Le vent a pris bonne force
dans la nuit, et se déchaînait... en dînant, en lisant, sur fond de
bouuuuuBOUUUUbouuuuuClac (clac ou boum à l'origine indéterminée),
quelque part dans la nuit bousculée, j'étais animal tremblant, me
levant de temps en temps pour aller regarder ma vieille et belle
fenêtre lutter pour ne pas traverser la chambre, quand une longue et
brutale rafale secouait le bois et les ferrures anciennes et
hésitantes avec véhémence.
Cela a duré toute la
nuit, s'est un peu calmé avec le matin mais l'air chantait toujours
un air d'opéra monotone, pendant que, porte fenêtre bloquée comme
pouvais, je vaquais en écoutant les débats à l'assemblée qui
s'obstinaient à ne pas parler du mariage et de l'adoption (sauf pour
déprécier cette dernière et vouloir l'indiquer dans la loi, au
détriment des enfants adoptés par tous les couples ou
célibataires..)
Me suis tout de même
lassée à la longue et l'après-midi fut – suis femme de tradition
– écoute de France-Musique, nez dans Proust - la série de billets
sur le tiers-livre
http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?rubrique113
qui m'a passionnée a fini par éveiller en moi le besoin de m'y
replonger ou plonger (je n'en avais lu qu'un peu moins de la moitié
il y a long, long temps) en reprenant depuis le début de la
Recherche, après avoir lu Albertine disparue,
lecture que
j'avais achevée l'autre soir, mon attention allant des grandes
déclarations sur le but du mariage à l'assemblée (nous étions au
début de l'examen du texte) aux mariages que le narrateur et sa mère
des télégrammes apprennent par des télégrammes, dans le train, en
revenant de Venise.
Le
mariage de Gilberte et de Saint-Loup
Melle de Forcheville
ayant cent millions, Mme de Marsantes avait pensé que c'était un
excellent mariage pour son fils. Elle eut le tort de dire que cette
jeune fille était charmante, qu'elle ignorait absolument si elle
était riche ou pauvre, qu'elle ne voulait pas le savoir mais que
même sans dot ce serait une change pour le jeune homme le plus
difficile d'avoir une femme pareille. C'était beaucoup d'audace pour
une femme, tentée seulement par les cent millions qui lui fermaient
les yeux sur le reste. Aussitôt on comprit qu'elle y pensait pour
son fils. ...
…...
Cependant Mme de
Marsantes ne voulant pas rester sur un échec s'était aussitôt
tournée vers Melle d'Entragues fille du duc de Luxembourg. N'ayant
que vingt millions celle-ci lui convenait moins, mais elle dit à
tout le monde qu'un Saint-Loup ne pouvait épouser une Melle Swann
(il n'était plus question de Forcheville). Quelque temps après
quelqu'un disant étourdiment que le duc de Châtellerault pensait à
épouser Melle d'Entragues, Mme de Marsantes qui était pointilleuse
plus que personne le prit de haut, changea ses batteries, revint à
Gilberte, fit faire la demande pour Saint-Loup, et les fiançailles
eurent lieu immédiatement.
et
celui de Cambremer et Melle d'Oloron (la nièce de Jupien adoptée
par M.de Charlus)
Le nom de Cambremer lui
plut, bien qu'il n'aimât pas les parents, mais il savait que c'était
une des quatre baronnies de Bretagne et tout ce qu'il pouvait espérer
de mieux pour sa fille adoptive, c'était un nom vieux, respecté,
avec de solides alliances dans sa province. Un prince eût été
impossible et d'ailleurs pas désirable. C'était ce qu'il fallait.
avec
aussi (petit sourire), cette remarque, dans la maison des femmes, de
la sous-maîtresse, évoquant ces unions avec un gros monsieur
"Il paraît que le
petit Saint-Loup est "comme ça" et le petit Cambremer
aussi. Pauvres épouses.."
6 commentaires:
Ici ce fut sifflement dans les fenêtres parce que le vent voulait se rappeler à nous et mettre fin à notre douillet confort. Et se lover par un après-midi, redevenu plus calme, à travers l’œuvre de Proust n'est pas désagréable en soi.
@ brigetoun : il serait intéressant de voir quel député aura fait allusion à Proust, durant ce débat animé par la croisade de la réaction catholique, apostolique et romaine...
un député a fait allusion à Proust ? oh ! de manière détournée alors ? enfin, j'ai pas tout suivi, mais ça m'étonne pas d'eux ...
@ Bridgetoun : j'avais en tête une autre scène, plus confinée, plus voyeurisme, que la lecture de votre article a ressuscité en moi ... belle exercice !
les animaux tremblants lisent Proust. et c'est très bien ainsi.
amitiés !
C
Jane Austen de l'autre côté de la Manche en disait tout autant!!
Vient de relire "Persuasion"
Milosz :
- "Le vieux jour qui n'a pas de but veut que l'on vive
Et que l'on pleure et se plaigne avec sa pluie et son vent..."
Le mistral a un si joli nom, faisant rêver les nordistes, juste poétiquement il faut être raisonnable. Sa force brutale effraie un peu.
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