Jour vague – corps noué
au matin, fouaillé par éclairs, crispé et grelottant, moyennement,
sans même vigueur dans la douleur.
Pluie installée, comme
éternelle, esprit noyé,
impression que le visage,
le cou, les mains se désagrègent lentement.
Alors, puisque ce m'est
possible, ai fait quelques courses lentes, mis tout mon moi en
somnolence, attendu, pendant que des gouttes sonnaient sur
l'arrosoir, la table, chantonnaient faiblement dans les descentes,
que vienne le soir.
Mis robe noire, manteau
neuf, pris parapluie et m'en suis allée à l'opéra,
pour assister à une représentation de l'Orfeo de Monteverdi, par la troupe des Nouveaux caractères, dirigée par Sébastien d'Hérin, dans un décor de Caroline Mutel (qui chantait également la Musica) avec Virginie Pochon, Eurydice, Jean-Sébastien Bou, Orféo, Hjördis Thébault la messagère
Me faisais un plaisir, à
l'avance, de cette musique, de la beauté de l'orchestration, de
l'harmonie etc... de ce qui a fait que l'opéra est né là, à
l'aurore du baroque (et m'étais bien gardée d'écouter et regarder
ces jours ci la version d'Harnoncourt, qui a ressuscité cette
oeuvre) et je n'avais jamais entendu Les nouveaux caractères –
juste pensé à jeter un coup d'oeil, avant de partir à
http://www.nouveauxcaracteres.com/sur-scene/operas/orfeo-de-monteverdi/
et de penser miam-miam à première vue.
Et là, je place trois des
nombreuses photos, plus ou moins ratées ou plus ou moins
évocatrices, prises pendant les longs et mérités applaudissements.
Une simplicité presque
pauvre du décor – à gauche les instrumentistes, vêtus de toiles
dans la gamme habituelle du brun au blanc voué aux costumes adoptés
pour dire campagnards d'une époque quelconque entre le moyen-âge et
le 18ème siècle, à droite la harpe, au centre une circulation en
pente faisant un aller et retour en biais sur le plateau et
intercalée entre les deux trajets, une étamine tendue sur trois
poteaux qui portera à un moment une image d'arbres qui, le plus
souvent, laisse deviner ce qui se déroule sur la branche cachée,
comme la mort d'Eurydice ou les esprits avant qu'ils viennent chanter
– draperie et poteaux abattus pour le dernier acte.
Une mise en scène avec
des mouvements minimaux, des chanteurs alignés (mais pas tout à
fait) et qui ne bougent pas ou très peu en chantant, une apparente gaucherie, comme un brouillon de théâtre,
avant que l'on veuille «représenter», et qui unit, fluidifie le
spectacle. Les actes s'enchaînent avec juste deux passages
extrêmement brefs au noir.
L'attention, toujours, de
Caroline Mutel qui chante la musique avec un soprano un peu acide,
très agréable.
M’accompagnant
d’une cithare d’or, j’ai coutume
D’enchanter
l’oreille des mortels ;
Et,
à m’entendre, leur âme aspire
Aux
sons harmonieux de la lyre du ciel
De bons chanteurs (peut
être une petite réserve dans un cas) qui passent du coeur à l'un
des rôles secondaires. Une diversité des tessitures des quatre bergers qui crée une diaprure, une tapisserie succulente.
Un très bon Orféo, des
moments superbes comme la déploration après l'annonce de la mort,
comme le désespoir après la perte d'Eurydice, comme le choeur final
Qui,
ici-bas, connut l’enfer ;
Et
qui sème dans la souffrance
Cueille
le fruit de toute grâce
10 commentaires:
Pas ratées du tout les trois photos "évocatrices" !
les autres si
Trois photos évocatrices sur une œuvre qui elle-même rappelle de belles heures d'écoute. Je devais bien avoir deux versions de cet opéra. J'ai des craintes toutefois de voir trop modernisée cette œuvre d'un autre siècle.
ne l'est pas du tout là - instruments anciens et type de représentation (ors en moins) du théâtre de cour
Un grand moment que tu nous restitues avec ton regard. Modernité qu'il est difficile d'évaluer avec des photos, sans avoir écouté. On ne peut pas éternellement figer l’œuvre telle qu'elle pouvait être représentée à l'époque, je parle ici des costumes.
Belle soirée pour calmer tes douleurs
Aurait aimé ... "cueille le fruit de toute grâce "
musique et pharmacopée...
Quel contraste entre la première image (image de l'Enfer ?) et celles d'Orfeo !
Le soleil est parti, ici, et nous aussi partageons la pluie.
Pierre nous jouons les vases communicants avant l'heure - là je relève la tête après serpillière à quatre pattes et je vois du bleu rien que du bleu
Pour nous donner du courage, souvenons du futur:
Lève-toi, mon amie, et viens!
Car voici, l'hiver est passé;
la pluie a cessé et s'en est allée,
les fleurs paraissent sur la terre.
Cantique des cantiques
Vespro della beata vergine
Monteverdi (j'adore!)
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