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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

mardi, octobre 09, 2012

S'installer pour lire.... suite picorage


C'était un jour de presque fraîcheur qui me disait de m'occuper équipement automnal ou hivernal. C'était un jour de ciel en pagaille, de traînées en tous sens mêlées à de ronds nuages. C'était un brouillon de ciel, un tableau où plusieurs mains se seraient essayées. C'était un jour de froid intérieur, de trous, de volonté en allée. C'était un jour de promesses dans la ville, et d'indifférence absolue, de non désir de choisir. C'était un jour de petites corvées exécutées lentement, parce que pourquoi pas.
C'était, tant pis pour les éventuels passants, un jour de reprise du picorage envisagé, ou d'une partie, de celle pour laquelle je m'étais rêvée renouant avec cette habitude ancienne de lecture couchée sur les tomettes, dans le rayon de soleil qui les faisait tiède, face à la porte fenêtre sur le balcon... la rue Michelet en chute abrupte vers le Littoral qui n'était pas encore bordé de plages de sable importé, l'ouverture de la rade, la silhouette de Saint Mandrier.

Ça aurait été s'absorber dans la lecture de Tous les diamants du Ciel de Christophe Claro (Actes Sud) – et pour finir reprendre mes petites notes
En partant d'un fait divers réel, à Pont Saint-Esprit, en 1951, la psychose des mangeurs de pain, et les explications, de l'ergotisme à la CIA, l'histoire du mitron jusqu'en 1970 – en l'entremêlant à celle de Lucy, américaine de toutes expériences, drogue et sexe, et CIA itou, en ajoutant la France profonde des années 50, New York en face dure, Los Angeles, l'Allemagne, Paris, la guerre d'Algérie... avec toujours drogues, commercialisation du sexe et CIA, immuablement – en six actes de trois scènes, comme une succession de tableaux des Mystères, nous embarquer, nous faire galoper ou flâner..... Sur tout cela la langue de Claro, sa façon de rendre sensibles les contacts de matières, goûts, air.. de résumer une société en formules ciselées et efficaces, en passant, par des comportements, des détails, son ironie, son jeu avec le lecteur.
Et, tout à fait au hasard, ou presque, le choix serait trop grand
Nous nous prenons d'abord nous-mêmes en otages, puis nous soudoyons nos idées les plus pures, nous testons leur résistance, avec une certaine cruauté, enfin nous procédons à des échanges, nous prélevons un peu d'argent sur le magot destiné à la collectivité et nous achetons de la poudre, perlin ou pinpin, on s'en fout, avec laquelle nous lavons le cerveau, puis nous l'essorons, et l'eau qui goutte à nos pieds, nous comprenons et proclamons que c'est le fleuve du temps, qu'il coule dans une direction et pas dans une autre, et quand notre vision s'altère, nous desserrons d'un cran le bandeau qui nous gêne.
Ou
ça aurait été déguster, en prenant son temps, pour ne pas en rester au feu d'artifice, au plaisir immédiat L'auteur et moi d'Éric Chevillard.
L'histoire racontée par lui-même d'un homme fugitif, qui peut être accusé d'un meurtre après avoir refusé, injurié, oh combien, un gratin de chou-fleur, par amour pour la truite aux amandes (pas d'accord, personnellement dit Brigetoun), qui rencontre une fourmi, s'en fait rempart, se renforce d'une jeune fille de légende, rencontre un tamanoir et un enfant, récit fait avec la logique loufoque et l'éventuelle mauvaise foi que l'on peut attendre d'un être né de l'écriture d'Éric Chevillard. Mais tout autant, ou plus, et tenant autant de place, plus peut-être, commentaire par l'auteur, justification de ses choix, refus d'être soupçonné de cynisme, d'ironie et de formalisme, théorie du roman, polémiques, adresses au lecteur, portrait sans complaisance de l'époque, vie de l'auteur qui est peut-être Chevillard lui-même (d'ailleurs on rencontre Agathe et sa soeur, ses filles, au coin d'une phrase) en «notes de bas de page», qui peuvent envahir toute la page... sans compter des passages en italique qui s'insèrent avec une liberté apparente, décrivent une autre action, ou sont contrepoints. La haine, la crainte du gratin de chou-fleur reprenant le dessus, tenant lieu de tout.
Le gratin s'est accroché, ayant cette propriété d'adhérer à tout ce qu'il touche jusqu'à la confusion moléculaire. On ne sait pas s'il ronge les surfaces ou s'il s'y enracine ; il s'y trame plutôt, comme le lichen, il y infuse, comme la feuille morte – ce qui vole n'est jamais hors d'atteinte pour lui ; la mouette s'y englue pathétiquement.
.
puisqu'il est mort pour apprendre encore un chose à l'auteur, après lui avoir appris la vie, pour lui apprendre la mort, que l'on meurt, ce que l'auteur croyait savoir, sur quoi l'auteur écrivait volontiers et qui lui fut révélé pourtant quand son père mourut, qui lui fut révélé comme s'il n'en avait jamais rien su, cette révélation aussi surprenante que l'eût été pour lui celle d'une vie sur la lune, une révélation stupéfiante, douloureuse, car c'est aussi le fils qui meurt quand meurt le père, tout ce temps partagé qui d'un coup rejoint le passé révolu, la préhistoire, c'est la vie du fils qui se fractionne, qui soudain n'est plus enclose dans celle de son père et désormais s'inscrit dans le vide..
ou
parce que c'est relativement court, parce qu'il y a le rythme d'un polar, parce que son thème est le bienvenu, parce qu'il y a une femme drue, chaleureuse, dure, et émouvante, parce qu'il y a de beaux portraits en quelques mots, parce que c'est Didier Daeninckx La route du Rom une histoire du poulpe, où il intervient à côté de ses amis roms en butte à la bêtise cruelle des habitants actuels et passés (camp sous l'occupation) d'une petite ville.
Quand je disais «sous-merde», tout à l’heure, j’exagérais pas, c’est ce que nous étions, tous ceux de notre peuple. Juste au-dessus, à peine plus fréquentables, on trouvait les Allemands de Saxe et de Rhénanie, à égalité avec les pédés, ensuite les politiques principalement des communistes. Les maîtres du jeu, c’étaient les cinquante droits communs, c’est eux qui faisaient le boulot de l’administration du camp.
Et pour ne pas achever de lasser, je garde mon dernier petit groupe de lecture, et la photo, l'attitude qui les réunit, pour un autre jour.
Ce fût le sol de la cour humide après une ondée, ce furent des moutons blancs flottant dans le ciel bleu au dessus de la cour. Ce fût ce qu'on appelle je crois beau temps variable.

7 commentaires:

Pierre R. Chantelois a dit…

Lectures d'une grande profondeur qui nous incite à méditer sur la vie, sur la mort. Un compte rendu sans artifices. Et ces journées qui ne cessent plus de refroidir, il nous faut bien trouver une quelconque chaleur humaine.

JEA a dit…

Extrait de la route du Rom par le groupe toulousain "l'air de rien" :

- "Serions nous donc jaloux
qu'ils vivent au grès du vent ?
Ou avons nous peur de tout
ce qui est différent ?
on est toujours méfiant
on aime jamais beaucoup
ces gens qui vont errants
pas terrés comme nous

Y'a même des excités
qui, pour rendre service,
rêvent de remonter
une petite milice
reprendre les choses en main
et passer au Karsher
Tous ces roms ces roumains
qui n'ont qu'le droit d'se taire..."

Dominique Hasselmann a dit…

Éclectisme de vos lectures (donc temps variable)...

jeandler a dit…

Un ciel brouillon avec ratures
un ciel chaffoin de questions sans réponses
un ciel de roman noir
à vous faire préférer le vol-au-vent au gratin
un ciel d'incertitude
temps variable avec éclaircies.

arlette a dit…

Le nez dans le livre ... à en chavirer de plaisir

DUSZKA a dit…

La douceur humide incite au retour sur soi, le bruit des gouttes de pluie sur le toit de la véranda chante l'endormissement de la nature et permet le libre cours des pensées. Très belle promenade à tes côtés. Merci.

joye a dit…

Parfois, les mots sont comme un essaim, on s'émerveille de la pause où l'on peut observer une seule abeille en train de vivre sa vie entre la ruche et le nectar.