mistral par rafales dans
la cour, clin d'oeil du bleu qui gagne peu à peu l'une des trop
petites fleurs que mon hortensia un peu las, un peu dégénéré, va
m'offrir cette année, montée en moi d'une redescente vers la
conscience de mon petit corps tassé, courbé comme bossu, des rides
grimaçantes et du trop grand front couvrant un vide sans fond...
réagir et prendre, comme
en avais eu le projet, l'un des exercices proposés par François Bon
à partir de Kafka (pour Paumée, puisque j'ai été attirée par le
premier – tenterai, si plus audacieuse, le troisième pour contribuer
et oser le déposer sur
http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article3963)
– le premier donc, qui consiste à noter un court moment, une
image, pêchée dans la fosse de la mémoire pour chacun des sept
derniers jours (très résumé, lisez plutôt le texte de François
Bon)
mercredi 7 mai
ciel
gris, corps morne, ville pâle, mais une inexplicable allégresse qui rode en moi avec un sourire, je m'arrête devant les branches
blanches d'un des platanes de la place et j'y vois un jeu de jambes,
une danse vaguement folklorique, comme celle de ces jeunes femmes
costumées, joyeuses, un peu gauches, et très décidées qui, un peu
partout, se donnent la tâche de maintenir des traditions plus ou moins
inventées, et y trouvent le plaisir de compagnonnages
jeudi 8 mai
penser avec appréhension
à l'arrivée d'un ami pas si virtuel et de sa femme, venus gentiment forcer
ma sauvagerie, avoir conscience de n'avoir rien d'autre à leur
offrir que notre ciel et regarder sa blancheur morne, décider avec
une ironie sans doute moins franche que le pense, de demander l'aide des vierges
rencontrées, et me navrer de ne trouver que les plus banales sur mon
chemin.
vendredi 9 mai
carcasse
en révolte (quelle est la part de l'inquiétude légère, forcément
légère, de la recluse, c'est le genre de choses que je ne sais mesurer),
regard morne sur bois ternis, se doper de l'odeur de cire au miel,
dans la griserie de ce parfum, jusqu'à en entartrer excessivement
les surfaces
samedi 10 mai
aux halles où je fais mes provisions pour un dîner que vais louper, mais ne le sais pas encore,
pendant qu'on lève les filets de trois gros rougets, puisqu'il n'y
en a plus d'assez beaux pour mon goût, échanger regard assez peu
intelligent avec une daurade royale, et admirer ces faux sourcils
d'or qui lui font un diadème
dimanche 11 mai
une noce devant la porte
de la mairie, arrivée en limousine d'un tourbillon blanc à boucles
blondes et du jeune époux en beau costume, liesse méridionale,
cheveux oranges et parures, sous l'oeil des touristes (avec toujours
ce mélange de joie intime et de conscience du spectacle qu'ils
donnent), ils fascinent mes amis, je regrette que la noce soit
européenne, du sud, mais majoritairement européenne, et l'absence
des gandouras bleues, des tambourins et des youyous
lundi 12 mai
à l'écart des échanges,
discrète pour une fois, après avoir aimé les coquillages de la
tombe d'Henri Bosco, le laurier de Camus, faire quelques pas jusqu'à
l'un des cyprès, ce tronc en faisceau, grand panier vertical, tuyaux
d'orgue muets... non, simplement fantaisie de la nature, l'aimer, froisser entre mes doigts un peu de vert pour l'odeur merveilleusement désagréable.
mardi 13 mai
rien
et tout, un mistral léger comme une idée de mistral, le bleu pur,
le soleil que renvoie la mer, qui brûle en douceur, baigner dans
l'amour de cette mer, avec un respect pour toutes les autres, mais
comme dû à de grandes et fortes étrangères, se sentir latine,
arabe, d'ici.
Et
aujourd'hui, étais si absorbée par la recherche des mots tentant de
dire ces instants que n'ai pas entendu chanter ma cafetière, dans
laquelle ne restait qu'un peu de liquide sombre, jusqu'à ce que je prenne conscience de l'odeur de brûlerie qui a envahi
l'antre... je me demande si cela donne de la valeur à mes
élucubrations
2 commentaires:
L'autre versant des choses (en images) vu par Le Curator : ainsi la vue de cette semaine "particulière" est complète...
il y manque la fantaisie souriante d'Hannelore (attendra lundi je pense pour ne pas faire trop bloc)
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