J'étais bien dimanche
avec Homère et la mer vineuse ou violette. Je n'étais pas très
bien ce lundi matin dans les échanges. Avec ma lâcheté (non,
sincèrement, je ne crois pas que ce soit cela, disons mon regret
navré), suis sortie dans la rue, pour courses utiles, dans le désir
de la mer.
La projetais dans mon
imagination, n'était pas montrable, n'y avait que ma ville, le bleu
du ciel, une brise parcourue de risées qui avait pris la place du
mugissement de ces derniers jours. Ai cherché des allusions,
lointaines, fausses, sauf pour esprit tordu et en désir.
Il y
avait bien les poissons qui m'avaient accueillie dans la vitrine de
Ducastel (ne sais le nom du peintre) mais ça ne suffisait pas...
et
après le déjeuner me suis installée, en longue paresse, cherchant
mots d'autres pour cette mer, sans m'y risquer, contre le mur, dans
le soleil, l'odeur des roses mourantes, le parfum sourd et presque
absent de l'hortensia... en me limitant, moindre effort, au recueil
les poètes de la Méditerranée publié, avec une préface de
Bonnefoy, par Poésie/Gallimard.
Et
j'en ai cueilli trop, en mosaïque, de pays en pays (pas plus d'un
chaque fois et il en manque des grands, et quelques littératures...
mais rien, d'eux, dans ce qui était là ne correspondait à ce que
je cherchais à ce moment.)
Alors
peut-être remplissage, peut-être ennui, peut-être mieux...
Nous avons passé une
nuit, plongés dans un courant de parfums marins, et une autre nuit
auprès des cyprès et des amphores de pins, sous le feuillage des
safraniers, là où s'étendaient les prairies de la mer. Puis, nous
nous sommes abreuvés du sang de l'aube et de celui de la nuit. Nos
yeux se sont embués tandis que nous étions dans les eaux vertes...
Abbas Beydoun (Liban)
On quittera toujours la
mer à reculons
c'est toujours le même
regret
c'est la même lenteur
debout
qui vous déchire
d'avec le pays... Ludovic
Janvier (France)
Il y
avait bien une femme dans la quiétude d'être seule, comme sur une
plage au petit matin (tableau de Brisson)
Le rivage ourlet de
travers,
cigales de pierre des
galets
dans les broussailles
des vagues,
tam-tam du clapotis...
Kiki Dimoula (Grèce)
Étendu sur la plage
d'une baie de rochers
il est couché comme
une vigne endormie
seul et le regard vers
les vagues tourné.
Son visage est grave et
charmant
sur quoi s'en vient
jouer le brise de midi... Vesna
Parun (Croatie)
Mais
les feuillages que le vent faisait bruire étaient entourés de
pierre, et le bélier dans le ciel n'en était pas un, et n'était ni beige, ni
gris, ni noir, ni à toison d'or
Les navires qui nous
amenèrent bâtir
Pithom et Ramsès
repartirent comme ils étaient venus
et nous restâmes sur
la côte avec les bâtiments géants et muets
qui ne surent nous dire
pour quel maître ni à quelle fin ils furent bâtis.. Nathan
Zach (Israël)
Clin du phare, refrain
du vent,
le bateau fait mugir sa
corne,
proue et poupe en proie
aux vagues
l'écume courant vers
les rochers.
Plus rien ne bouge au
fond de l'eau... Erika Vouk
(Slovénie)
il y
avait des défenses, mais démesurées et trop rigides (en fait elles
n'évoquaient pas du tout des défenses, sauf peut-être par leur
couleur)
.. et la mer toujours à
la hauteur
du patio baignoire qui
flotte entre
les deux bleus que les
oiseaux seuls
déchirent deux trois
coups d'ailes
vous emportent à
l'éventail des pins... Abdelwahab
Meddeb (Tunisie)
Toi mer c'est en hiver
que je t'ai emportée
cachée dans mon sein,
dans mes poches,
aux aguets entre mes
doigts. Dara Sekulic
(Bosnie-Herzégovine)
il y
avait bien de la toile, bien raide, un peu trop épaisse, lourde,
pour la plus simple des tartanes...
Je tourne le dos à la
ville
et parle avec la mer
retournée la voix
comme la vague
les épaves ont gardé
les cicatrices
des mémoires
vagabondes
l'écume vient déposer
le sel sur l'ancre.. Tahar Ben
Jelloun (Maroc)
...Je verrai la terre
où tu cherches en solitaire
La mer qui s'est
ouverte pour que tu viennes jusqu'à moi
Et les flots jetés à
ta poursuite. Immanuel Mifsud (Malte)
mais
les ports
Ô Oran !
Des sanglots des
blessures
Et des éclats de
balles
De l'apogée du ciel et
des débarcadères surchargés
Sans trêve
Les palmiers de la mer
sont à nous
… et nous sommes de
retour... Rabia Djelti (Algérie)
C'était le même
bateau qui arrivait
aux voiles de satin,
pensais-tu, c'était un linceul,
Ce qu'il avait vidé au
port
n'était pas le chant
d'amour de notre Levant
les amphores sont
pleines du sang de la mer... Mehmet
Yashin (Chypre)
les
ports comme dans des rêves et qu'importe si l'image là n'est pas de
belle qualité... elle pourra l'être dans mon rêve et dans leurs
mots
Ce sont ces bateaux qui
traversent la pluie, avec l'indécision
de leurs coques, leurs
cales humides
après les pôles et
les moussons, mâts brisés au passage
des caps, blessures des
phares sur le visage des figures de proue, qui sortent d'un
brouillard de cigarettes, quand je demande l'heure au serveur
derrière son zinc, et les marins morts s'éloignent... Nuno
Judice (Portugal qui rend latin, le temps d'un recueil, l'océan qui
le baigne)
Mes camarades me
demandent : où est le bateau ?
Mais je ne m'empresse
pas de les faire monter à bord,
Sur le pont aux
planches pourries et transparentes... Miodrag
Pavlovic (Serbie)
et
puis aussi, bien réels, les fruits délectables de la mer
Ô arbalètes d'argent
sur les buissons
de l'écume
qui lancez comme des
flèches
votre corps
bondissant... Blanca Andreu
(Espagne)
Ce n'était pas dans
une chanson
Mais sur une grève.
Une même mélodie,
Des langues
différentes.... Ismaïl Kadaré
(Albanie)
il y
avait aussi mes tee-shirts et l'un des deux ou trois auxquels s'est
bornée ma très passagère velléité de repassage (c'était
inutile)
et là,
comme j'étais rentrée pour le thé et pour cela, le repassage resté
presque virtuel, comme le soleil ne descendait plus vers moi, ai pris
autre livre, et re-feuilleté Tu, moi d'Erri De Luca.
Ce n'est qu'en arrivant
dans la côte sous le vent que je m'aperçus que la nuit pâlissait à
l'est. Alors, un parfum de poussière, de pins, de jardins, s'éleva
de la terre vers le large, plus fort que celui du café émanant
d'une cuisine. L'île était une tasse noire et sentait bon jusqu'en
mer. Je me redressai et j'écoutai, cette fois d'une voix blanche :
«Né paù» et je me retournai pour faire non avec la tête, de
face, pour le regarder dans les yeux. Pendant toute la tempête je ne
l'avais pas vu. Il était trempé, le visage gris comme l'aube.
12 commentaires:
Je me laissé bercer par ces mots sur la mer. Et à travers eux, j'ai ressenti un frisson que m'inspiraient ces photos de mieux en mieux inspirées... et la paresse finira bien par ma gagner par un de ces bons matins.
magnifique voyage, de bout en bout
merci
Ce tableau marin dans son cadre doré, on dirait un Dali.
Dali peintre d'enseigne, comme le fut Renoir ?
" Et c'est la mer qui vint à nous sur les degrés de pierre du drame. "
Je cite de mémoire Saint-John Perse, il y a peut-être une erreur. C'est dans Amers.
Merci pour le mode d'emploi d'un voyage espéré,rendu possible aves les mots et les images,merci pour votre regard vagabon
Quel beau texte, Brigitte ! Mer, ports, voyages, langues... Comment bien commencer la journée, merci !
Je veux la vraie mer... :-(
Combien votre désir de la mer a croisé le mien propre !
Dans la conque les vibrations et l'odeur de la mer incertaine
Et là devant je ne la vois plus!!
En peine je lui transmets ton message , elle luit ce jour de tous les feux d'un doux soleil impassiblement est la mer que tu aimes
Le texte les photos, le ti-shirt et ...même le menu..m'ont transportée. Merci.
Je commencerais par une soupe de poisson ..et dorade royale
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