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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

vendredi, avril 11, 2014

La fin de l'histoire qui se voulait cauchemardesque


Jour de beau ciel, jour de petite colère carcasse (résultat d'une prise de rendez-vpus avec petit toubib, suis pas nerveuse),
Jour de vagues projets de repassage, de lavage des faïences éparses et de frottement distrait de meubles, de paresse dans la cour puisque le soleil l'effleure sans que la chaleur s'y écrase.

Je reprends ma tentative d'histoire.
La maison du notaire, son jardin et son court de tennis, surtout l'été quand ses fils étaient en vacance, étaient terre ouverte et s'y retrouvait, accueillie par la souriante, blonde, tendrement et joliment grasse Madame Blondel, la jeunesse du coin, dont bien entendu les deux frères Labourier, le jeune marié et son frère Julien, ainsi que Jeanne de Forlier.
Martin Blondel avait, comme son père et son grand-père, des relations presque amicales avec les deux familles, qui étaient d'ailleurs toutes les deux clientes de son étude ; il appréciait la rondeur affichée et la réelle ouverture d'esprit de Vivien Labourier ; sa fidélité héréditaire l'attachait à la famille de Forlier ; il avait surtout une grande tendresse pour Jeanne, sa filleule qui avait pris l'habitude depuis son adolescence, de venir confier, un peu à lui, et surtout à sa femme, quand celle-ci ne les avait déjà devinés, tous ses petits soucis, toutes ses joies et ses projets, la Marceline qui s'occupait d'elle, sans pouvoir remplacer sa mère, n'ayant jamais réussi à gagner sa confiance et encore moins son amitié.

Et c'est ainsi qu'un soir de septembre, où il savourait, journal oublié sur ses genoux, assis dans un fauteuil d'osier sur la terrasse devant la maison, la paix du soir qui descendait sur le jardin, sa femme qui, près de lui, accoudée à la balustrade, regardait l'obscurité s'installer, gommer les arbres les plus lointains, ne laisser des allées qu'un peu de gravier brouillé dans les flaques de lumière des fenêtres, se retourna et lui dit qu'elle devait lui parler de Jeanne, lui révéla, enfin, que celle-ci lui avait avoué que si, bien sûr, elle était navrée que Mademoiselle X l'ait vue, à la lisière du petit bois de Cufas, assise avec Guillaume, près de leurs vélos à terre, oui, ils se promenaient souvent ensemble, et qu'il était merveilleux, qu'elle était si heureuse, qu'elle était si malheureuse, parce que leurs parents..
Martin sonda Vivien Labourier, et comme ce dernier était las de cette querelle sourde, voulait faire plaisir à Marie, sa bru, amie de pension de Jeanne qu'il trouvait charmante, disait-il, et sans doute parce que l'idée de voir son fils établi plus tard à Mortison ne lui déplaisait guère, il accepta de retirer son offre sur le bien disputé, à condition que Véran de Forlier soit informé de son geste, approuva aveuglément tout ce que ferait le notaire et l'en remercia.
Le jour de la signature, Martin ne manqua pas de souligner, sans trop insister, ce renoncement, laissant Véran y voir ce qu'il voulait, et, en le raccompagnant, le pria de venir déjeuner chez lui le jeudi suivant, ajoutant, avec franchise, que les Labourier seraient là et qu'il voulait les réconcilier.
Véran maugréa, chercha des raisons de refus, accepta finalement, pour le satisfaire, mais précisa qu'il ne saurait être question de rien de plus qu'une courtoisie distante.
Seulement le jeudi matin, par une conversation surprise entre Marceline et le jardinier, il apprit qu'on avait rencontré Jeanne avec Julien Labourier. Il cria, fit venir sa fille, la sermonna... elle, redressée sous ses reproches, presque sous ses insultes, elle lui tint tête, se surprenant elle-même, puisant dans ce courage qu'elle se découvrait une exaltation qui lui permit de répondre mot pour mot aux reproches, puis aux injures, de son père, de résister à l'effroi qui lui venait en le voyant transformé, rubicond, éructant.
Enfin bref, vraisemblable ou non l'histoire est ainsi, Véran de Forlier eut telle fureur qu'il en tomba mort.

Et voilà que j'ai été si longue, que je vais mener à la cravache la fin de l'histoire... (quoique si Paumée continue ainsi, point trop nombreux seront les ennuyés).
Monsieur et Madame Labourier attendaient donc, un peu avant midi, chez les Blondel, conversaient aimablement, posant un sourire sur leur inquiétude à l'idée de l'humeur imprévisible, de plus en plus rogue, jusqu'à la violence parfois, de Véran de Forlier, lorsque le jardinier de Mortison, fit irruption, se tint un moment immobile, haletant, cherchant à reprendre son souffle... leur annonça la mort brutale de son maître.
Les deux femmes s'écrièrent, s'agitèrent un court moment, et puis Madame Labourier accompagnée de Martin Blondel, partit précipitamment à Monbrison pour soutenir Jeanne, la persuader de les suivre, la ramener, pendant que la maîtresse de maison lui faisait préparer une chambre, à l'étage, près de la sienne.
Elle entend un grand bruit, redescend affolée avec sa bonne – elles trouvent Vivien assis dans le salon, yeux écarquillés fixant la porte ouverte, hébété...
Elles le secouent, l'interrogent, il revient lentement à lui et raconte, comme absent, raconte la porte poussée par une grande lumière, la voix, dans cette lumière, qui lui jette tous les reproches passés, la silhouette qui se dessine au coeur de la lumière, celle de Véran, et son hurlement : «jamais ton sang ne souillera le notre.»
Il raconte son effroi, et puis ce geste instinctif, son bras qui se tend vers ce qui est là, la silhouette qui devient colonne de feu, vacillante, soufflée par le vent qui à se moment ouvre violemment une fenêtre....
Et sur le parquet marqueté, n'y a plus qu'une masse de cendre.
Voilà... ça m'apprendra à rêver un devant The Commonplace Book : le carnet d’invention de Lovecraft (sur l'espace abonnement du tiers.livre de François Bon http://thelovecraftmonument.com/spip.php?article33) et ces courtes notations évocatrices parce que, avec la concision et le talent de Lovecraft, l'essentiel était mieux dit par le n°8 : Récit d’horreur : un homme a rendez-vous avec un vieil ennemi. Meurt – le corps va au rendez-vous.

Sur ce, j'ai arrosé mes pauvres vieilles plantes.
P.S. un conseil, si vous avez du temps, si vous vous intéressez à la Provence, la haute, et plus généralement à ce qu'on fait du territoire, et si vous aimez les noms de lieux et l'histoire tracée à grands traits importants, lisez, sur Remue.net, de Benoît Vincent «lieux communs, 1 : Mévouillon» http://remue.net/spip.php?article6638

8 commentaires:

chri a dit…

Je l'aime votre "histoire"!

Brigetoun a dit…

merci !

Dominique Hasselmann a dit…

J'ai, sur mon balcon, le même arrosoir (il doit remonter à Lovecraft).

Michel Benoit a dit…

Il me semble voir une herbe bien envahissante sur la gauche de la dernière photo...
Je n'ai de cesse de l'arracher dans mon jardin...

Brigetoun a dit…

Dominique - peut être en effet .. était il bon jardinier ?
Michel moi suis paresseuse, je la garde, et elle meuble les pots vides

jeandler a dit…

Une histoire rondement menée.
Difficile d'être heureux.

Gérard a dit…

çà frise le roman noir sous un ciel bleu

arlette a dit…

Tout est flammes et cendres