commentaires

désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

lundi, mars 10, 2014

Petites histoires de l'Avignon d'antan – rivalités – 2


nuit agitée dans l'immeuble – matinée un peu comateuse
vaquer, sourire en voyant le soleil descendre un peu plus chaque jour et découper une frange lumineuse en haut du mur mitoyen, sourire aux fragiles touffes blanches clairsemées sur les branches de cette plante dont j'ignore le nom, écouter musique, être dans le neutre, le manque d'envie
secouer cette inertie uniquement pour retrouver le duc d'Ormond, et tant pis si je suis seule à m'en amuser, un peu.

Le duc consentit donc, un peu par complaisance, un peu par paresse, et Madame de Vaucluse prit de plus en plus d'importance dans sa maison, réglait le domestique, lui choisit un notaire irréprochable, fit chasser son intendant parce qu'il le volait, ce que le duc savait bien, mais considérant que cela faisait partie, de toute éternité et de toute nécessité, de cet emploi, il en fut contrarié, cédant pourtant par tendresse pour elle. Il refusa cependant de supprimer, comme elle le suggérait, les déjeuners auxquels il avait coutume d'inviter, avec un peu de faste, et une libéralité gracieuse, les personnes les plus aimables de la ville, lui disant qu'il ne saurait accepter cela, et qu'il craignait de trouver dans cette idée la marque d'un manque de générosité qu'il ne lui connaissait pas. Elle se borna donc à une vérification attentive des factures, qui fit grommeler un peu les fournisseurs, sans que la popularité de Monsieur d'Ormond, dont il connaissaient la générosité en souffre. C'est du moins l'opinion que lui attribue son mémorialiste.
Pour que son influence soit sans partage, elle lui proposa de trouver un nouveau logement, et comme il n'avait rien objecté contre cette idée, elle laissa courir le bruit qu'il cherchait un logis à sa convenance.
Monsieur le marquis de Caumont vint proposer celui qu'avait occupé sa belle-soeur Madame de Chigi, ce qui le rapprochait de Madame de Vaucluse. Le duc l'accepta, se doutant bien que la proposition venait d'elle.

Il s'agissait d'une partie de l'hôtel de Donis de Beauchamp qui se situait rue Dorée, proche de l'hôtel de Sade - construit par la famille de Doni en 1503 à l'emplacement de l'ancienne livrée du cardinal Ammanetis, qu'ils avaient achetée en 1481. Après la mort tragique de Louis et Joseph de Doni, les fils de Louis marquis de Beauchamp, l'héritier était un cousin Jean Baptiste de Doni, d'une branche établie à Florence, et il ne restait de la famille avignonnaise que trois filles, Angélique-Pétronille qui avait épousé le marquis Chigi, Marie-Balthazare, l'amie du duc, femme de Paul de Seytres, seigneur de Vaucluse et Elizabeth mariée à Joseph de Seytres (d'une autre branche), marquis de Caumont, celui qui faisait bâtir à cette époque par Jean-Baptiste Franque le bel hôtel qui est aujourd'hui occupé par la collection Lambert, sur un jardin qui s’étendait de l’hospice Saint-Louis à la rue des Vieilles-Etudes, planté de platanes et d'orangers.
Cependant, Monsieur de Villeneuve, qui était alors à la campagne, prit ombrage de cet arrangement familial, prit ombrage surtout de l'intention du Duc de déloger de chez lui. Il revint immédiatement, parut admettre les explications de son invité qui lui représenta qu'il s'agissait d'intrigues féminines, qui ne portaient pas à conséquence, bagatelles auxquelles il fallait bien céder.. mais comme il y avait entre lui et le marquis de Caumont de vieilles querelles, il crût deviner que ce dernier avait été fort aise de lui faire ce petit affront, il en sentit la pointe, et il lui écrivit un billet, sans signature, lui donnant rendez-vous à quelques lieux d'Avignon, disant que l'auteur de cette missive comptait lui faire part de ses sentiments, ajoutant que le marquis devait bien savoir ce qu'ils étaient.

Le laquais, ou quelle que soit la personne à laquelle il avait confié ce billet, en l'absence de Monsieur de Caumont, se contenta de le remettre à un domestique, qui, aussitôt le porta à sa maîtresse.
Madame de Caumont était fine et sage, et, à la lecture de ces lignes, elle devina la nature de la rencontre proposée. Après un moment de désarroi, elle se décida à le faire parvenir au Vice-légat, lui demandant d'intervenir, ce qu'il fit aussitôt en envoyant deux de ses gardes chez Monsieur de Villeneuve, qui était déjà hors des terres pontificales, attendant le marquis, et deux autres chez Monsieur de Caumont, bien surpris de les trouver en arrivant chez lui, et encore davantage de se trouver mis aux arrêts.
Quant il sut de quoi il s'agissait, il montra une grande contrariété d'être empêché d'en découdre. (Là, le duc, à moins que ce ne soit son mémorialiste, se permet une allusion au manque de génie guerrier de la noblesse locale, qui était en effet, pour une bonne part, noblesse de robe ou créée par la papauté, à part, bien entendu, le brave Crillon et quelques autres, et je lui dédie un haussement d'épaules et une grimace).
Monsieur de Villeneuve attendit toute la nuit son adversaire, rentra, pour apprendre l'intervention du Vice-légat, se récria, affirma qu'il n'avait jamais écrit à Monsieur de Caumont, ni eut la moindre intention de se battre, sans convaincre qui que ce soit, mais confessa au duc qu'on avait bien deviné.

Ce dernier, qui se sentait un peu responsable de cette querelle, entreprit de faire la paix entre les deux seigneurs, jura à Monsieur de Villeneuve qu'il lui garderait éternellement son amitié, qu'il se souviendrait de la force de sa réaction à l'annonce de son départ, que, d'ailleurs, il ne quittait son hôtel que pour complaire à un caprice de femme, et les invita à souper tous les deux.
La réconciliation se fit, en apparence. Madame de Caumont se réjouit discrètement d'avoir empêché l'affrontement entre son petit mari, dont l’embonpoint ne dénotait pas une agilité de bretteur, et le grand, vigoureux et leste Monsieur de Villeneuve, sa soeur témoigna, avec force caresses, sa reconnaissance à son ami, et le déménagement se fit.
Dessin de Fragonard

4 commentaires:

Dominique Hasselmann a dit…

Le duc d'Ormond a de la ressource !

Brigetoun a dit…

et moi je vous ai gratitude grande

arlette a dit…

Intrigues et compromis ..... nous y sommes toujours !! on s'y perd un peu mais l'écriture est belle

Brigetoun a dit…

en gris : retenez moi ou je fais un malheur