Jour humide hors de
l'antre.
Brigetoun, en attente d'un rendez-vous avec sa banque pour
que soit fait ce qu'elle veut, n'est pas sortie, était en rogne pour
cela ou autre chose, était incapable de mettre bout à bout deux
idées et trois mots, s'est forcée à risquer de mettre sur Babelio
les belles et bonnes lectures de ces derniers soirs, en étant
parfaitement incapable de le faire (jamais su, en dehors de j'aime,
j'aime pas), reprends, plus ou moins ce qui en est sorti, le matin. (vous préviens...)
Avec, cadeau de la
toulonnaise qui avait aimé ça, pensait que cela pourrait me plaire,
et ne s'est pas trompée, une légende russe d'Elisabeth
Barillé.
Un journal de voyage, un
journal d'évolution intérieure - partir, retourner en Russie, la
Russie de Poutine, après le voyage enfant avec le grand-père émigré
en retour amer et sentimental dans les dernières années du
communisme.
Être poussée par la
recherche de ce maillon, par les zones de mystères, par l'amour de
ces souvenirs de la société russe venus de lui et de sa seconde
femme, l'ancien amour qu'il est allé rechercher derrière ce
rideau-frontière, mais prendre aussi comme guide, par désir et
officiellement, Lou André-Salomé, l'admirée, et son voyage avec
Rilke.
Résister contre pour
exister. Simone Weil me bouleverse, Simone de Beauvoir m'en impose,
Colette Peignot me trouble, Lou Andreas-Salomé m'encourage à lâcher
la peur. Que m'apprend "Ma vie" quand j'ouvre la mienne ?
Que vivre est une chance offerte à chacun, une fois seulement, une
occasion unique qu'il s'agit d'investir, avec audace, jusqu'à
l'aveuglement s'il le faut.
Le texte, divisé en
étapes, mêle son regard sur la Russie actuelle, le mélange d'une
modernité, d'une consommation presque caricaturale et de
persistances
Solidarité mécanique
et morose. Je me demandais si la survivance de ces us d'un autre âge,
d'un autre ordre, n'était pas liée, du moins chez les plus de
quarante ans, au besoin de repères, de points d'appui dans le temps,
pour ne pas perdre pied.
entre refus, sympathie,
critique et lyrisme, avec des portraits de gens rencontrés,
J'embrasse le ciel
laiteux, la tendresse des rives, l'aisance de l'oiseau en vol, les
oscillations du petit canot jaune lesté d'un pêcheur. Union de
l'ample et de l'intime. Japon miniature en terre russe, je te salue
dans l'aube.
les souvenirs de l'enfance
et de la vie avec le grand père, l'histoire des parents,
Je ne regardais plus la
maison, je prenais la mesure du ciel qu'avait respiré Georges, je me
déployais dans le temps, je voyais Georges trottant dans la cour à
l'endroit même où je me tenais, la nuque raide, les yeux levés, je
voyais l'enfant blond qui naîtrait de lui, ma mère, trottant dans
le jardin d'un pavillon 1930, en meulière, sur l'allée de gravier
où je ferais à mon tour l'épreuve des premiers pas.
et Lou, des passages de
son livre de souvenirs, une recherche des lieux qui la plupart du
temps ne sont guère reconnaissable, avec un journal de ce que ce
voyage construit, reconstruit en elle (Eisabeth Barillé... je suis bien lourde ce jour) - et ce qu'est pour elle
l'écriture.
Une réflexion aussi sur
ce que sont la vérité, le mensonge...
Et puis, la parution chez
Publie.net du livre issu de billets lus, relus, en leur temps, sur le
Carnet d'Arnaud Maïsetti Affrontements (une
voix pour l'insubordination) et
là, il m'est vraiment impossible d'en parler, trop riches sont ces
pages http://www.publie.net/fr/ebook/9782814596986/affrontements
et François Bon, sur le site, le fait mieux que ne le saurais.
Enfin,
tentative :
livre (un pour plusieurs
lectures) fait d'éléments divers et liés, entre lesquels on peut
circuler selon deux trajets qui sont à choisir au début, les textes
venant alors se ranger en ordre, en suivant un lien : jours pour
un ordre chronologique puisque tout s'organise en cinq blocs
correspondant à cinq jours
ou par chemins un
ordre thématique chaque jour comprenant un texte d'entrée découlant
du titre de ce jour, un récit, et puis ce qui est appelé les lieux
intérieurs, les visages et les voix..
Formes diverses – unité
et creusement profonds. Des images, des citations pour ponctuer et
introduire.
Une gravité, une coulée
qui suit les mouvements intérieurs, un tableau du monde tel qu'il
est, par la grâce d'un pas de côté, d'un ton un peu légendaire,
une sensibilité extrême.
Affrontements dans la
guerre, affrontements dans nos sociétés, et dans la crise,
affrontements intérieurs.
(jour
1)
D’un geste seulement, nous pourrions nous reculer dans le noir, détourner les yeux de la grandeur du lieu, de l’évidence du lieu bâti pour nous et pour cela, et tourner le dos lentement, nous en aller, dans le noir derrière, et devant. Oui, cela est possible. Mais nous ne le faisons pas. Nous demeurons ici, même s’il nous manque un mot pour pouvoir nous dire : c’est ici où nous sommes et ce monde est le nôtre. Nous venons de si loin. Peut-être confondons-nous l’attente du mot et son absence.
D’un geste seulement, nous pourrions nous reculer dans le noir, détourner les yeux de la grandeur du lieu, de l’évidence du lieu bâti pour nous et pour cela, et tourner le dos lentement, nous en aller, dans le noir derrière, et devant. Oui, cela est possible. Mais nous ne le faisons pas. Nous demeurons ici, même s’il nous manque un mot pour pouvoir nous dire : c’est ici où nous sommes et ce monde est le nôtre. Nous venons de si loin. Peut-être confondons-nous l’attente du mot et son absence.
(jour
deux)
C’est un temps de
secousse : la crise remue le corps, de bas en haut, en longs
soubresauts de peur qui tétanise – d’avoir annoncé
l’effondrement depuis des années semble avoir conjuré tout krach,
de sorte qu’on n’entend plus vraiment le bruit de la terre qui se
sépare peu à peu, sans se rompre tout à fait, sous nos pieds, et
qu’on prend désormais pour le bruit de fond du monde.
(jour
trois)
Où passer..... dans
les lieux pleins, si pleins de monde que dans les bousculades, on ne
sent ni les violences ni les vols, seulement la solitude sous le
vacarme, dans les lieux de surface où s’écrivent et se reçoivent
les violences et les vols, se reformulent les passages, les
profondeurs, les géographies des corps, les cartes sans nord, les
lieux d’orgueil où se savoir premier ici, les lieux d’humilité
où te savoir première ici, qui m’y conduis pour me perdre...
(jour
quatre)
le visage que tu me
montres dans la tristesse sans recours, à laquelle ne répondre que
oui, je l’accepte : je suis cette tristesse, j’y ai toute ma
part, et la joie de partager douleur et visage ainsi d’accord
le visage impossible
qui dit je ne peux pas rejoindre : je ne peux pas franchir
(jour
cinq)
Mais dans
l’éloignement, la beauté infinie de cette nuit obscure, on
s’approcha de moi, sans raison, sans que je le sache même, sans
rien qui l’avait préparé que ma solitude, sans aucune volonté de
s’approcher de moi, hors ma solitude posée là, vaine, dans la
tendresse terrible, dans l’évidence.
Et que
me soient pardonnés la maladresse sommaire de mes mots et mes choix
de citations, alors qu'il était si simple de dire : lisez le.
6 commentaires:
Voilà qui me semble deux grandes lectures. Densité et intensité semblent être au rendez-vous, nonobstant ce jour humide hors de l'antre.
Ça a l'air bon, la Légende russe.
On ne sait plus où donner de la tête.
Voici des passés qui ont du mal à passer....
Je retiens L'histoire Russe et de ce pas !! (enfin boitillant ) le chercher surtout pour : " Vivre est une chance offerte à chacun , une fois seulement,une occasion unique qu'il s'agit d'investir avec audace jusqu'à l'aveuglement "
Un bon début de journée Merci
Tout comme arlettart, touchée par ce passage qui me donne envie d'aller plus loin en lisant le livre.
Merci Brigetoun pour ce partage :-)
Flore
Enregistrer un commentaire