Plaisir du rayon de soleil
qui transperçait les feuilles s'élançant vers lui hors de la masse
qui surplombe le portail de l'Hôtel d'Europe, ce matin, face à ma
porte.
Coup d'oeil, en
reconstituant ce que bouffait le reflet, à une toile de Tony Soulié,
dans la grande vitrine de la galerie Ducastel, ouverte, sur la place,
sous le soleil de pierre en gloire, et regret de ne pas être encore
arrivée à ne pas sombrer dans sieste trop longue et exténuante
pour aller au cloître Saint Louis voir la principale exposition du
parcours de l'art, dont il est la vedette, mais qui présente bien
d'autres oeuvres, et certaines que j'ai très grande envie de
découvrir (vendredi ?) - et puis courses : chandails (et me trouvais
moche à non-plaisir) parce que j'avais froid aux pieds, potiron,
navets, dernières courgettes.
Jour qui coule, petits
soins, à carcasse et à l'antre, en attendant que la nuit vienne et
qu'il soit temps de me changer et d'aller, à côté, à l'Oratoire,
écouter Kenneth Weiss jouer les variations Goldberg, perspective qui
m'a fait ressortir cette nuit Le nafragé de
Thomas Bernhard, rechercher les allusions à celui qui, pour le
piano, s'en est fait l'interprète inlassable (et qui est là surtout
comme prétexte à la folie de renoncement des deux amis devant sa
suprématie)
Y
ai trouvé ce passage, qui veut donner, qui donne, l'idée de
l'exigence de Glenn Gould, et que, tout à fait indépendamment du
plaisir que j'attendais du concert, j'ai savouré pour ce rythme de
Bernhard qui est quête, creusement, mais aussi musique
Au fond, nous voulons
être piano, dit-il, non pas homme mais piano, notre vie durant nous
voulons être piano et pas homme, nous fuyons l'homme que nous sommes
pour devenir entièrement piano, et pourtant cela échoue
nécessairement, et pourtant nous ne voulons pas y croire, c'est lui
qui parle. L'interprète au piano (il ne disait jamais pianiste
!) est celui qui veut être piano, et je me dis d'ailleurs
chaque jour, au réveil, que je vaux être le Steinway , non point
l'homme qui joue sur le Steinway, c'est le Steinway lui-même que je
veux être. Parfois nous sommes proches de cet idéal, dit-il, très
proches, spécialement quand nous croyons que nous sommes d'ores et
déjà fous, quasiment sur le chemin de cette démence que nous
craignons plus que tout au monde. Il détestait l'idée de n'être
qu'un médiateur de musique entre
Bach et le Steinway et de se retrouver un jour broyé entre
Bach et le Steinway, un jour, c'est lui qui parle, je serai broyé
entre Bach dit-il et le Steinway d'autre part, dit-il,
pensai-je....... en étant Steinway, je pourrais rendre Glenn Gould
superflu. Mais il n'y a pas, à ce jour, un seul interprète au piano
qui soit parvenu à se rendre superflu en étant Steinway, c'est
Glenn qui parle....
Nuit
noire, nuit profonde et presque froide, avancée à grands pas en
croisant des anglais de tous âges
et
l'Oratoire plein, avec Brigetoun seule dans une chapelle sur le
côté pour le plaisir du banc surélevé légèrement et de l'aise
de cette presque solitude.
Non
plus le son profond et riche du piano, la percussion lumineuse du
clavecin et les deux claviers – plaisir et attention pendant un peu
plus d'une heure pour tenter de suivre, saisir, les successions de
duos, de trios, de gigues, de fugues, d'airs lents ou très vifs, la
complexité des canons, le charme de la variation n°23, la beauté
de l'adagio de la variation n°25, les deux dernières et brillantes
toccatas, le joli «quolibet» final.
Un
public qui hésite, après cette tension heureuse d'un peu plus d'une
heure, à se lever et partir.
Et
puis un retour rapide – et découverte des variations sur Youtube,
alors un peu au hasard, la 12
et la 24
7 commentaires:
Variations Goldberg dès le matin, bien joué.
Je dois bien en avoir trois ou quatre enregistrements de ces Variations dont celle(s) de Gould. Clavecin, pianoforte, piano, l'interprète se fait instrument.
Oui j'ai cet enregistrement de Glen Gould que je conserve précieusement. Nous avons ici au Québec une grande passion pour cet interprète qui résiste à l'oubli en raison des merveilleuses platines qu'il nous a laissées à écouter. Et je ne connaissais pas Kenneth Weiss. Il faudra me remettre au diapason des grands interprètes de Bach. Et tout cela baigné par une journée lumineuse. Du petit bonheur qu'il faut saisir à chaque moment de la vie.
Sympa le concert à l'Oratoire, comme... une montagne d'or ! :D)
variations... révélations...
Variations/ évasion comme un rappel du dernier spectacle Gould /Menuhin en Liberté qui manquait un peu de partition!! mais le propos n'était pas là
Bien, avec la lecture en mémoire ( ne connais pas )
Merci pour l'écoute ( je suis avec les miennes )mais en disque noir tout rayé!!
ben stats divisées par trois aujourd'hui... on tant pis
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