Cueillir
dévotieusement les roses mourantes, et leur donner le repos du sac
poubelle. Penser, rituellement, aux anniversaires autrefois fêtés
en commun de mon père et de moi. Me souvenir de son visage
merveilleusement reposé pour mes adieux au petit matin dans la
chambre où il nous avait quittés. Douceur.
Et comme la
chair nécessite nourriture (ne comprends pas comment suis si
fatiguée alors que je ne maigris pas, ou si peu...) prendre couffin,
un petit sac et ce que pouvais de présence d'esprit et m'en aller
dans le soleil qui commençait à rutiler sur les trottoirs
dans l'abandon
las de la ville qui prenait allure monumentale.
Plus de
touristes s’ébahissant (et savourant olives que des jeunes filles
leur offraient, puisque rien n’empêchait qu'ils en achètent un
petit cornet)
devant la
beauté, ben tiens, de nos produits locaux.... que d'acheteurs -beaucoup d'avignonnais sont partis en vacance -, vendeurs plongés
en telles conversations qu'il m'a fallu chez le poissonnier lancer
virtuellement des fusées avant qu'ils s'intéressent à moi.
Retour sur
l'éblouissement accru des dalles, mais sans glisser à la surface
lourdement
tirée vers elles par le poids de ma charge (devrais y réfléchir
devant les étals)
avec des arrêts
pour soulager et remonter mes bras en photographiant ce que pouvais.
Déjeuner
plaisir, un peu du soleil contre le mur, une très délicieuse
sieste, l'idée de repassage dûment effacée. Préparer vite ces
lignes, écouter l'histoire des baleines qui me venait de France
Culture, penser aux conférences passionnantes (lundi Régy et Didi-Huberman entre autres), aux rencontres avec metteurs en scène, à
tous les spectacles que je néglige en mauvaise festivalière
papillon, allonger les jambes, laisser oisifs mes muscles et mon
esprit dans la tiédeur de l'antre.
Et puis
abandonner les cœlacanthes pour partir un peu après 17 heures dans
le reste de touffeur de la ville (suis extrêmement vexée de
constater que moi qui était fière de crapahuter dans les rues
désertes au mitan de la chaleur, ne la supporte plus, contrairement
à bon nombre de mes solides contemporains)
bon les jeunes
gardiens de barrière ne semblent pas l'aimer tant que ça, ou ont un
sens pratique développé
suis donc
partie vers Saint Martial, le temple, pour un concert
alternant la
musique d'orgue baroque choisie et interprétée par Luc Antonini (et
la verdeur insolite de certaines voix de cet instrument,
trompettantes, un peu acides, fraîches)
avec A Fancy
de William Bird, deux airs de
John Stanley
et
puis, par l'accordéon de Pascal Contet et une bande son, something
out of Apocalypse composé pour
lui par Pierre Jodlowsky
à
partir d'un disque vinyle
(de la bande son d'Apocalypse Now), abîmé, scratches
permanents recouvrant presque les voix de Williard ou du Colonel
Kurtz...
..
L'impression d'un mouvement de l'esprit à la fois incontrôlable et
terriblement efficace... le son insupportable de la voix enregistrée
de Kurtz au début du film... une vraie leçon de la guerre et de
l'absurde.. la puissance émotionnelle... la jungle et le fleuve...
l'homme en perdition
y
joindre l'accordéon (qui domine et retravaille ainsi le son) vu
comme usé par son passé iconique (l'image de l'accordéon et du
français à baguette de pain dans les films étrangers)
Cette oeuvre
avance donc à la fois autour d'un état nostalgique... en même
temps qu'une énergie étrange, assez incontrôlable qui avance sans
trop de liens au travers d'un espace onirique....
Brigetoun
freinant par une attention extrême un emportement ravi.
De
nouveau l'orgue avec la Bergamasca des Fiori Musicali de
Frescobaldi et le charme presque pastoral de deux sonatas de
Domenico Scarlatti
Retour
à Pascal Contet, à l'accordéon et l'électronique avec Plein
jeu de Philippe Hurel, tout aussi beau mais plus «carré» que
something... de Jodlowsky, organisé en deux grandes
parties, elles-mêmes structurées en plusieurs variations entre
lesquelles sont incrustées des parenthèses, interstices pendant
lesquelles la musique devient plus violente... libération de la
tension sonore accumulée... orgasme sonore, entre plaisir et
douleur. Répétitions obsessionnelles des matériaux sonores qui
finissent pas s'unir.
Parce
que le banc était dur, parce que l'heure avançait et que voulais
avoir une mini pause avant de me préparer à repartir, j'ai écouté
la fantaisie de Buxtehude qui suivait et me suis éclipsée
grossièrement avant les improvisations d'Antonioni
La
recherche d'un bureau de tabac qui vende mes cigarillos préférés
m'a fourvoyée dans ce que j'aime le moins du festival (m'agace,
snobisme) la rue de la République, la petite foule débonnaire mais
un tantinet brusque, quelques acrobates ou musiciens
et
des princesses pour faire rêver les petites filles (qualité des
spectacles non assurée)
la
douceur frisante sur la maison au coin de ma rue
et
le constat que RFI traite bien ses envoyés (matériel rembarqué, la
série d'émission s'achève, devant l'hôtel qui me fait face, qui
est un très charmant cinq étoiles)
nouveau
départ avant dix heures dans le calme de Joseph Vernet, le
franchissement du bouchon des non-spectacles qui semblent avoir un
étonnant succès, la rue des Lices
plaisir
de voir une petite affluence devant la Chapelle du Verbe incarné qui
offre des spectacles sympathiques, et attente longuette avant de
pénétrer dans le dédale des couloirs
Un
homme en scène explique la façon dont
il veut écrire...
il s’agit en effet d’un
dialogue entre moi-même et les spectateurs: au début dit
Richter.
Rausch
signifie dans le spectacle tout aussi
bien « ivresse », boursière et amoureuse, que « bruissement », «
élan dionysiaque » ou « enchaînement fou », il fixe néanmoins
un cap aux sept danseurs et cinq acteurs qui composent la troupe
internationale de Rausch : quitter le domaine de la rationalité,
colonisée par l'idéologie néolibérale et les intérêts
financiers, et livrer bataille pour retrouver espoir.
Il
est question de libéralisme (avec, un peu fatal quand on veut
condenser, quelques incongruités comme associer capitalisme et
libéralisme au catholicisme ce qui me semble un tantinet réduit)
mais aussi de l'isolement, du besoin de réseau, de Facebook
J’écris différents
types de textes. D’un côté, il y a ces cascades de textes, des
monologues en fait, dont la syntaxe est très complexe et qui sont
très difficiles à jouer. Le comédien le performe presque comme un
solo de danse qui peut être accompagné par de la musique. Il y a
aussi des écrits très courts dans lesquels j’essaie de laisser de
l’espace à la danse, et enfin, d’autres textes qui se
transforment finalement en mouvements. À titre d’exemple, pour ce
projet, j’avais beaucoup écrit sur les réseaux. Au tout début du
spectacle, on voit bien comment les corps se structurent en réseaux,
s’assemblent puis se séparent… Seulement, le texte que j’avais
écrit pour cette scène n’a finalement pas été conservé. Il n’y
a donc aucune parole et cela fonctionne.
Il y a
de la danse genre hip-hop avec de brusques pauses de sidération
comme quand on joue à Jaques-a-dit
Il y a
une danse coulée, souple, quand, après un horrible conseiller
conjugal, comme après les solitudes malheureuses parce que c'est bon
de prendre du temps pour soi, après l'attente des SMS toujours
frustrants, après ce qui ressemble aux mouvements des indignés, après la tentation, non suivie d'effet, de remettre tout à plat (té
les jeunes il y a l'an 2001) ils en viennent à la simplicité des
rapports, au bonheur des choses simples...
Ceci
est tracé à grands traits rapides.
Ai été
en sympathie d'instinct avec le spectacle, avec le texte même quand
il me semble un peu sommaire (nous le sommes tous), avec la beauté et
le talents des acteurs et danseurs (difficiles à séparer) – n'ai
pas été totalement emballée, mais peut-être en bonne partie parce
que j'avais absurdement sommeil...
Applaudissements
insistants, sans clameur
et
retour dans la ville qui se préparait à dormir.
8 commentaires:
Du « Gothique flamboyant » aux rythmes urbains trépidants, voilà un autre jour marqué par l'originalité. Je souhaite que vous avez trouvé rapidement votre buraliste à travers cette foule dense.
Pas un jour sans... Quelle constance !
Tu joues aux ombres chinoises sur les pavés glissants ... et ce drapé rouge du plus curieux effet
Musique belle
mais comprends soirée ensommeillée de textes à réentendre
Oui, plus la peine d'aller au festival, grâce à vous...C'est comme si on y était!
en manquez au moins les 9/10° alors
Qu'est-ce que c'est bien les brumisateurs !
Même au Festival tu n'oublies pas les façades et les étals de poissons
Toujours vous lire
vous suivre est un plaisir.
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