Elle commence d’un
cimetière, traverse le onzième de part en part, un peu comme celle
du Chemin Vert, ou celle de Montreuil, se termine d’une colonne
surmontée d’un génie d'or : la rue de la Roquette, qui entre
temps aura croisé une salle nommée opportunément Olympe de Gouge
(ce genre a droit au sous-sol), une statue noire, oblongue située
sur une place du nom même de la représentation, Léon Blum
(celui-là est en surface), une synagogue puis une église, puis une
autre, évangélique, un ex-marchand de modèles réduits remplacé
par un autre de vêtements de luxe, on y verra une clinique du rasoir
électrique
de multiples restaurants,
puis laissant à gauche une petite rue chère à Francis Lemarque
mais où une gentrification galopante, comme à
Saint-Germain-des-Près, a pratiquement tout englouti, nommée de
Lappe (avant hier, brrr… une femme y a trouvé la mort d’un coup
de tournevis), remonte vers la place où trone des cafés bientôt
"lounge" ou "salon" si on préfère, où on
n’attend que des touristes qui laisseront là quelque billet de
cent, personnels en chaussures pointues ou tatoués queues de cheval
vous honorant du plus profond mépris si vous vous étonnez de
l’absence dans l’établissement qu’ils servent d’un bar :
à dix heures du soir, on montera le son et on se retrouvera entre
soi.
Que reste-t-il de cette
place qui, un dix mai, rassemblait celles et ceux espérant un
radieux, ouvert et sensible avenir ? Eh bien, la même
géographie, sept ou huit cafés si français, deux succursales de
banque, un opéra (places de 5 à 210 euros…), deux ou trois
cinémas, une brasserie de luxe, cachée un peu dans le fond il est
vrai, faisant face à un restaurant de caviar… Et de nos espoirs
dans l’avenir, un type pas même ordinaire, non, mais normal,
allant rue du Cirque en scooter occupant une fonction de laquelle il
ne domine pas même la cheville.
Bah, ça, c’est Paris ?
Peut-être pas, ou alors seulement la Roquette, si sinistre mémoire
de prisons de femmes
et d’exécutions
capitales, en Espagne c’est au garrot qu’on s’y prenait,
aujourd’hui un jardin d’enfants occupe les lieux car les temps
changent aussi (en mieux, comme on voit), sans doute doit-elle être
rendue aux piétons les jours de fête, sans doute y trouvera-t-on
une librairie ou deux, un théâtre d’avant garde qui, chaque
saison, risque de sous sa porte laisser la clé
un salon de coiffure nommé
« Onzième Art » (posé à l’Invent’hair) et un autre
Natur’L (idem par Philippe de Jonckeere), quelques fleuristes, non
loin, est-ce rue Pache ? il me souvient d’avoir été enquêter le
musée du Fumeur, officine singulière qui faisait et fait toujours
probablement dans l'édition dans la rue Pétion proche, je ne sais
s’il existe toujours, vers le haut une petite place, des arbres,
puis les arbres du boulevard, non loin sur la gauche une caravane de
chiromancien, le Mage Altiz qui lira votre avenir
les tombes de Piaf,
Cocteau, Morrison, et de bien d’autres, évidemment, et face au
Père Lachaise, un marbrier vendeur de concessions réservées à
perpétuité aptonymique en diable…
Paris est un musée, de
nos jours, les rues le traversent, bordées d’inutiles potelets,
afin d’y régulariser flots et stationnements d'autos, d’aider
les piétons et les amateurs de glisse à se frayer un chemin,
bientôt on n’y fumera peut-être plus à l’air libre (une
liberté amputée de sa fin phagocytée ici par les locations de
vélos et de voitures) mais s'y promener mènera, toujours, à la
découverte.
Ce trajet dans ma très familière – enfin, autrefois très familière - rue de la Roquette, n'est pas mien, mais, comme celui rue de Montreuil rappelé ci-dessus, de Piero Cohen-Hadria, qui m'a fait le grand honneur de vouloir échanger à nouveau avec moi, ce qui, de façon évidente, a fait se recroqueviller ma décision de ne plus participer aux vases communicants, mon enthousiasme, si grand qu'il fut d'une durée exceptionnellement longue pour moi, étant maintenant moribond... en suis navrée.
Mais
toute contente d'avoir été amenée à tenter, difficilement, de
revenir sur mon long passé, le résultat, pour ce qu'il vaut, étant
hébergé chez Piero Cohen-Hadria sur http://www.pendantleweekend.net
Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.
La liste des vases
communicants se trouve sur le blog ouvert à cette fin par Angèle
Casanova
http://vasescommunicantsliste.wordpress.com
9 commentaires:
une visite parisienne cousue petites mains... ah! ces vases!
Belle balade avec nostalgie (la Bastille en a vu et en verra d'autres...).
La caravane m'a fait penser à Duke Ellington !
Au pied levé, un très beau texte, les âmes errantes d'une ville fantôme.
la clinique est elle spécialisée de l'opération à rasoir ouvert ?
je ne sais
mais je crois que c'est plutôt les rasoirs que l'on soigne, eux pauvres mis à mal par les rudes poils humains
Merci à toutes et tous pour vos commentaires... A vous Brigitte, pour l'accueil et la gentillesse...
PCH
Malgré la relative mélancolie du parcours, le trajet "clinique du rasoir -> marbriers funéraires Lecreux" offre tout de même des sourires !
j'arrive longtemps après la bataille, mais qu'est-ce que c'est chouette, et le chiromancien, son si bel emballage (en fait il savait que PCH allait venir le prendre en photo je pense)
(merci Pierre, merci Brigitte, faire ce qu'il faut et alea jacta comme disait l'autre en son infinie sagesse :-)))
Mémoire quand tu nous tiens.
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