Vendredi matin, achat
lunettes avec deux branches parce qu'avec une cela manque de confort
et gros marché aux halles.
Petit vent léger, ciel
grand bleu, froid, froid, du moins à mes yeux qui en pleuraient
toujours.
La place Pie, devant le
mur planté en sa version souffreteuse, était un désert minéral,
aux couleurs neutres, où même les troncs de platane dégarnis
semblaient gemmes sans valeur.
L'atelier était plein
d’une forte odeur de roses et, lorsqu’un vent lumineux d’été
passa entre les arbres du jardin, alors entra, par la porte ouverte,
le parfum lourd du lilas et celui plus délicat de l’églantier.
Depuis l’angle du
divan de cuir persan sur lequel il était allongé, et fumant comme
d’habitude cigarettes sur cigarettes, Lord Henry Wotton pouvait
seulement apercevoir l’éclat du cytise en fleurs et sa couleur de
miel, ses branches frémissantes, comme incapables de supporter la
charge d’une beauté si flamboyante ; par instant, des ombres
irréelles d’oiseaux en vol se projetaient sur le tussor des
rideaux tirés en travers de la fenêtre, ce qui créait une sorte
d’ambiance japonaise éphémère et lui rappelait ces peintres aux
visages de jade blanc, dont l’art, pourtant immobile, cherche à
saisir la vitesse et le mouvement. Le murmure monotone des abeilles
qui suivaient leur chemin au milieu des hautes herbes, ou
s’obstinaient en cercles répétitifs autour du pistil noir des
premières roses trémières, rendait le calme encore plus
oppressant, et la rumeur de Londres bourdonnait en note continue,
comme un orgue lointain.
Je
n'avais rien d'aussi enivrant à ma disposition (et les premières
images puisées dans mon passé s'y accordent mal), mais les mots
m'ont installée dans cet après-midi estival, et, ravie, je suis
restée là, au coin de la porte, pour écouter Lord Henry, et ce que
Basil Hallward lui répondait... et puis, négligeant bon nombre des
petites tâches que je m'étais fixée, ai suivi la suite de leur
histoire, de celle de Dorian Gray, de Sibyl, du portrait.. puisque la
nouvelle traduction, par Christine Jeanney du Portrait de Dorian
Gray d'Oscar Wilde (nous l'a volée longtemps ce portrait, mais
patientions dans cette promesse) à partir de la version «resserrée»
comme elle le dit dans la très fouillée, belle, intéressante
Postface que vous conseille vivement
http://christinejeanney.net/spip.php?article554,
qui est réflexion, analyse du livre, comme ne saurais... et ensuite
il ne vous restera plus qu'à acquérir et ouvrir le fichier chez
Publie.net
http://www.publie.net/fr/ebook/9782814505346/le-portrait-de-dorian-gray parce que, et le relisant ainsi, dans ces nouveaux mots, je le sens encore davantage, c'est vraiment un sacré livre, avec cette façon qu'a toujours Wilde de faire passer, sous l'intelligence pétillante, le sentiment de douleurs.
Me
voilà engloutie dans les lectures en cours ou projetées (une belle
petite pile au bas de la bibliothèque, là, devant mes pieds)
P.S.
Christine Jeanney est maintenant plongée, pour mon plus grand
plaisir (mon égoïsme qui repointe le nez, j'appuie dessus, voilà
l'est caché) dans la traduction des Vagues de Virginia Woolf, et
tient un journal de ses perplexités http://christinejeanney.net/spip.php?rubrique26
10 commentaires:
Quelle belle association entre le travail de Christine et ce jardin de fleurs... sous la plume de Christine, avec sa patience et son sens de la précision, nul doute que Wilde et Woolf renaîtront pour le plaisir des lecteurs et lectrices des Belles Lettres.
Wilde revisité, peinture au-delà d'elle-même...
Par ce froid, une bonne idée de se plonger dans l'été grâce à des lectures et de belles photos !
L'eau à la bouche en délice de lecture ... wilde woolf y fait refaire un tour
Mimétisme du platane et de la pierre froide (bien vu)
ai lu les 3/4 - et réellement CONSEILLE - j n'ai pas sous la main traduction antérieure pour comparer, là c'est un vrai plaisir de langue avec l'intelligence du texte qui passe
froid, froid, les yeux peuvent aussi pleurer d'effroi...
Ici, on attend de nouveau la neige...Que dirais-tu ? Remarque bien que cela ne ferait qu'inciter de plus à la lecture.
Merci pour les belles fleurs, brige !
Si vous saviez le nombre de substances borderline que CJ a absorbées durant toute la traduction du père Oscar : Kitkat, café, pain de campagne, baguette, cancoillotte, re-café, et même, j'ose le dire, du Saint-Agur tartiné. Une sacrée traversée de tous les dangers non ?.. :D
lui en suis encore plus reconnaissante - et n'ose imaginer ce que va être la navigation sur les vagues qui est si précis et évanescent en même temps (un peu moins que la phalène, mais juste un peu)
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