Marcher dans les rues de
la ville - me refuser à avoir froid avec les 11 ou 12° qui nous
étaient accordés, penser aux gens du nord, penser à ce qui
m'attend.
Chercher le ciel, s'emplir
de la lumière, avoir une fois de plus, petite envie de cette
terrasse, moins encaissée que mon trou entre murs, penser : on
dirait que j'y aurai lu les dernières pages de le mal de Montano
de Vila-Matas qui a accompagné,
en alternance avec Sodome et Gomorrhe mes
entrées dans la nuit (bon j'aurais changé d'horaire)
«Adieu, Montano,
adieu», lui ai-je répondu. J'ai marché des heures et des heures
jusqu'à ce que m'écartant de la route perdue, je m'enfonce dans un
silence sylvestre sans oiseaux. Après avoir laissé le bois dans mon
sillage, le livre de Montaigne sous le bras et le souvenir de Mzungu
à l'esprit, j'ai pris un sentiment infini qui a fini pas se rétrécir
et se transformer en quelque chose qui ressemblait à un escalier
anguleux. Et j'ai, tout à coup, vu Musil au bord d'un abîme.
Chemise blanche à col ouvert, pardessus noir tombant jusqu'aux pieds
et large chapeau rouge. Il était songeur, regardait par terre. Il
avait l'air de mesurer les vitesses, les angles, les forces
magnétiques des masses fugitives de cet abîme qui s'ouvrait devant
nous. Il a levé la tête et m'a regardé. Devant nous, il n'y avait
que du vide, l'Action Sans Parallèle et les autres ennemis de la
littérature nous encerclaient. «C'est l'air du temps, ils menacent
l'esprit», lui ai-je dit. Musil a levé les yeux vers l'horizon
incertain. Au loin, très loin, au-delà de tout, comme un mirage de
salut surgi du vide et de l'abîme, on voyait la mer, ses volées
d'oiseaux, ses essaims de voiles blanches, triangulaires. «Prague
est intouchable, a-t-il dit, c'est un cercle enchanté, avec Prague
ils n'ont jamais pu, avec Prague ils ne pourront jamais.
Et
j'ai continué, simplement, dans Avignon.
Mais
un peu avant, presque en face de la seule librairie du quartier,
librairie d'ancien, tête levée, avais trouvé un autre oloé, sans
grand charme, sauf une protection plus grande contre les caprices du
vent, le bleu toujours, et la vue sur une succession de tuiles
canals.
Y
continuer la découverte ravie de Décor Lafayette d'Anne
Savelli (aux éditions Inculte), là où je l'avais refermé aux
petites heures de mercredi, dans la cabine d'essayage, avec une des
Elle, après la liste des trop maigre, trop grosse... en
longue et éternelle litanie
juste
à Trop mauvaise, nerveuse. Pas assez.
Pas
assez moqueuse, soignée, pas assez bardée de leurs sigles, pas
assez tatouée au fer, à l'or fin, à la pierre taillée, pas assez
placée sur écrin ni addict au rang de perles, au cafard dès le
matin, une coupe d'entrée, de champagne, de cheveux, que passe la
journée entre des mains expertes, pas assez habituée aux pierres
chaudes, aux embruns, aux onctions, aux caresses, à cette intimité
entre toute raisonnable – des chambres, des recoins, des hamacs,
fontaines, peaux de bêtes, coussins dans une garçonnière ou mieux,
une bonbonnière, délicieux pied-à-terre, trois cents mètres
carrés.
ou
céder à l'envie d'aller à la fin, à l'index nommé entrer dans
le décor, s'y promener, en sortir s'arrêter sur par le
bruit, par le son, choisir bruits de vaisselle, aller à
la page 90
… Devant le salon de
thé, sixième étage, toujours, chocs de la porcelaine, des
soucoupes qu'on empile. Une dame se dispute, répond à son mari qui
voudrait se faire servir...
mais
pour vous qui passez ici, cela ne peut vous donner idée de ce
foisonnement, qui comprend aussi Simone Signoret, des géantes,
l'homme du désir, le catalogue etc..
le
mieux serait de lire ce qu'en disent Christophe Grossi
http://deboitements.net/spip.php?article347
ou Christine Jeanney http://christinejeanney.net/spip.php?article577
Et
puis reprendre la rue, mais dans la nuit toute neuve, pour aller
(appareil de photo oublié dans l'autre sac) au Studio des
Hivernales, et là je trouvais qu'il faisait frio, voir John de
et par Ambra Senatore (c'est elle sur la photo, mais dans un autre
spectacle) – agréable spectacle, élégant, sensible, simple,
fluide, une femme, la quotidienneté, la présence d'un homme.
Les
deux photos d'oloés (endroits ou lire ou écrire, mot forgé par
Anne Savelli et largement adopté) je les avais prises le matin, en
rentrant, après recherche de boutique en boutique, avec la seule et
très ridicule (au fond c'est plutôt bien) paire de chaussures
fourrées, à peu près à la taille de mes pieds à géométrie
variable – ce n'est plus tout à fait ce que proposent les magasins
– pour la montagne lozérienne où m'en va via Grignan, laissant
Paumée, vendredi, aux très bons soins de Christophe Grossi (et je
regretterai bien de ne pas assister à votre plaisir) pendant que je
serai chez lui (soyez gentils et généreux allez voir ma tentative
de retrouver Barcelone). Vais essayer de trouver tenues chaudes et
pas trop moches.
8 commentaires:
"montagne lozérienne", escale, escalade...
Mais tu pars en Alaska ??avec de telles bottes
aime" oloe" un joli mot qui sent les îles désertes
Reviens vite
Bon séjour, le redoux est annoncé. C'est vrai, oloé est un joli mot.
en ce jeudi, les températures s'ébrouent au nord : 1 à 3 degrés vers 11h du matin pèlerin...
bonne montagne lozérienne !
Avec ces bottines tu peux aller plus loin que la Lozère chez les inuits peut-être
Gérard
Des chaussures fourrées tout à fait indiquées pour là où tu vas. Ne te manquent plus que Chapeau, gants et gros manteau.. Bon voyage et bon séjour là-bas.
Un petit retard, comme cela est mon habitude. La ponctualité est parfois fonction d'une bonne organisation. Et à vrai dire, je les trouve splendides ces chaussures fourrées. Un petit coucou et je m'en retourne mettre de l'ordre dans mes affaires ;-)
Enregistrer un commentaire