Matin de belle
lumière, quelques pas dans la cour, jubilé d'infliger un démenti, même un peu baroque, aux dignes jardiniers qui se moquaient de moi
quand disais que le rhododendron était plein de promesses de fleurs,
comme si lui et moi nous suivions les règles...
et puis une
journée avec petits parcours et autres choses dans la ville, mais
suis lasse, là, et puis j'ai réalisé que demain, vendredi, est le
jour des vases communicants en août, que je n'y participerai pas
mais les lirai, et que comme, à tort ou à raison, j'aimais bien mon
dernier échange (à raison, parce qu'avec Giovanni Merloni, ce fut
un vrai plaisir) et que j'ai envie de le voir sur Paumée, il est
temps de l'y accueillir, pour éviter les interférences, ma dernière
journée de festival sera tue ou attendra... (le billet de
Giovanni Merloni est
http://brigetoun.blogspot.fr/2013/07/ponthagard.html)
Or donc,
À Giovanni,
à propos de villes anciennes terriennes et vivantes
(un montage
que j'avais préparé à partir d'une photo proposée par Giovanni et
d'une des miennes, ne sachant s'il aurait temps de finir le beau
dessin qu'il y a substitué et qui figure ci-dessous, les autres
ayant été raptés par moi sur son blog)
à Giovanni,
mon cher ami,
Tu m'as
envoyé ou je t'ai volé,
des images poétiques et construites où passent des arcades en
souvenir de Bologne.
Je t'ai
proposé des images d'Avignon...
Tu me
demandes de te parler de cette ville où me suis posée.
N'y a rien
ou beaucoup à en dire.
Il y a cela
: Bologne et Avignon sont parentes, et différentes (et l'un des
hôtels nobles les plus beaux d'Avignon, l'hôtel Berton des Balbes
de Crillon est l'oeuvre d'un bolognais, Domenico Borboni, en
collaboration avec sculpteurs et maîtres maçons locaux, ses
émules)
Elles sont
centres et filles de terres fertiles. Elles sont villes de très
ancienne histoire, et de vie robuste (un peu languide pour la mienne,
mais elle persiste et se modifie lentement)
Bologne,
dans mon imaginaire, est rousse et rouge, Avignon est parfois d'un
crème doucement rosé, souvent blanche, centre modéré d'une terre
de droite profonde.
Bologne est
intellectuelle et brillante, Avignon a été un temps un centre
intellectuel et artistique quand abritait les papes, a été le
centre d'une petite renaissance occitane, est - il faut bien le
reconnaître - une ville de marchands vivifiée par lettrés
provinciaux.
J'ai admiré,
étudiante, les interventions pour faire revivre Bologne endommagée
par siècles et la guerre, j'ai détesté, et continue à le faire,
les sottes et brutales interventions sur le tissu d'Avignon
Avignon, je
la rêve en grande partie, et mes pieds se tordent sur les cailloux
qui restent encore (j'y tiens) au sol des rues de la partie enclose
dans le cercle un peu distors de ses remparts, qui n'en est que
faible part.. et peu à peu l'aime, m'y coule, la laisse effacer ma
longue parenté avec Paris.
Bologne je
ne la connais pas, j'en ai rêvé en lisant une amie qui y a vécu
longtemps, j'en ai rêvé en rencontrant son nom au détour de
livres, j'en ai rêvé et un peu appris grâce à vous. (me
pardonnera-tu le traitement que mon rêve a fait subir à ta photo?)
Mais pour
aujourd'hui, devant les courbes de tes dessins, c'est une ville
fantasmée qui s'est imposée à moi, qui s'appellerait, je crois,
Terbolronde
Quand, dans un écrit, ou,
mais c'était très rare, dans le flux d'une conversation, passait le
nom de Terbolronde, on entrait dans un souvenir vague de légende, on
croyait sentir frémir en soi des souvenirs, on cherchait vaguement
quels auteurs l'avaient illustrée, y avaient marché, l'avaient fait
respirer.
Peut-être confondait-on,
finalement, avec une de ces villes aux noms de rêve universel comme
Samarcande, Goa, Valparaiso ou Trébizonde.
En réalité Terbolronde
n'était pas très grande, pas - ou plus - très puissante, mais
belle. Belle de la terre qui la portait, d'où elle était née,
terre riche et profonde, source et siège de sa prospérité, terre
qui avait financé et produit ses monuments, ses maisons - les plus
grandes, édifiées sous la direction de ceux qui la possédaient
cette terre, et celles plus modestes de ceux qui la travaillaient
cette terre...
Et les poètes de
Terbolronde, dans les concours qu'organisait leur Académie,
chantaient la beauté de la terre profonde, chantaient l'élan des
bâtisses, chantaient la beauté des courbes qui ramenaient cet élan
se ressourcer dans la terre d'où il avait tiré sa force.
Car Terbolronde était la
ville des courbes, des voûtes, des arcades, brune et rousse comme la
terre où elle se lovait, enroulant ses rues autour des places,
nichée au creux d'une plaine fertile, sous un ciel dispensateur de
soleil et de pluie, vers lequel elle dardait, prenant appui sur ces
fortes voûtes, hautes façades et tours, rythmées par les chants et
prières de ses anciens clercs et fondateurs.
Dans les rues, sous les
arcades de Terbolronde, circulaient, sans cesse, affairés même
quand on n'en comprenaient pas la raison, peut-être inexistante, en
dehors de l'habitude ou de l'image, les costumes noir et or des
marchands, filaient les souquenilles ocres des domestiques et
employés, attendaient les chemises écrues, les culottes gris sombre
des ouvriers, quand ils ne travaillaient pas hors des regards,
avançaient à pas soigneusement mesurés les manteaux bruns des
clercs et professeurs - car Terbolronde était vieille ville de
jeunesse estudiantine -, traînaient ou couraient, gambadaient
brusquement, les vêtements jaunes, verts, roses des jeunes
étudiants, quand les jeunes de la ville, ou venus de toute la
plaine, ou de plus loin encore, boire la science qui brillait dans
les écoles, les universités de Terbolronde
abandonnaient leurs livres
et s'élançaient sous les allées voûtées qui rayonnaient depuis
son noeud central, se déroulaient en larges courbes divergentes et
se déversaient dans la campagne.
Car Terbolronde attirait
ces quêteurs de sagesse pleins de sève plus vite qu'elle ne
grandissait, et ils trouvaient refuge, lit, cuisine robuste et emploi
pour leurs bras, dans les grosses fermes où retrouvaient les
gagne-petits de la terre, les fils de propriétaires, les jeunes
filles agiles, rieuses et sages, et c'étaient fusées d'énergie,
concerti de théories sur le monde, amitiés et petites luttes
passagères, musique de vie, d'idées, de colères et de joies, une
société parallèle à celle qui primait dans la ville, des parents,
des sages, des marchands et des édiles, une société qui fusait,
ébranlait la ville, la vivifiait, avant de s'y couler comme
notables, une société qui se renouvelait, modifiait lentement la
ville, la maintenait vivante.
5 commentaires:
Quand Paumée se surpasse. Et quelle illustration ! Magnifique.
Splendide ! Comme une grande bouffée d'air frais dans mon petit pays où
38° nous sidèrent, immobiles, le cerveau vague...
merci, un four, mais je m'en moque un peu, l'ai écrit avec plaisir (suis mauvais juge)
Rien que le plaisir et puis basta. Qui m'aime me suive.
Vraiment très beau !
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