Ai pilé l'autre matin
devant une des vitrines d'Hervé Baume, yeux attirés et un rien
offensés, puis amusés, par la montagne de barroqueries rouges, d'un
rouge profond, glacé, brillant, échafaudée au centre
et puis la collection
serrée, pressée sur des étagères de chaque côté, noyés dans le
fouillis sciemment ordonné de ces mises en scène..
et sur les deux rangées
en dessous l'étalage encore de poissons mus en cornes d'abondance (oh l'oeil bleu à gauche),
la présence toujours de coquilles tout autant garnies, mais le
papillonnement doux des couleurs, les dissonances, les camaïeux
nacrés, le penchant un peu honteux de Brigetoun pour eux, qui ne
durerait sans doute qu'une demi-journée.
Bien sûr mes photos, avec
le côté à la sauvette, avec les reflets, avec les déformations
produites par l'angle de prise de vue, ne donnent qu'une faible idée
de ma sidération, fascination devant ce déversement (il est vrai
qu'il y a aussi parfois, chez lui, une abondance de coussins au petit
point, portraits de chiens, qui se tiennent tout autant à la limite
extrême de ce dont ma bourgeoisie lyonnaise, amoureuse du Louis XVI
assagi, pas tout à fait giscardien et gris moyen, mais presque, m'a
nourrie)
fascination, plaisir,
refus des rouges, gourmandise pour ceux du bas, et naissance d'un
souvenir d'admirations coupables, bien plus digressives que ces
Vallauris...
Une présence derrière
mon épaule, je bâcle ma capture, je me justifie..
- j'adore
- vous aimez ?
Je me retourne vers
l'homme de la galerie, et d'instinct c'est cette impression qui
n'avait pas encore pris forme qui sort
- oui ça me fait penser à
mon enfance, à la basse ville de Toulon
une exclamation – j'ai
préféré ne pas deviner ce qui entrait dans cette syllabe sans
forme – et il est entré dans on magasin.
Bien Monsieur, je n'ai pas
été élevée dans la basse ville, mais avec les sandwichs de marin,
ces trucs fabuleux, demi-baguettes débordantes de nourriture, qui
étaient un des fantasmes de la petite boule adolescente, il y avait
ces quelques vitrines qui ont disparu maintenant que le quartier
s'est embourgeoisé, sur l'avenue, entre les petites rues se
déversant vers le port, et les vitrines d'uniformes améliorés et
de petits souvenirs, coquilles saint jacques ou autres montées en
plâtre avec des petits sujets sages ou déshabillés et le goût
inavoué que j'avais pour eux, sans doute, puisque ne les ai pas
oubliés..
Une brève envie de cette
outrance déliquescente, qui n'a pas résisté à l'idée de trouver un emplacement,
de cohabiter avec cela, à l'idée surtout du prix que leur présence là
laissait deviner, légèrement excessif pour un caprice suivi d'ennui.
Malgré mes lubies,
fantaisies brusques, écarts jouissifs, plaisirs des décalages, coups de coeur sincères et incompréhensibles, resterai irrémédiablement moyenne bourgeoise.. est ce pour cela que
mon salut ironique, chaque fois, à ce clerc de notaire début de
l'autre siècle, dénudé pour incarner un saint, avec des manchettes
en lustrine et un lorgnon qui rodent, virtuels, autour de lui, est
teinté d'amitié ?
7 commentaires:
Du goût et des couleurs on ne discute pas.
Des Vallauris, peut-être, ces fonds marins de céramique ? Qui oublient maintenant le kitsch pour se faire art.
St-Jean clerc de notaire !
Le modèle l'était peut-être...
des Vallauris assurément
quand à Saint Jean je lui vois toujours un lorgnon
quant à pas quand à !
Comme tu as su bien présenter ce déferlement complètement baroque et en faire ...une oeuvre d'Art !!
Un texte qui demande un livre assurément où comment rebondir " Bourgeoisement" sur le mauvais goût
Ah!! ce Vallauris tant décrié que certain collectionne encore
"Trop cher pour un caprice suivi d'ennui" : c'est la sagesse... hélas!
on s'en remet assez bien !
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