Brigetoun, brusquement,
s'est sentie trop papillonnante devant la richesse du monde virtuel,
et le reflet du monde où sommes enclos, a trouvé coquille, toute de
pureté et de solidité apparente – ignorer l'évident risque de
bris – s'est rencognée, a passé de temps en temps ses yeux au
dehors, en flottaison fugace sur internet, n'a rien fait de disible
(ou non avouable) – a tenté de comprendre le monde à travers les
indignations qui fusaient en coeur vertueux et outragé.
La lumière dimanche soir
était d'opale infiniment doux à l'horizon de ma rue, dans la
tendresse fugace de l'air.
Ai frissonné avec
détachement en lisant l'amour criminel de
Marie-François Goron,
http://www.publie.net/fr/ebook/9782814507166/l-amour-criminel
avec un peu de la petite fascination humaine et misérable sans
gravité pour le crime, avec le plaisir du style vif de l'auteur, de
son ton de fin/début des siècles précédents, de le trouver, avec
ses responsabilités, la revendication de ses succès, assez humain
pour estimer qu'il aurait été blâmé par une équipe sortante (par
l'actuel ministre un peu aussi, moins sans doute) pour laxisme léger,
quand il évoque le rôle de la société, quand des petites notes de
morale se glissent dans son récit comme
Cela, du reste, la
plupart du temps, n’a d’autre résultat que de la faire
poursuivre par la justice comme receleuse. — Je me hâte d’ajouter
que les poursuites de ce genre m’ont paru souvent injustes. — Ces
malheureuses ne peuvent avoir que des idées très rudimentaires sur
la morale ! Une d’entre elles, inculpée du recel d’une
montre volée par son amant, me disait :
— J’ai pas pensé à
lui demander son état-civil, à c’te montre !
Toujours, je l’avoue,
j’ai été très large pour les pauvres créatures arrêtées dans
ces conditions, et je ne les impliquais dans les affaires où
figuraient leurs amants que si leur culpabilité était bien
démontrée, et consciente ! La plupart des magistrats parisiens
partageaient, du reste, mes idées à ce sujet.
Ne sont-elles pas
toujours les victimes ? Il faut qu’elles donnent à leur
souteneur tout ce qu’elles ont, et quand elles reçoivent de lui un
bijou ou une robe, elles s’en vont en prison comme receleuses !
Et
j'ai dépassé l'hôtel de Jupien dans le Temps retrouvé
Lundi
matin le frais nous est revenu, sans agressivité, s'installant peu à
peu en moi pendant ma petite marche dans les rues en travaux, et le
ciel était mort.
Ai
suivi jeudi et samedi de longs moments des débats à l'assemblée,
ai eu un peu de baume au coeur en constatant que, parfois, les
députés socialistes sortaient de leur morose, réprobatrice,
malheureuse acceptation de la consigne et amélioraient légèrement
le soit disant accord unanime (comme si le rôle des législateurs
était de donner la force de la loi au renoncement devant des
contrats déséquilibrés). Ai frémis de colère en entendant le
rapporteur répondre «il y a beaucoup de socialistes et pour
certains je vous les laisse» (pas les mots exacts, mais le sens
était celui là, et le ton incisif et rapide) à Chassaigne qui
appuyait ses amendements sur ce que clame Filloche, qui sait de quoi
il parle.
Ai
ouvert, comme on prend un bonbon dans une boite, Meydan
la place 2
http://www.publie.net/fr/ebook/9782814597273/meydan-la-place-2,
l'anthologie d'auteurs turcs contemporains réunie et présentée par
Canan Marasligil, ai savouré la richesse
que j'ai cru deviner, me suis résignée à perdre la partie sonore à
cause de mon mauvais équipement, et fait déjà, le temps d'une
tasse de thé, une promenade délicieusement vivante sur le Bosphore
avec les photos belles et aiguës d'Erinç Salor qui accompagnent la
flânerie littéraire d'Esra Almas, heureuse qu'ils me tiennent la
main, me montrent ce qu'il voit, m'indique, elle, l'épaisseur des
textes qui l'évoquent,
Naviguer en vapur
le long du Bosphore est le moyen de découvrir la ville de
l’intérieur tout en étant en même temps à l’extérieur. Le
trajet permet une expérience de contrastes et de convergences. Le
résultat peut se trouver dans l’appel de la silhouette brumeuse de
la ville vue depuis les rives du cours d’eau. Une silhouette
tissant des sens immédiats de la ville avec les palimpsestes de son
histoire, et des visions pour l’avenir
Samedi
soir, opéra, un concert les trilles du diable et Brigetoun un
peu étonnée d'être là.
Un
quatuor de bonne qualité, le Quatuor Illico, un contrebassiste
Stanislas Kuchinski et un violoniste solo Nemanja Radulovic (tenue
vaguement cosaque en version balkan, à la sauce Chatelet, une énorme
crinière crépue évoquant une perruque louiquatorzième mais noire,
des sourcils épais et éloquents, mais : cette théâtralité
légèrement agaçante tempérée par un peu d'auto-ironie et le
souci de la musique, un vrai talent, un violon au son fruité et
allègre)
Stupidité
de mon ignorance et mon recul instinctif – une belle exécution du
caprice basque et des airs bohémiens de Pablo de Sarasate (même si
ne me serais pas déplacée pour cette musique, question de goût) –
une pièce d'Aleksandar Sedlar spring in Japan écrite après
le tsunami, belle – une bonne interprétation du poème pour
violon et orchestre de Chausse (mais là encore je n'aime que très
modérément), mais deux arrangements pour une chaconne de Bach et un
adagio de Mozart - afin de montrer au grand public que la musique
classique était une belle chose, nous a-t-il gentiment annoncé -.
Seulement, je ne dois pas être assez grand public, et si j'ai trouvé
un charme virtuose et sentimental à ces exécutions (ou parce que
j'ai trouvé...) j'ai cherché un peu Bach, je n'ai pas trouvé
Mozart.
Retour
dans une bourrasque hivernale, la pluie glacée et le vent se
joignant pour me chasser vers l'antre.
Moments
de soleil entre averses, pétales roses et cyclamens ramassés,
bambou haut, robuste et passablement fané, quelques bourgeons sur
une partie du saule qui semblent se trouver très seuls – la plante
courbe qui s'était couverte l'année dernière, pour la première
fois depuis trois ans, d'une toison de fleurs blanches serrées et
drues, se borne cette année à quelques bouquets qui m'attendrissent
de beauté fragile.
Me voici loin des quelques mots égrenés que voulais...
Tout
ceci est finalement bavard, assez sot, dépasse les notes lapidaires
que voulais, et ce en quoi nous baignons, Cahusac, les réactions,
l'enquête sur les paradis fiscaux, ne saurais en parler ici –
laisser cela en surplomb.
Juste
un peu de narcissisme mais pas que... parler d'un eBook (gratuit chez
Immatériel) sur une idée de Thierry Crouzet (et par ses soins)
cinquante micro-nouvelles
http://librairie.immateriel.fr/fr/ebook/9782919358496/50-micronouvelles
ne dépassant pas la taille d'un tweet, soit 140 caractères, drôles,
tragiques, sérieuses, moins sérieuses, pour une lecture diaprée et
rapide, réunissant 50 auteurs et pseudo-auteurs puisque Brigitte
Célérier s'y est glissée avec cette oeuvre immortelle :
On marche, on tourne un
coin, et soudain, devant la porte d’un petit square de l’autre
côté de la rue : un revenant se penche sur un landau.
Me
demande si j'ai bien fait de revenir charger Paumée, pauvre cher, de
ce verbiage
5 commentaires:
« j'ai cherché un peu Bach, je n'ai pas trouvé Mozart »
__
Et nonobstant cette quête inaboutie, vous avez suivi un itinéraire qui s'inscrit encore une fois hors du commun. De vos lectures éclectiques jusqu'aux observations lucides sur le temps qu'il fait et sur ses influences, votre itinéraire est pour le lecteur ou la lectrice un véritable régal pour l'esprit et pour les yeux (car nous tentons de recréer bien intérieurement ce périple dans les arts que vous fréquentez si bien).
Musique, lecture (+ politique et météo) : il était impossible que vous ne vous y remettiez pas - en ligne(s)
...
Parfois on se méprend sur un spectacle ..mésaventure en écho avec "Ali Baba" de Macha Makeïeff mais ne sais pas si bien que toi d'un coup de phrases pointues , exprimer mon sentiment personnel
Un hommage à Marcel Duchamp sur la première photo ?
Tu est sortie de ta coquille ?
Enregistrer un commentaire