départ en milieu de
matinée, dans une ville où acteurs et festivaliers deviennent
invisibles, remplacés dans mon quartier par les amatrices de
dernières soldes, hommes attendant en suçant des glaces, badauds
qui admirent sans oser ces boutiques et touristes
quand suis partie, dans un
air qui s'était fait immobile, bien pesant de chaleur
vers l'école d'art pour
une rencontre avec Castellucci et quelques femmes actrices ou autres
, de son équipe – et là vais vous demander indulgence, j'ai,
alors qu'il n'est que vingt deux heures, immensément sommeil, un
crâne empli de bouillie qui frémit dans la crainte d'être
sollicitée, beaucoup vraiment de notes sur cette matinée, et pas la
moindre sur les spectacles de l'après-midi.
Vais prendre quelques mots
pour me servir de repères accroche souvenirs – tant pis pour les
ellipses, - et de quelques mots lapidaires (enfin on verra) pour la
suite -
surprise et heureuse de
constater que je ne suis pas seule à continuer à avoir fort goût
et intérêt pour ce théâtre – comme toujours des questions qui
me paraissaient relativement stupides version intellectuel appliqué
(à deux exceptions près, lumineuses) – par chance des réponse
qui m'ont fourni sept pages de notes, que survole
Le théâtre doit être
abandon de l'évidence, pas de contenu narratif, uniquement des mots,
comme chez Hölderlin (le texte qui s'affiche et que certains
trouvaient d'une platitude insuportable)/
Oui, il y a référence au
théâtre no (beauté du geste épuré et répétitif), mais pas
uniquement, pas prioritairement. Oui aussi, et davantage, la peinture
néo-classique et David (ai repensé à cette exposition du Louvre en
89, dont j'ai le catalogue, sur le beau idéal, Winckelmann,
Quatremer de Quincy, Lessing etc... et les peintres) et la beauté
qui paralyse.
Autre question, autre
réponse – le trou noir (les images de la Nasa au début) – force
primitive du trou noir – dans Hölderlin et dans le personnage
d'Empédocle c'est présent. Monde à venir.
Les images de la nasa et
le bruit de l'univers on est déjà dans la bouche du volcan, dans la
caverne, le début de la religion, de l'art, l'ailleurs dont tout
vient.
La scène où les jeunes
filles, après s'être rituellement coupée la langue (ce qui
n'empêche pas la parole ensuite) s'asseyent en cercle , allusion au
trou, au volcan
comme je m'y intéressais,
comme les gradins, bancs, et une bonne partie du sol étaient
occupés, ai posé le bout de mes fesses sur un rebord de fenêtre,
en plein cagna
Le temps d'entendre une
question sur les armes (jusqu'à une kalachnikov) que portent à un
moment les jeunes filles – cette beauté épurée est une beauté
armée, les armes elles ne servent pas, comme la pureté des amazones
Mais comme le soleil
m'était trop puissant, j'ai contourné, slalomé entre les assises
par terre et me suis coincée dans un arbuste en jarre, entre deux
branches, et tête courbée sous une troisième, pour écouter :
notre expérience de la tragédie grecque c'est la ruine, la part du
manque, et c'est vrai aussi pour le texte d'Hölberlin (j'avoue que
je n'en sais rien, choisis de le croire, pour les grecs ce n'est que
trop vrai) – la tragédie est un impossible.
Des questions et des
réponses qui mettent en mots (pas toujours) mon ressenti qui s'y
refusait – comme la dimension mystique... macula seca, le point
noir au centre du regard
La longueur de la pièce a
été soigneusement calculée par l'équipe pour être un peu trop
longue, un peu trop lente, car l'ennui fait partie de cette pièce
volontairement ce qu'ai répondu sur Facebook) – la merveilleuse
source qu'est l'ennui – les gestes rhétoriques mais aussi et peut
être surtout hypnotiques des jeunes femmes – casser le spectacle –
respecter la distance entre les mots et l'image.
Le théâtre est l'art le
plus proche de la vie, mais il est l'ennemi du réel. Echapper à la
littérature. Assumer un non qui ne soit pas uniquement négation
mais générateur.....
Bon j'arrête de vous
ennuyer, au moins avec cela
parce que j'en ai profité
pour visiter, un rien rapidement, l'exposition Da capo consacrée
à Simon McBurney et à Complicite (le Maître et Marguerite ici
cette année, après avoir tourné
une
première salle «inspiration» qui rassemble (et c'est assez beau)
les éléments disparates dont se sont servi pour certains spectacles
mais
surtout le plaisir que j'ai pris à circuler dans la troisième
«création» un labyrinthe étonnamment long pour cette assez petite
salle, bordé par de grands panneaux portant photos de spectacles,
répétitions, vie de la compagnie – et vous «flanque» une série
de photos dudit, plus ou moins réussies (pas envie de trier)
et
dans la dernière une vidéo qui m'a fascinée quelques minutes,
guère plus, parce qu'il était une heure et demie, largement le
temps de rentrer faire la cuisine – déjeuner – enregistrer les
photos – faire un tour sur internet puisque n'avait plus le temps
de siester – me changer
repartir
dans l'encore presque foule de Saint Agricol, un peu après quatre
heures,
traverser
le bas de la place de l'horloge qui entre peu à peu en
assoupissement,
trouver
même vide relatif, sous soleil dardé, sur la place de la
principale, prendre la dernière place à l'ombre dans la file, et
entreprendre longue attente à nouveau (en regrettant qu'avec le
dernier tournant du festival, la convivialité soit passée de mode)
entrer
enfin, pour la dernière fois cette année, dans cette petite
chapelle où ai tant de souvenirs
m'installer
au quatrième rang et attendre en contemplant l'oculus de la chambre
des
époux du palais de
Mantoue, que débute Est-ce que tu dors ? Le
spectacle de Katia et John Berger.
(deux
photos de Christophe Reynaud de Lage copiées sur le site du
festival) comme
«Appelé à tort «la
chambre des époux», alors qu'il s'agissait vraisemblablement d'un
bureau privé muni d'un lit, ce lieu merveilleux, pour lequel le
peintre de la Renaissance italienne a laissé libre cours à son
imagination, a été visité à plusieurs reprises par John et Katya
Berger. Fascinés par cette œuvre atypique, ils ont entrepris un
échange par correspondance à son sujet. Ces lettres et SMS
deviennent aujourd'hui des dialogues, par recomposition, réécriture
ou redistribution des propos échangés. Pris en charge sur le
plateau par leurs auteurs, ils sont matière à dire la beauté de la
peinture de Mantegna, mais aussi la force d'une relation humaine hors
normes et la grâce d'un questionnement sur le regard. Pas de
conférence savante, pas de didactisme, pour mettre à la portée du
public une œuvre que chacun se doit d'interpréter individuellement.
Juste une conversation ouverte, généreuse, animée d'une curiosité
qui semble sans limites et témoigne d'un profond désir de partage.
Une lecture-performance comme une proposition de relation : à l'art,
au monde, au temps, à l'oubli mais surtout, peut-être, de père à
fille et de fille à père»
un très joli passage sur
l'oubli au début – un amour discret – des choses intelligentes,
des choses plus banales – du plaisir, mais au bout d'un moment, un
peu l'impression d'être dans un salon où deux des personnes
présentes, faisant jouer leur prestige, monopoliseraient la parole,
imposeraient leur vision, rendraient impossible tout dialogue et donc
installeraient un ennui distingué.
Spectacle qui a du charme
pourtant, grâce à eux, à leur humour, à leur finesse souvent,
grâce aussi au travail de Simon McBurbey et au superbe jeu de
vidéos, superposées parfois, des vues de la salle et de détails,
de photos anciennes du père et de la fille, de leur présence sur
scène, en léger différé parfois, qui crée un écrin poétique à
leur échange.
Partie rapidement, parce
que le besoin de dormir se faisait grand
et puis hésitation dans
la petite animation résiduelle des rues, envie de ne pas en rester
là,
gagné le théâtre des
halles, pris un billet pour la pièce donnée dans la grande salle à
dix neuf heures
attendu dans le calme du
jardin, et assisté à un spectacle intéressant, un peu tract, mais
avec talent (et puis le sujet même si j'en ai quelques idées, pour
l'avoir vécu en atténué, ne manque pas d'intérêt, certes non)
très nombreux, chacun seul de
Jean-Pierre Bodin (établi par son collectif)
«Dans
un dialogue avec Christophe Dejours (chercheur, spécialiste de la
souffrance au travail) (Brigetoun : par vidéo
interposée, clair, intelligence lumineuse, sensibilité),
il nous interroge sur ce que donnent à comprendre les suicides sur
les lieux de travail. Empruntant les mots, les gestes d’ouvriers,
les pensées de poètes, philosophe, chercheur et journaliste,
Jean-Pierre Bodin et ses complices rendent compte de l’état du
monde du travail. Et si ce monde génère de la souffrance, il n'y a
pas de fatalité ! Le théâtre permet aussi de rester debout !»
avec pour seuls
accessoires des rideaux qu'il ouvre et ferme lui même, un chariot de
manutention à la fin, sa parole de conteur, une chaise, et donc les
interventions de Christophe Dejours, théâtre ramené à la prise de
position, exposé, l'assumant.
Retour, presque animation
aux terrasses de la place de l'horloge, spectacles de rue locaux,
quelques tables occupées place Crillon, et une flemme
incommensurable pour écrire ce qui précède, certaine que j'étais
d'être ennuyeuse.
Aujourd'hui deux «gros»
spectacle du in, dont n'ai pas voulu lire de critique, dont j'attends
peut-être trop, on verra.
10 commentaires:
Heureuse de savoir que ça chauffe chez toi aussi, mais attention, la chaleur peut devenir meurtrière comme elle l'est ici chez moi.
À toi maintenant de nous envoyer de la pluie européenne steuplé, brige !
Votre rue se déserte déjà et jusqu'à la place de l'horloge qui entre peu à peu en assoupissement. Ah ces soldes d'été! La fin de ces deux intenses semaines approche. Intéressantes par ailleurs ces tribunes entre gens de théâtre et grand public. Je les imagine fructueuses d'enseignement et de renseignements. Petite curiosité. Pourquoi écrire : « entrer enfin, pour la dernière fois cette année, dans cette petite chapelle où ai tant de souvenirs »? Les accès y sont-ils saisonniers? J'aime bien en terminant cette remarque brillante : « si ce monde génère de la souffrance, il n'y a pas de fatalité ! Le théâtre permet aussi de rester debout ! »
vous êtes bien l'une des rares que l'on puisse suivre sans appréhension dans un labyrinthe (avec les yeux fermés pour ne pas perdre vos mots sous nos paupières)...
Pierre oui, comme les cloîtres (sauf celui des carmes sollicité par une vraie vie de quartier, comme l'église des célestins, le jardin de Mons et la cour de Calvet n'puvrent que pour le festival et quelques autres manifestations du même genre
La convivialité est passée de mode ?
dans files d'attente - faire gueule sauf éventuellement à l'ami proche et là hurler ses histoires - et lutte sournoise pour places - il y avait un semblant de grâce au début dans les rapports humains qui s'est effacé avec nouveau public
Marcher, attendre, entendre, écouter et voir
Déjeuner, dormir, dîner, marcher encore
Une vie de forçat
" Le théâtre permettant de tenir debout ".
Les spectateurs et autres chalands sont fatigués de chaleur et de tout peut-être, d'où mauvaise humeur
Bravo pour ta constance
des spectacles à tous les coins de rue..un marathon
Si vous aimez cette phrase, allez voir ce spectacle (très nombreux, chacun seul) dont cette phrase est la conclusion. Sur Avignon ou ailleurs, si les programmateurs près de chez vous ont le courage d'offrir au public cette réflexion profondément humaine sur le travail.
La dame qui écrit (si bien) nous offre une belle déambulation dans cette ville (qui parfois me pèse de tout ce théâtre inégal, de tout cet acharnement à se vendre - et comment faire autrement? Le talent ne suffit plus tant l'offre est débordante) et sur ce choc des croisements entre populations venues pour tant de raisons différentes se coltiner les pavés des ruelles avignonnaises.
Enregistrer un commentaire