Ce mardi matin, sortie de
la pénombre de l'antre, ai pris dans les yeux la lumière qui
baignait la ville, qui nourrissait, teintait, les ombres qu'elle faisait naître
qui traçait des chemins
lumineux là où elle se frayait passage entre les îlots de maisons
Ce mardi matin, de jeunes
et vives rafales de vent se saisissaient brusquement des rives des
bannes, des plis mal fixés des parasols, retroussaient les chemises,
faisaient battre les pantalons contre les jambes, voleter les
cheveux, et, entre zones de douce tiédeur et petits frissons frais,
Brigetoun ponctuait sa marche d'éternuements
Ce mardi matin, ai
rencontré encore petits embouteillages, attendu que les camions
négocient virage entre la rue Rouge et le Vieux Sextier, me suis
faufilée.. pour avancer plus librement, avec eux, vers la place
Ce mardi matin, sur mon
chemin, étaient des jardiniers dans le ciel, disciplinant le mur
étaient des courbes
étaient des lignes, des
droites, tracées arbitrairement,
bornant, avec une rigueur
cachée, les terrasses...
Mardi, dans la cour, ai
ramassé petites brindilles, feuilles déchiquetées des platanes,
une grande plume et du duvet, me suis installée un moment, un peu
saoule de soleil et de vent, avec le château des destins croisés
de Calvino, trouvé par hasard
il y a un peu plus d'une semaine chez un soldeur, ranimant un mélange
de nostalgie et de perplexité au souvenir d'une très ancienne
lecture, déclenchant petite recherche des livres perdus (me manque
les leçons américaines
ou quel que soit le titre exact.
L'avais
ouvert dans la nuit, en attente de plaisir renoué, avec une légère
déception au premier abord – impression de schématisme, de
contrainte trop apparente.
Et
puis je retrouve le goût pour ces jeux, pour le ton, ou plutôt les
puisque la taverne et les tarots de Marseille correspondent à un
autre univers, en contrepoint
comme
dans ce qu'incarne le Cavalier de coupe
Se présentant à nous
sous (ses traits)... un
jeune seigneur rose et blond qui déployait un manteau rayonnant de
soleils brodés et, comme les Rois Mages, offrait dans sa main tendue
un cadeau -, notre compagnon voulait probablement nous informer de sa
riche condition, de son penchant au luxe et à la prodigalité, mais
aussi – se montrant à cheval – de son esprit d'aventure ; encore
qu'il fût – jugeai-je quand à moi, à observer toutes ces
broderies jusque sur le caparaçon du destrier – poussé par le
désir de paraître plutôt que par une vocation véritable (quand,
dessiné par Bonifacio Bembo pour les ducs de Milan, il est le
premier intervenant du château des destins croisés)
ou
quand
pour ouvrir les récits de la taverne des destins croisés, dans la
version la plus commune des tarots de Marseille, il ressemble à
celui qu'il incarne un temps et que ce n'est pas seulement
dans le visage, anxieux, les yeux exorbités, et les cheveux longs
qui tombent sur les épaules, tout blanchis, qu'on note la
ressemblance mais aussi dans ces mains qu'il remue sur la table comme
s'il ne savait où les mettre, et qui là dans l'image tiennent, la
droite une coupe trop grosse en équilibre sur la paume, la gauche à
peine du bout des doigts les rênes. Une allure incertaine qui se
communique même au cheval : il semble qu'il ait du mal à bien poser
ses sabots sur une terre toute remuée...
et,
délaissant un temps la lecture des grilles dressées par Calvino et
des récits qu'il en tire, me suis amusée à suivre les sens que
prenaient d'une colonne ou d'un récit à l'autre, certaines des arcanes... et le repassage a attendu.
6 commentaires:
À vos souhaits. Pour votre serviteur, c'est le soleil qui le fait éternuer. Mais soleil et éternuements bien rares en ce début d'été.
Belle richesse photographique...
jours qui se suivent et diffèrent ... perplexité parfois (surtout devant succès d'hier !)
Un chemin de lumière... à suivre
Je m'arrête à ta deuxième photo, graphique, insolite et surtout créative.
grand merci à vous maître (et quel !)
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