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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

vendredi, mars 22, 2013

Retrouver


Ce serait le ciel bleu, séché, avec juste un petit reste d'humidité cachée pour l'adoucir, qui accueillerait ma sortie vers le teinturier-blanchisseur, les produits d'entretien, des cigares et le canard que j'avais oublié pendant un jour (l'enchaîné), un ciel qui saluerait mon freinage, talons bloqués dans le réel, sur la douce pente de mon marasme... et profond désintérêt, entre autres, pour Paumée.

Ce serait se souvenir - ah oui c'est vrai, c'était lundi je crois - le ciel était d'un bleu nourri, un peu granuleux, hésitant, gros des nuages à venir – le vent était léger, mon coeur aussi, 

et les halles étaient presque désertes, avec des étals assez pauvrement fournis, enfin presque,...

et des vendeurs en veine d'échanges légers, de plaisanteries douces..

C'était un parfum de printemps fragile, délicieux d'une petite menace suspendue, qui ne fut que pluie, des heures plus tard

Ce fut saluer, en redescendant vers l'antre, la nuit qui devait venir, avec un sourire d'espoir

Ce fut partir dans la nuit, en attente, vers Jenufa, dans une coproduction des opéras de Bordeaux et Avignon, pleine de promesses – ce fut le plaisir de l'arrivée dans nos murs d'une musique qui m'est plus sensible que Donizetti ou Puccini

Ce fut une mise en scène lumineuse de Friedrich Meyer-Oertel, des chanteurs acteurs, entre réalisme et stylisation, qui jouaient leur rôle, chaque geste servant à transmettre les émotions, ce fut un beau décor très simple, un accord d'ocre du décor, des gris, bleus, noirs des costumes, ce fut la direction de Balàzs Kocsàr, ce fut la découverte de cet opéra que n'avais pas encore entendu (mais j'aime Janacek, et me souvenais de l'affaire Makropoulos, retransmise, et d'une représentation de la petite renarde, de pièces de musique pure, de la messe..) ce fut cette musique qui enrobe les mots, qui épouse la langue jusqu'à sembler en émaner.

Ce furent de beaux et bons chanteurs, la beauté de noble paysanne de ces terres qui nous sont proches et étrangères, la voix, le jeu de Christina Carvin qui était Jenufa , ce fut la douce force torturée, la flamme bridée de conventions de Géraldine Chauvin en marâtre trop aimante, la timide force trapue, la très belle voix de Marlin Miller en Laca, ce fut même cela : Florian Laconi, que j'aime moyennement pour son côté un peu trop ténor glorieux, un peu trompetant, mais sans excès là pour ne pas déséquilibrer l'ensemble, en accord avec son rôle de bourreau des coeurs... ce fut une bonne distribution des rôles secondaires.
Ce fut sans doute un des spectacles les plus réussis donnés par l'opéra.

Ce furent des journées à côté de moi, ce fut savourer ma sottise, se complaire dans la culpabilité légère des stupidités où me cantonnait.
Ce fut aussi des moments de lecture, en plaisir grand mais qui me retenaient peu de temps, et en apéritif à la nuit menant à jeudi, les quelques belles pages de Nuages de Jaccottet, chez Fata Morgana – et ceci, qui introduit le bonheur de l'observation, affûtée, précise de nuages d'un très beau ciel de plein été,
Et ce dernier été, peut-être parce que je sais que, dans la meilleure hypothèse, je n'en ai plus tant que cela devant moi, et que le risque de voir ce mot «dernier» prendre son sens absolu s'aggrave chaque jour selon une progression accélérée, certaines choses de ce monde qui aura été le mien, le nôtre, pendant presque toute notre vie, m'ont étonné plus qu'elles ne l'avaient jamais fait encore, ont pris plus de relief, d'intensité, de présence ; plus de, comment dire ? plus de chaleur aussi, étrangement, comme on n'en reçoit généralement que des êtres proches ; bien que je sache, dans le même temps, que cela ne peut en aucune manière être pris au pied de la lettre, comme si je m'étais mis à croire à une amitié, à des sentiments des choses pour l'homme, qui les rendraient capables de nous «parler» vraiment, à leur façon.
Et m'est revenu le souvenir de cette sortie d'une période très sombre, correspondant à mon arrivée à Avignon, quand je redécouvrais tout, quand le moindre brin d'herbe dans le soleil, un sourire d'un passant, n'importe quoi m'était un cadeau.
Retrouver cet état de disponibilité, de bénévolence.

5 commentaires:

Pierre R Chantelois a dit…

Si heureux de constater ce retour d'un beau ciel bleu. Si heureux de relire ces billets inspirés sur la saison et sur la vie. Heureux de vous savoir inspirée par les arts de la scène et par les rues de votre ville historique. Du petit bonheur à goûter à petites doses.

Dominique Hasselmann a dit…

La musique vous a remis dans le bain du ciel.

arlette a dit…

AH!!! tu nous manquais entre les tulipes du marché, Janacek ,et la méditation de Jaccottet ouf!! je me sens mieux que tu sois là

Fardoise a dit…

Courage Brigitte, le printemps signe d'un mieux pour la nature, se paie souvent au prix fort pour notre organisme. Tes promenades photographiques sont toujours un enchantement.

chri a dit…

Que j'aime l'idée de bénévolence.