il y a les parfums, il
y a...» et Marie l'a interrompu pour savoir ce qu'il voulait manger.
9 commentaires:
Je ne sais pas ce que j'en dis, moi, de ce que Jean dit ! :D)
Jean a dit : tant que les mots seront absents, je serai présent. Tant que les idées seront évasives, je deviendrai créatif. Et lorsque la patience s'estompera je la ferai renaître des abysses noires de la pensée.
Oui, il est des faims (fins) qu'il ne faut pas combler tant elles sont initiatrices d'éveil !
écrivante et non écrit vaine...
Mais si Jean a dit se tait, il y a encore beaucoup d'autres prénoms !
Le passage des martinets peut faire mal (quand on est petit).
Un petit coucou en passant pour te remercier de ta visite et te souhaiter un bel après-midi.
Ce que Jean veut manger ? Un plat de champignons, rosés des près par exemple ou mousserons... C'est qu'avec cette pluie, il y a le choix. Courons au bois, voir si Jean y est encore.
Tous les champignons sont comestibles....certains une seule fois...
Pas un commentaire sur les tapis ? C'est pour moi, car moi aussi," il y a tous les tapis que je rêverais d'avoir" et les nombreux rêves qui s'attachent aux tapis.
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