Partir en humeur douce, en
maîtrisant bouderie carcasse et malgré le frais (que les
journalistes moins désespérément frileux dénommaient chaleur) et
la grisaille du ciel, la lumière morte
Remonter le chandail
émeraude délavée au plus près du cou pour affronter la
climatisation outrancière de Carrefour, y faire les quelques
courses-dépannages, presque seule entre les rayons, ne râler que
modérément, pour la forme, contre la tactique qui consiste à tout
déplacer régulièrement pour nous obliger à chercher, à passer
partout, au risque de tentations.
S'arrêter une minute,
plaisir anticipé, devant l'affiche annonçant le concert du soir
en tirer un regard capable de trouver du charme à la rencontre du léger feuillage mêlé de jaune
et à l'absence pâle du ciel.
Passer le jour, entre
petites tâches, lectures, avec des moments de grâce, des gravités,
des colères ou navrances que l'on se sent coupable de laisser se
recouvrir d'autres ou de sourires, ou d'incursions du soi ou des
siens...
Et puis, donc, partir
écouter Max Emmanuel Cencic, accompagné par l'orchestre Il Pomo
d'oro, chanter les vénitiens, Vivaldi surtout, mais pas que, dans un
programme dont l'ordre était totalement bouleversé ce qui m'a
demandé un petit travail pour le reconstituer et je suis très fière
d'y être arrivée parce que j'étais très loin de tout connaître
et que les annonces bredouillées avec fort accent étaient vaguement
indicatives.
Comme prévu, en
ouverture, de Vivaldi le concerto pour violon en do majeur 181a
(l'étonnante silhouette,
maigre et cassée sur son instrument, les mains immensément longues,
dignes d'une caricature de Grandville, de l'alto – la belle union
de l'ensemble, l'autorité talentueuse du premier violon) – sans
doute le morceau orchestral que j'ai le moins aimé) j'avoue m'être
évaporée pendant le largo central
(une
des vidéos piochée sur Youtube, pour les re-écouter dans la
journée)
entrée
conquérante de Max-Emmanuel Cencic, portant beau, un petit air
vedette de ville d'eau, mais grand talent, belle voix, métier et
musicalité, et cette très belle façon d'accompagner son chant par
une danse des mains
de
Vivaldi encore, une aria Mi vuoi tradir
et
puis la belle aria Barbaro non comprendo d'Antonio Caldera,
toute en imprécations, violence.. et virtuosité
suivie
de la charmante symphonie n°5 en la majeur de Giuseppe Antonio
Brescianello, allégresse pure
et
de Pianta bella de Tomaso Albinoni, délicieusement plaintive
et
Dolce moi ben de Francesco Gasparini
Flavio
Mon doux bien-aimé, ma
vie
je te défendrai....
et après un
entracte qui s'étirait avec un cigare parce que j'avais pris lecture
mais oublié mes lunettes, et pendant lequel un bonhomme assis sur les marches à côté de son litre, nous a appuyant son dire de gestes de ses grandes et belles mains, tenu un discours incompréhensible, dans l'indifférence plus ou moins feinte.
Baldassarre
Galuppi (tout de même plus joli que Balthazar, non ?) avec un très
joli concerto – un court grave très allegretto qui se fond dans
l'allegreto qui suit, un adaggio emporté, et un très allegro final.
Et
puis suivent mes morceaux préférés avec
Mormorando
quelle fronde de Giovanni Porta
où se succèdent murmure des frondaisons accompagné du frémissement
de l'onde, et les sombres ténèbres de la nuit,
avec
surtout
Sposa de
Geminiano Giacometti
Épouse, tu
ne me reconnais pas...
et
le concerto de Vivaldi en mi mineur, pur délice, judicieusement
dénommé il favorito vivaldissime
suivaient
deux arias de Vivaldi
A
piedi miei svetano,
et
Anche
in mezzo aperiglios, introduites quasiment par la même phrase
orchestrale, belles, avec une préférence pour la seconde, tiré de
l'opéra L'odio vito della constanza – toutes deux pleines
de fougue, la seconde un peu plus complexe.
enthousiasme
grandissant de la salle (assez peu fournie malheureusement, le
baroque fait encore un peu peur ici), un très joli bis dont je ne
saurais dire ce qu'il était – juste qu'il est venu après
hésitation, et retour dans une douce nuit.
9 commentaires:
Les arabesques du lettrage de "Venezia", sur la vidéo, sont tout à fait adaptées à la musique dont vous nous donnez un aperçu sonore forcément aimable.
Démarrant, grâce à vous, ma journée par Venise et Vivaldi, il me semble que tout va être beau aujourd'hui!
Un régal merveilleux et transport d'allégresse en écoutant Vivaldi
Belle idée de nous trouver d'un clic les sonorités enchanteresses et partager ton plaisir qui rachètent des pérégrinations matérielles
Belle envolée avec et vers Venezia . Merci . @allearome
La musique quand vous en parlez,vraiment on croit l'entendre.
Un régal..Vivaldi
Que du baroque. Que de pétillances et de joies à se mettre sous l'ouîe. Des moments d'écoute qui ont comblé une petite heure de lecture et d'écoute quasi religieuse. Instants de grâce. Merci
Où me suis-je égaré et avoir manqué tant de joies musicales ? Ai-je seulement ouvert ma machine ? Je ne sais ! Avec l'espoir d'être pardonné.
rien à pardonner voyons !
je m'en voudrais d'être une obligation
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