partir, lasse et légère,
en ne portant que deux draps,
dans un petit vent
frisquet et sous le ciel bleu... vision floue, yeux pleurant dans ce
léger frais,
et revenir, morigénant le
vertige qui tentait de s'installer au plus mauvais moment, pendant
que je charriai un sac de provisions d'un joli poids, un film
plastique, enveloppant un manteau et deux pantalons, qui glissait sur
mon bras, et, tirant rudement l'autre bras, quatre draps et deux
housses de couette.
Rencontrer en cette
situation une lectrice de Paumée et tenter d'arracher quatre mots
sensés et aimables à mon hébétude.
Balade dans de vieux
livres sur Gallica, thé trop fort, émerger de la pesanteur d'une
sieste, et départ dans la nuit vers la musique que j'attendais
depuis le matin.
Boris Berezovsky, veston
sombre grand ouvert sur chemise blanche au col boutonné, gigantesqe
et massif comme un doux bucheron intellectuel, attentif, penché sur
son piano (face à lui je voyais rarement son visage) comme pour
entendre la musique se faire, jouant Rachmaninov, Ravel et Debussy
Jouant d'abord Debussy,
et, était-ce lui (sans doute pour une très bonne part), étais-je
en état de grâce, j'ai l'impression de ne l'avoir jamais entendu
ainsi. - sept préludes du premier livre – le balancement et la
clarté de la danseuse de Delphes – le
frémissement, en risées, pour le vent dans la plaine –
les silences et les notes suspendues, mates des pas dans la
neige – l'agitation
somptueuse, la force de ce qu'a vu le vent d'ouest – la
fille aux cheveux de lin dolce –
la nervosité, les staccato de la sérénade interrompue et
pour finir minstrels.
Applaudissements
nourris, un aller et retour très rapide vers la coulisse et le
plaisir (je crois que ce n'est que la seconde fois que je l'entends)
de Gaspard de la nuit de Ravel – juste dire que c'est ce qui
me tentait le plus, un peu par curiosité, que c'était absolument
beau, lyrique, riche, varié..
Un
entracte – roder dans les couloirs, échanger un peu avec mes
voisins (musiciens, calmes dans leur plaisir, agréables)
et
Rachmaninov : six préludes de l'opus 32 – les numéros 2 et 3,
l'ample, varié, n°4, le lyrisme simple du n°5, le n°9 et la
majesté, s'animant lentement, les martellements du n°13
et
puis pour finir le romantisme de la sonate n°2. Mais comme carcasse
commençait à faire des siennes, j'ai écouté en forçant mon
attention – ce qui lui donnait plus d'intensité – et dès les
premiers applaudissements je me suis éclipsée lâchement sans
attendre les rappels et le ou les bis.
La
salle était, ce qui est rarissime ici pour la musique de chambre,
presque pleine, sur la force de son nom – et ma foi c'est avec
raison.
8 commentaires:
J'ai beaucoup d'admiration pour Boris Berezovsky, qui me rappelle un peu György Cziffra par son physique et sa virtuosité. Belle sensibilité en plus.
Et que son nom et son écoute se concrétisent est un double plaisir
Ravel nous ravit.
Ce beau mot d'intensité, qui convient tant à votre attention au monde.
merci à vous quatre pour votre passage
Oui, je vous ai accostée quand vous retourniez chez vous , bien chargée .
J'ai regretté de ne pas vous avoir proposé un café . Nous aurions pu parler un peu . Mais je suis contente de vous avoir reconnue . Nous nous croiserons peut-être une autre fois....
Jo d'Avignon .
bonjour Jo et navrée d'avoir été aussi pauvre d'esprit et tendue vers un seul but..
Ravel a donc écrit autre chose que le Boléro ....
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