Ce serait, en descendant
du rocher, caché dans un bosquet, un petit buisson qui lancerait
vers le bord du chemin une branche chargée de petits fruits bleus de
nuit.
Ce serait ces filles
légèrement sucrées des airelles, les myrtilles, vaccini myrtili,
et non ugilisoni faute de marécage sur cette pente radieuse de
soleil sec (fin de ma passade bas bleu, un peu beaucoup cancre qui a
tout oublié ou presque du latin)
Ce serait brimbelles et
non bleuets ou blueberrys, ou seraient touristes enracinées.
Ce serait une idée de
parfum un peu fade, une odeur de poussière qui ne viendrait pas
d'elles, mais d'un coin de ma mémoire.
Ce serait ce petit goût
acidulé, la légère crispation des mâchoires, ce serait les taches
sur les doigts.
Ce serait s'amuser de ce
goût le temps de quelques pas en rêverie distraite de fin de jour,
mais préférer l'idée d'un panier, de trouver buisson plus grand,
de pouvoir le piller, sans peigne, de revenir avec sa récolte au
dessus de laquelle tournerait un bourdon - tenter de le chasser avec
grands gestes au risque de renverser le sombre trésor – de poser
le panier sur une grande table de bois, de le confier à une
cuisinière amie ou bougon.
Ce serait le plaisir d'un
sorbet, ce serait émietter une tarte un peu molle.
Ce serait un docte
discourant sur leurs vertus.
Ce serait rêver pourtant
de mures, plutôt, de mures, qui s'enfoncent dans les profondeurs du
souvenir, qui étaient la consolation de ces interminables et
ennuyeuses fins de mois d'août en Savoie, quand étaient encore des
chemins peu fréquentés, des prés légèrement brûlés, bordés de
buissons sauvages où fourrager en quête des pelotes de petites
graines noires, des mures trop mures qui s'écrasaient un peu dans
les doigts, qui mettaient en bouche les derniers rayons du soleil, en
écoutant, assise sur l'herbe rase à côté d'une bouse sèche, sa
trop jeune grand mère donner une leçon de morale qu'elle voulait
enjouée.
7 commentaires:
Quelle jolie musique des mots et images. Les deux, mêlés.
J'adore ces petites gourmandises dans ces mots si délicieux de fin de saison :-)
Vous avez quitté la ville, le sentier dégage un doux parfum.
Appétissante fin de saison mais de quelle saison, ma belle airelle, veux-tu parler ? De printemps comme d'été, n'en vîmes point. Et l'automne, pour sûr, est bien là.
Il est bon très bon même d'être un peu "cancre" et d'attendre la rentrée en ayant tout oublié et, alors
être en souvenance
ce serait attendre la première gelée avant de les cornuer en eau de vie...
Presque le goût en bouche de toutes ces saveurs et textures.
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