usés, si usés, sont les
affiches et Brigetoun...
troisième réveil très
tardif... tenter pourtant de respecter mon projet pour ce matin et
partir contre vertige, avec tentations de s'arrêter, et une pause assise sur le trottoir, vers le théâtre des Carmes-Benedetto pour voir et
entendre Charlotte Hadrien dans les sermons joyeux de
Jean-Pierre Siméon,
y
arriver à temps pour une station sur une chaise devant en regardant la
place refuser de se réveiller... les départs sont déjà nombreux
et la ville ne s'éveille vraiment qu'en toute fin de matinée, à
temps aussi pour acheter deux petits livres de Benedetto et ne
pouvoir y mettre le nez puisque j'avais oublié que mes lunettes de
sac étaient restées dans le gazon de la Fabrica ou dans un autre
coin...
alors
juste le début, les premières lignes, un peu de la première phrase
du Commandant dans «Haute-Mer»
sur la mer sur les eaux
comme sorti des eaux l'homme et qui vogue porté emporté ballotté
qui est le maître à bord réellement pas moi je me voyais déjà
pacha à quelque passerelle de prestige paquebot de croisière
porte-avions géant ou super-pétrolier ah jeunesse perdue et rêves
insensés non je ne me sens pas le seul l'unique chef qui donc nous
regarde passer nous aujourd'hui avec cet immense sillage derrière
nous sinon personne non personne qui me regarde même pas les
baleines capitaine au long cours sur le dos de cette grosse bête
remuante la mer dans ma coque...
photo
prise sur le site du festival off, comme ce texte de présentation :
6
sermons "joyeux" qui abordent divers aspects de nos
sociétés.
Des
thèmes universels qui résonnent dans nos parts les plus intimes: la
capacité à créer, à inventer chaque jour, l'espoir insolent face
au cynisme, la peur de l'inconnu, la difficulté à vieillir, le
désir de croquer la vie à pleines dents par opposition à
l’hygiénisme ambiant...
Une
figure labile et gourmande porte ces 6 textes, s'amuse avec la langue
de la langue, swingue entre les mots pour réfléchir sur le Monde,
et l'Humain.
Une
figure libre, amoureuse...et joyeuse !
et,
dommage que nous soyons proches de la fin, je conseillerais aux
passants d'y aller..
fine,
grande, voix qui se fait douce ou coléreuse, charme et
intelligence... qui parfois tape sur un clavier, non ne tape pas mais
joue, et chante en yaourt, se change, modifie l'éclairage pour
marquer, sans rupture, le passage de l'un à l'autre de ces sermons
qui n'en sont pas mais prises de parole, et belles et savoureuses
sur
la langue contre ces
heures poisseuses où se tient désormais notre langue, les
façons de faire taire la
pire, l'omniprésence surabondante d'une langue morte celle
des non-discours, de la parole machinale, des phrases fournies par
communicants, publicitaires ou radios
et
je ne peux lire ce que j'ai noté d'autres sur les sermons, ces
textes de poésie, colère, sagesse,... alors j'ai trouvé quelques
passages dits par autre voix sur cette vidéo
extraits
de "Sermons joyeux" de JP Siméon sur wat.tv
et
le dernier était contre le jeunisme, sur la gloire et le force de la jeunesse mais le bien qui est de ne pas refuser son âge, de grandir
d'une fatigue et d'une défaite... que
j'écoutais au moment où carcasse reprenant un peu de force me
disait durement qu'il y a du bien dans la vieillesse, surtout si elle
n'est pas engourdissement de l'esprit, mais aussi bien des petites
misères qui tentent à se faire grande...
allais
me résigner à partir juste avant la fin, quand celle-ci est venue..
salut,
(et j'insiste, un bel et bon septectacle)
et
départ, clopin clopant, dans l'animation qui reste forte, sans être
brutale, suivant de loin une parade des jeunes acteurs de la Cour du
Barouf
pour
les retrouver sur la place de l'horloge, m'accorder quelques minutes
pour les regarder, dire que cette année n'irai pas les voir
et
continuer en poussant mes jambes vers l'antre, faire cuire et manger
lentement (avec l'aide du canard enchaîné) bon gros déjeuner et
m'enfoncer jusqu'à cinq heures dans une absence dont suis sortie
toute dolente
petites
activités, ramasser feuilles, parler aux plantes qui ne s'en
soucient guère, promener chiffon sur bois, préparer ceci et le
mettre sur paumée, faire brûler une casserole pommes de terre,
regarder le soir venir, inaugurer une petite robe gentille, prendre
veston sur l'épaule
et
partir le long de Joseph Vernet, en souriant à de petits nuages sans
deviner qu'ils nous donneraient quelques gouttes et quelques
inquiétudes sans suite,
en
saluant la statue qui veillait sur le square endormi, vers la place
des Corps Saints, les dîneurs attablés mais sans que des gens
debout guettent la fin de leur repas
une
courte file d'attente, des avignonnais, nos avis divergents ou non,
et
l'entrée dans le cloître des Célestins pour un des trois concerts
que j'avais retenu dans les cinq produits par Royaumont, Wasl
avec
Kamilya Jubran (palestinienne, compositeur, oud, chant), Sarah
Murcia (contrebasse) et Werner Hasler (trompette et électronique).
C'est une tentative audacieuse en résonance avec les bouleversements
en cours dans les mondes arabes et avec la question du devenir de la
Palestine, cette terre de Kamilya Jubran, qui ressemble beaucoup à
l'Andalousie du poème de Mahmoud Darwich : « L'Andalousie fut-elle
là ou là-bas ? Sur terre ou dans le poème ? » Kamilya Jubran
chante ici les textes des deux poètes Salman Masalha (Israël,
Palestine) et Hasan Najmi (Maroc).
Les
festivaliers se font rares, et la file était brève (pas aussi
catastrophique pourtant que pour la ronde du carré que, soit dit en
passant, j'aime de plus en plus en y repensant, mais cloître aux 3/4
plein, ou un peu moins, nous sommes vraiment dans la décrue
accélérée.
Inquiétude,
quelques gouttes passagères, plastiques prêts à la déroute qui
n'eut pas lieu, bras légèrement humides et rien de plus.
Kamilya
blonde et bouclée, souriante, Sarah brune et concentrée, Werner
barbu et attentif. Petit topo sur la langue des poèmes qui est
l'arabe classique mâtiné de dialecte palestinien ou marocain.
Premier
poème « ô beauté », d'Hasan Najmi, la trompette seule
dans le calme du cloître sous les platanes muets, puis le oud, puis
la contrebasse, le chant – et chaque muscle de Brigetoun commence à
se détendre – la voix légèrement rauque, le basculement de
l'air, un beau travail de la contrebasse
ô nuit
ô nuit
rappelle moi ta voix
puis
« Hantise » de Salman Masalha longue et belle
introduction de la contrebasse, musique plus européenne
qu'orientale, électronique, claquements, le oud en vagues
mélancoliques et le chant
Seigneur, l'amour me
dévaste...
le visage lumineux de
mon aimée m'apparaît furtivement..
le
chant ramène la Méditerranée, une façon de lancer la voix, de
laisser la phrase se dissoudre, moduler, voix qui passe au suraigu,
trompette qui revient pour une strophe sans mot.
Suivi
de « Orientale » de Salman Masalha
le lourd fardeau de
l'orient ensanglanté
…
cette nuit la rosée de
mon pays s'est asséchée dans mes yeux
…
ô corbeau de la
désunion ne ravive pas mes blessures...
elle
lance les phrases et les fait vibrer
etc..
etc... chants d'amour ou d'exil, variété des musiques
et
saluts que j'ai superbement loupés
sortie
sur la place qui vit encore (il est très tôt, onze heure et demi)
rues
en mode fin de soirée tranquille
et
l'oratoire pour me dire tu es arrivée, ou presque.
6 commentaires:
Merci pour ce jour et les 19 précédents !
merci à vous pour votre lecture fidèle - m'encourage
L'oud est un très bel instrument (décélérez un peu !).
on est près de la fin (et la ville se vide.. enfin non : troupeaux de touristes de passage)
Le festival fatigue mais la plume, non. La dernière ligne, droite ou pas : courage.
..encore une sacrée journée...mais sans Barouf
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