Oui,
excusez moi, maître, j'avais cru un peu vite à votre disparition
que j'évoquais hier.
Oui,
en chemin vers teinturier et courgettes trop mures, ce vendredi
matin, après avoir maintenu, de tout mon corps jeté dans mes mains,
le vieux robinet de l'évier dont la dépose a demandé un gros quart
d'heure (et carcasse a trouvé cela très long) au plombier, après
avoir, en ma faiblesse, payé en liquide le joli prix d'un mitigeur
neuf et de deux déplacements, et ruminé ma désapprobation de cette
sottise, après avoir lancé mon reste d'énergie dans les rues à la
chaleur délicieusement douce (contrairement à ce que disait la
radio), vous ai vu, vous, revenu avec deux de vos compagnons peupler
la moitié des vitres de l'appartement nostalgique (avec une lanterne
rouge et or aperçue dans l'entrebâillement de la fenêtre
centrale), et vous ai salué.
Ensuite,
paresseuse pour une journée entière, au moins, et vide d'idées, me
suis bornée à lire, jouir de la douceur des robinets après six ans
de bagarre, boire un peu de soleil tant qu'il voulait bien pénétrer
ma cour, et je reprends ma participation aux vases communicants
d'août (suis en panne devant le trop long, trop plat texte pour
septembre), en vis à vis de Samuel Dixneuf-Mocozet
http://brigetoun.blogspot.fr/2012/08/on-part-pour-ne-pas-sappeler-medor-vase.html
Plantée sans racine
Nous
avons, parce que tel était notre plaisir, décidé d'échanger en ce
premier vendredi d'août.
Vous
avez écrit :
Je pars dans quelques
jours faire la traversée des Alpes par les cols en vélo, de
Thonon-Les-Bains à Nice, où je devrais arriver, si tout va bien, le
31 juillet.
J'ai pensé : je ne bouge
pas.
Me suis souvenue des
vacances adolescentes à Publier, au dessus de Thonon, de l'ennui
d'être loin de ma mer et de mes contemporains, avec cette évidence
: mon envie d'évasion n'était que tapis volant sur désir, rêve.
Je vous ai admiré.
Vous avez écrit :
Je pars dans quelques
jours faire la traversée des Alpes...
Ai regardé mes pieds, ai
regardé ma cour, ai regardé ma ville
J'ai pensé : je ne pars
pas.
Suis jamais beaucoup
partie, sauf en délicieux projets, n'était guère possible.
Pourtant
Il y avait la merveille
des cartes, des grandes que rêvais, de celles de mon petit atlas.
Il y avait les bouffées
amenées par des images, avec quelques mots au dos, que recevais de
ceux qui partaient.
Je ne bougeais pas, ou
peu, je déteste la voiture, je n'aimais plus les trains où on
encage, je n'aimais pas l'ennui immense des aéroports avant le
plaisir de l'envol.
Mes voyages devaient être
plus rapide que ne le permettent les corps.
Pourtant
J'aime ceux qui voyagent,
les admire, en profite.
Nous
avons, parce que tel était notre plaisir, décidé d'échanger en ce
premier vendredi d'août.
Vous
rouliez dans la grandeur des cols – y avait-il d'accueillants
aubergistes, des gentianes encore, et déjà des mures ?
Vous
alliez vers la mer notre.
Allez
vous nous dire la beauté, allez vous nous dire l'effort et
l'ivresse, allez vous nous dire vos pensées ou rêveries ou juste
votre immersion dans cela, les jambes et les yeux, ou autre chose, je
ne sais..
Suis venue me poser,
définitivement, à la surface de cette ville dont les murs me sont
amis.
Et pendant ce mois j'ai
marché dans le monde venu à nous.
Je pourrais dire le
plaisir de la marche, la difficulté de la marche, la fatigue, le
plaisir des yeux, l'excitation légère d'un peu d'intelligence volée
au passage, le charme des échanges légers et sans lendemain, la
pesante idiotie aussi, parfois savante, l'attente, les voix, les
langues inconnues, le frémissement instinctif quand chante
l'italien, la reconnaissance un peu vague de l'espagnol, de l'anglais
quand n'est pas imposé, la gratitude devant les efforts, le voyage
de musiques en musaks, les corps avachis et la beauté joyeuse, les
visages, les sourires venus d'Asie, ce qu'ils ont de sincères sous
la politesse, et le jeu, la danse, unis dans la modernité, les
parfums que prend cette modernité, la mode, et la mode transcendée,
la tradition, et la tradition dégradée, la saoulerie du corps et de
l'esprit, la lassitude et la panique, la petite aventure à mon
échelle, le bonheur de passer outre et l'angoisse,
Mais j'ai perdu les mots
et leur vie...
Me restent maintenant les
voyages fictifs, au fil d'internet, la lâcheté sans remord de vivre
par procuration, et le rêve tendu pour créer le réel qui s'étend
autour de ce qui m'est donné.
Vous m'avez fait l'honneur
de cet échange... mais n'étais sans doute pas capable d'y tenir ma
part – vous rend grâce d'accepter cela.
7 commentaires:
Paumée, veut pas te laisser seul - salut à toi
(mais tu es moins seul que tu le crois, tu sais)
Le voyage se poursuit ...comme un jour donné et merveilles acceptées
Oh ! un beau mandarin.
Il fait si chaud (enfin) sur les bords de Loire que je joue volontiers au mandarin aux pieds nus sur ma chaise-longue et ne saurait en bouger.
Un bien beau billet...
Quand je veux voir le bout du monde, je regarde le bout de mes souliers. Christian BOBIN
Bon dimanche Brigetoun :-)
Flore
traversée des Alpes par les cols (en) à vélo,
L'absence parfois se fait sentir sans qu'on ne le veuille et nous sépare de l'affection que nous portons aux êtres appréciés. Mais au bout du chemin se trouve soudain une présence bienheureuse.
non vous n'avez pas perdu les mots : tapis volant sur désir, rêve.
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