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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

jeudi, juillet 24, 2014

Avignon – jour 19 – matin contre lassitude pour les sermons joyeux, et nuit avec oud, Palestine, Kamilya Jubran et Wasl


usés, si usés, sont les affiches et Brigetoun...
troisième réveil très tardif... tenter pourtant de respecter mon projet pour ce matin et partir contre vertige, avec tentations de s'arrêter, et une pause assise sur le trottoir, vers le théâtre des Carmes-Benedetto pour voir et entendre Charlotte Hadrien dans les sermons joyeux de Jean-Pierre Siméon,
y arriver à temps pour une station sur une chaise devant en regardant la place refuser de se réveiller... les départs sont déjà nombreux et la ville ne s'éveille vraiment qu'en toute fin de matinée, à temps aussi pour acheter deux petits livres de Benedetto et ne pouvoir y mettre le nez puisque j'avais oublié que mes lunettes de sac étaient restées dans le gazon de la Fabrica ou dans un autre coin...
alors juste le début, les premières lignes, un peu de la première phrase du Commandant dans «Haute-Mer»
sur la mer sur les eaux comme sorti des eaux l'homme et qui vogue porté emporté ballotté qui est le maître à bord réellement pas moi je me voyais déjà pacha à quelque passerelle de prestige paquebot de croisière porte-avions géant ou super-pétrolier ah jeunesse perdue et rêves insensés non je ne me sens pas le seul l'unique chef qui donc nous regarde passer nous aujourd'hui avec cet immense sillage derrière nous sinon personne non personne qui me regarde même pas les baleines capitaine au long cours sur le dos de cette grosse bête remuante la mer dans ma coque...
photo prise sur le site du festival off, comme ce texte de présentation :
6 sermons "joyeux" qui abordent divers aspects de nos sociétés.
Des thèmes universels qui résonnent dans nos parts les plus intimes: la capacité à créer, à inventer chaque jour, l'espoir insolent face au cynisme, la peur de l'inconnu, la difficulté à vieillir, le désir de croquer la vie à pleines dents par opposition à l’hygiénisme ambiant...
Une figure labile et gourmande porte ces 6 textes, s'amuse avec la langue de la langue, swingue entre les mots pour réfléchir sur le Monde, et l'Humain.
Une figure libre, amoureuse...et joyeuse !
et, dommage que nous soyons proches de la fin, je conseillerais aux passants d'y aller..
fine, grande, voix qui se fait douce ou coléreuse, charme et intelligence... qui parfois tape sur un clavier, non ne tape pas mais joue, et chante en yaourt, se change, modifie l'éclairage pour marquer, sans rupture, le passage de l'un à l'autre de ces sermons qui n'en sont pas mais prises de parole, et belles et savoureuses
sur la langue contre ces heures poisseuses où se tient désormais notre langue, les façons de faire taire la pire, l'omniprésence surabondante d'une langue morte celle des non-discours, de la parole machinale, des phrases fournies par communicants, publicitaires ou radios
et je ne peux lire ce que j'ai noté d'autres sur les sermons, ces textes de poésie, colère, sagesse,... alors j'ai trouvé quelques passages dits par autre voix sur cette vidéo

extraits de "Sermons joyeux" de JP Siméon sur wat.tv
et le dernier était contre le jeunisme, sur la gloire et le force de la jeunesse mais le bien qui est de ne pas refuser son âge, de grandir d'une fatigue et d'une défaite... que j'écoutais au moment où carcasse reprenant un peu de force me disait durement qu'il y a du bien dans la vieillesse, surtout si elle n'est pas engourdissement de l'esprit, mais aussi bien des petites misères qui tentent à se faire grande... 
allais me résigner à partir juste avant la fin, quand celle-ci est venue..
salut, (et j'insiste, un bel et bon septectacle)
et départ, clopin clopant, dans l'animation qui reste forte, sans être brutale, suivant de loin une parade des jeunes acteurs de la Cour du Barouf
pour les retrouver sur la place de l'horloge, m'accorder quelques minutes pour les regarder, dire que cette année n'irai pas les voir 
et continuer en poussant mes jambes vers l'antre, faire cuire et manger lentement (avec l'aide du canard enchaîné) bon gros déjeuner et m'enfoncer jusqu'à cinq heures dans une absence dont suis sortie toute dolente
petites activités, ramasser feuilles, parler aux plantes qui ne s'en soucient guère, promener chiffon sur bois, préparer ceci et le mettre sur paumée, faire brûler une casserole pommes de terre, regarder le soir venir, inaugurer une petite robe gentille, prendre veston sur l'épaule
et partir le long de Joseph Vernet, en souriant à de petits nuages sans deviner qu'ils nous donneraient quelques gouttes et quelques inquiétudes sans suite,
en saluant la statue qui veillait sur le square endormi, vers la place des Corps Saints, les dîneurs attablés mais sans que des gens debout guettent la fin de leur repas
une courte file d'attente, des avignonnais, nos avis divergents ou non, 
et l'entrée dans le cloître des Célestins pour un des trois concerts que j'avais retenu dans les cinq produits par Royaumont, Wasl avec Kamilya Jubran (palestinienne, compositeur, oud, chant), Sarah Murcia (contrebasse) et Werner Hasler (trompette et électronique). C'est une tentative audacieuse en résonance avec les bouleversements en cours dans les mondes arabes et avec la question du devenir de la Palestine, cette terre de Kamilya Jubran, qui ressemble beaucoup à l'Andalousie du poème de Mahmoud Darwich : « L'Andalousie fut-elle là ou là-bas ? Sur terre ou dans le poème ? » Kamilya Jubran chante ici les textes des deux poètes Salman Masalha (Israël, Palestine) et Hasan Najmi (Maroc).
Les festivaliers se font rares, et la file était brève (pas aussi catastrophique pourtant que pour la ronde du carré que, soit dit en passant, j'aime de plus en plus en y repensant, mais cloître aux 3/4 plein, ou un peu moins, nous sommes vraiment dans la décrue accélérée.
Inquiétude, quelques gouttes passagères, plastiques prêts à la déroute qui n'eut pas lieu, bras légèrement humides et rien de plus.
Kamilya blonde et bouclée, souriante, Sarah brune et concentrée, Werner barbu et attentif. Petit topo sur la langue des poèmes qui est l'arabe classique mâtiné de dialecte palestinien ou marocain.
Premier poème « ô beauté », d'Hasan Najmi, la trompette seule dans le calme du cloître sous les platanes muets, puis le oud, puis la contrebasse, le chant – et chaque muscle de Brigetoun commence à se détendre – la voix légèrement rauque, le basculement de l'air, un beau travail de la contrebasse
ô nuit
ô nuit
rappelle moi ta voix
puis « Hantise » de Salman Masalha longue et belle introduction de la contrebasse, musique plus européenne qu'orientale, électronique, claquements, le oud en vagues mélancoliques et le chant
Seigneur, l'amour me dévaste...
le visage lumineux de mon aimée m'apparaît furtivement..
le chant ramène la Méditerranée, une façon de lancer la voix, de laisser la phrase se dissoudre, moduler, voix qui passe au suraigu, trompette qui revient pour une strophe sans mot.
Suivi de « Orientale » de Salman Masalha
le lourd fardeau de l'orient ensanglanté
cette nuit la rosée de mon pays s'est asséchée dans mes yeux
ô corbeau de la désunion ne ravive pas mes blessures...
elle lance les phrases et les fait vibrer


etc.. etc... chants d'amour ou d'exil, variété des musiques 
et saluts que j'ai superbement loupés
sortie sur la place qui vit encore (il est très tôt, onze heure et demi)
rues en mode fin de soirée tranquille
et l'oratoire pour me dire tu es arrivée, ou presque.

6 commentaires:

Marie-christine Grimard a dit…

Merci pour ce jour et les 19 précédents !

Brigetoun a dit…

merci à vous pour votre lecture fidèle - m'encourage

Dominique Hasselmann a dit…

L'oud est un très bel instrument (décélérez un peu !).

Brigetoun a dit…

on est près de la fin (et la ville se vide.. enfin non : troupeaux de touristes de passage)

jeandler a dit…

Le festival fatigue mais la plume, non. La dernière ligne, droite ou pas : courage.

Gérard a dit…

..encore une sacrée journée...mais sans Barouf