Brigetoun le vieil hibou
égoïste n'avait pas réalisé que ce lundi était lundi de
Pentecôte, et donc férié n'en déplaise à une décision du
précédent gouvernement... est partie avec le sac à linge, des
draps et les dernières robes de lainage léger, a trouvé que la
boutique était bien sombre, que la poignée était bien dure, a
réalisé et comme les jambes étaient joyeuses de cette petite
marche, comme le ciel était beau, a fait un petit tour pour rentrer,
a cueilli quelques images qui lui semblaient en rapport lointain avec
le long compagnonnage de dimanche....
Comme voulais enfin passer
outre blocage pour le texte destiné aux vases, à mon complexe à
l'idée de m'installer sur le blog invitant, à ma constatation
navrée que, sur un thème qui me plaisait fort, ne me viennent, et
avec une force qui m'interdit toute dérive, que des idées
universelles et banales... je suis donc allée consulter ces
messieurs de la Pléïade (qui ressassent également en fait les
mêmes idées, mais tant bien), Ronsard bien entendu, en survol
accroché par les poèmes que connais le mieux, Jodelle, rapidement
Ponthus trop savant, le gentil Du Baïf et puis enfin le très cher
Du Bellay, seulement, chez lui, après quelques chansons, un peu de
pétrarquisme et de théorie, me suis retrouvée dans les Regrets et,
je crois pour la première fois, les ai tous lus en attention ravie.
Parce qu'après avoir dit
Si quelqu'un dessus moy
sa cholère délasche,
Sur les vers je vomis
le venin de mon coeur...
il donne libre (mais
mesuré bellement) cour à ses plaintes et ses rages... et ce lundi,
ai délaissé ce que m'étais ordonné, puisque c'était jour férié,
pour faire brève cueillette, frustrante, un peu au hasard...
Je n'adore les biens,
et sers à l'avarice,
Je n'ayme les honneurs,
et me les fault priser,
Je veulx garder ma foy,
et me la fault briser,
Je cherche la vertu et
ne trouve que vice
Icy du faulx et vray la
messagère court,
Icy les courtisans font
l'amour et la court,
Ici l'ambition, et la
finesse abonde ;
-
Icy la liberté fait
l'humble audacieux,
Icy l'oisiveté rend le
bon vicieux,
Icy le vil faquin
discourt des faicts du monde
ou, avant de parler des
pauvres filles et de la guerre
Suivre son Cardinal au
Pape, au consistoire,
En capelle, en visite,
en congrégation
Et pour l'honneur d'un
prince, ou d'une nation,
De quelque ambassadeur
accompagner la gloire..
Ne suivre en son parler
la liberté de France,
Et pour respondre un
mot, un quart d'heure y songer..
ou
Seigneuriser chacun
d'un baisement de main
Et suivant la façon du
courtisan Romain,
Cacher sa pauvreté
d'une brave apparence
et l'ai abandonné avant
que par Venise, Marseille, Lyon il regagne Paris, la Loire, la cour,
non sans petit déchantement...
pour m'en aller dans la
violence de son cadet guerrier, Agrippa d'Aubigné et «Les
tragiques»
Quand le tyran s'esgaie
en la ville qu'il entre,
La ville est un corps
mort, il passe sur le ventre,
Et ce n'est plus du
laict qu'elle prodigue en l'air,
C'est du sang....
et le tableau charmant
qu'il fait de la reine
Elle infecte le ciel
par la noire fumée
Qui sort de ses nazeaux
; ell' haleine les fleurs,
Les fleurs perdent d'un
coup la vie et les couleurs,
Son toucher est mortel,
la pertifere tüe
Les païs tous entiers
de basilique veüe... (passage où il fait preuve d'une sage et inhabituelle mesure)
ai continué, sautant,
picorant, jusqu'à trouver la louange des martyrs de son camp, et de
cestuit qui me ramenait près de ma cour
Du paumier d'Avignon,
lié dans une cage
Suspendue au plus haut
de la plus haute tour.
La plus vive chaleur du
plus chaud et grand jour,
Et le nuit de l'hyver
la plus froide et cuisante,
Lui furent du printemps
une haleine plaisante...
Alors, dans la cour, dans
le soleil, à côté du rosier qui laisse filtrer un peu de rose dans
les fentes de ses boutons, ai relu la sagesse de ce texte formidable
qu'est le «Discours de la
servitude volontaire», et son éternelle vérité
On ne regrette jamais
ce qu'on n'a jamais eu. Le chagrin ne vient qu'après le plaisir et
toujours, à la connaissance du malheur, se joint le souvenir de
quelque joie passée. La nature de l'homme est d'être libre et de
vouloir l'être, mais il prend facilement un autre pli lorsque
l'éducation le lui donne.
…..
Le grand Turc s'est
bien aperçu (a fait des émules)
que les livres et la pensée donnent plus que toute autre
chose aux hommes le sentiment de leur dignité et la haine de la
tyrannie...
et
comme l'étrange tenue ni la compagnie de ceux qui la portent
n'existaient du temps d'Etienne
de La Boétie je n'ai pas à lui promettre, l'assurer, qu'il n'y a
nulle malice dans le choix de cette image, que c'est le fruit du
hasard.
Ne
me reste qu'à demander pardon aux vaillants qui ont suivi ma
divagation (et aller arroser puisque le ciel a fait grève)
8 commentaires:
dominique hasselmann a dit
Quand l'ombre s'empare des remparts... le cadran est forcément solaire
et le commentaire a disparu (c'est vrai)
En lisant comme en marchant. Faut-il alors parler d'une ballade en balade ?
Tout est bon, rien à jeter. J'aime.
Encore.
Mais tu "divagues "si bien
La tête m'en tourne de tant de savoir exprimé pour nous
très bien... sans le savoir (je viens de le lire) j'étais à mon ouvrage (semblable au vôtre)
... Bannissez le complexe, vous êtes comme chez vous (le week-end s'est donc bien prolongé...)... A bientôt
Une errance dans les mots anciens qui se glissent imperceptiblement dans les souvenirs. Et depuis que je fréquente ce merveilleux blogue, je constate l'étendue à découvrir dans cette ville mythique qu'est Avignon
Pierre R Chantelois
Madame a de très belles jambes, pour accompagner mieux ses enjambements poétiques, sans doute !
alors là vraiment pas ! serais plutôt du genre baduc comme nous le disions avec élégance et avec de bons mollets de danseuse éphémère
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