En archivant
les images faussement maritimes me suis retrouvée face à celle-ci,
prise instinctivement, comme chaque fois que le jeu de
la lumière et de l'ombre réveille pour un instant mon regard trop accoutumé.
Suis sortie
avec sac de draps et un panier pour des légumes, dans des rues sans
ombres puisque sans lumière, ou baignées par une lumière trop
filtrée. Parce que, je te le dis Brigitte, les ombres n'existent que par
la lumière... oui mais la lumière n'est ravissement que par
l'ombre.
Et puis,
lentement, pendant que cheminais, le soleil a percé,
un soupçon
d'ombres, presque imperceptible, s'est posée sous les objets, et peu
à peu les jeux sont revenus, que j'ai cueillis, jeux sans violence,
dans une luminosité toujours en partie voilée.
Et m'en
revenais avec ma charge, point trop lourde, avec le mot ombre qui
dansait dans mon crâne, avec mes yeux posés sur les objets fantômes
si parfaitement dessinés,
leur
calligraphie légère, cette gaieté d'être liées mais inutiles,
d'une gratuité, d'une liberté illusoire, cette façon en arrimant
les choses au sol de les en détacher, comme de les soulever, de les
rendre à l'air.
ces silhouettes
agrandies, déformées, qu'elles créent, installant un autre réel
contre celui où nous mouvons
les tunnels qui
se creusent sous les voûtes entre deux rues, comme nos petites
plongées dans l'impensé, trop brefs ici pour que naisse même un
début d'angoisse
et toujours
cette réponse des façades à la caresse du soleil, la marque
qu'elles posent comme des refus par leurs moulures, les avant-corps, les murs
voisins, sur les taches de clarté, leur accueil radieux et leur
réserve
la vie qu'elles, les ombres, rendent aux feuillages frappés de soleil, sculptant l'éblouissement
des petites feuilles...
- souvenir du
gigantesque tilleul du jardin de Soliès, sous lequel nous
installions de grandes tables – et il fallait penser à prendre un
chandail pour éviter le rhume en sortant de la brûlure des rangées
de laitues, des chemins et des petits canaux d'irrigation, pour
entrer dans cette fraîche chapelle d'ombre lumineuse, avec sa
bordure trouée de petites taches ensoleillées, avec, au bout,
contre le mur, l'eau noire du lavoir et son évacuation, mousse sale
dorée par les rayons, hors de l'abri de l'arbre. -
le
rythme dans la lumière nourrie d'ombres des couloirs
la
netteté des ombres projetées, et la douceur sans limites précises
de celle qui règne sous les branches
et
le dessin, sur les pavés ou le goudron, de la hauteur des façades,
ligne discontinue, en danse lente.
J'étais
arrivée,
ne
me restait qu'à penser à suivre Orphée à la découverte des
ombres, de celles qui circulaient autour de son voyage, de celles qui
gémissaient dans les cercles à travers lesquels Dante a suivi
Virgile et Béatrice, de celles qui les ont rejointes, de celles qui
restent un peu encore en notre compagnie – leur ai adressé un
salut, ai repoussé avec détermination les trop habituelles zones
d'ombres qui sont en moi... j'ai enregistré les photos, les ai
oubliées elles et Paumée dans la vie de cette journée, en ai tiré
ce que pouvais dans le soir qui descendait.
Gratuité,
je t'aime... je manque de profondeur ? ou m'en méfie.
13 commentaires:
Trouant de tes rayons sans nombre
Le feuillage léger,
Soleil,
Tu promènes, comme un berger,
Le tranquille troupeau des ombres
Dans les jardins et les vergers...
Émile Verhaeren
Une curieuse addition :
23 + 23 = 29 !
bravo ! je n'avais pas vu.. faudrait y retourner pour lire toute pancarte pour comprendre mais : pas le temps, et plus même inscription
zut ! ça va pas ce matin
ai supprimé (non récupérable) un commentaire gentil de Chri
le recopie (c'est vrai, promis)
Comme j'aime vos "balades" dans la ville...
Je ne peux qu'aimer cette errance entre les ombres...
Soleil : le premier des artistes !
Solliès-Toucas, Solliès-Pont ou Solliès-Ville ???
J'avais aimé " L'éloge de l'ombre " de Tanizaki écrit, je crois, en 1933. Ou plutôt de la pénombre !
Orient-Occident, en dialogue.
« D’une manière générale, la vue d’un objet étincelant nous procure un certain malaise. »
Pont
Le pont, toujours le pont... :D
J'adore ton billet sur les ombres , comme si je voyais aussi cette attirance d'une autre image par le reflet et la composition équilibrée
parfaitement ( ton instinct d'architecte )
Douceur et graphisme se succèdent au cours des ombres rencontrées.
...ombres sans aucun doute
Je confirme mais c'est aussi parce qu'elles sont aussi et surtout balades en vos pensées...
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