M'en suis allée
d'enseignes en enseignes,
sous un ciel bleu, dans un
air adouci qui se bornait à raffermir les vieux muscles de mon
visage, à le vivifier, mais encore assez frais pour que mes mains
regimbent à la longue, vers la Fnac pour me faire délivrer un avoir,
et, en quête de matériel
de base pour continuer à passer de l'anarchie du tas de lettres
à un semblant de
rangement, vers Monoprix.
M'en suis revenue, ai
entreposé les chemises, trouvé un coin pour les petits casiers à
livres... et ne me suis pas approchée davantage du rangement projeté,
avant de partir, à l'orée
de la nuit, cheminant en attente parce que, à tort ou à raison,
j'étais fortement tentée - l'ordre n'étant pas, en moi,
exactement naturel ni désiré - vers le Théâtre du Chêne noir
pour assister à une représentation de Dreck de
Robert Schneider, dans
la traduction de Claude Porcell, reprise du spectacle monté par
Charles Berling au Théâtre Liberté de Toulon (Dieu que cette ville
a changé depuis mon adolescence, quand j'ai fui)
Photo Christophe Michel
provenant du site du Théâtre
Liberté http://www.theatre-liberte.fr/dreck)
comme cette présentation
Il dit s'appeler Sad,
ce clandestin irakien qui a traversé plusieurs continents avant
d'achever son périple en Allemagne, où il vend des roses pour
survivre. Sa confession est troublante, truffée de souvenirs, de
mensonges et de reniements qui nous égarent sur sa personnalité. Il
ne possède qu' «une chaise pour patrie» et se définit lui-même
comme un «barbare». Non, il «ne méritait pas de venir» ...
Dans
une société en crise, «l'autre» symbolise souvent une menace.
Immigré, clandestin ou tout simplement citoyen jeté à la rue par
un destin cruel, le « pas comme nous » est cible de toutes nos
suspicions....
En
fait sont-ce des confessions ces condamnations de l'odeur de l'urine
des gens du sud mangeurs d'oignons, ces serments que jamais il
n'osera s'asseoir sur ces bancs qu'il admire, comme il admire leurs
occupants, ou des plaidoyers, une façon de se faire humble pour être
admis, lui le différent, le sans droit ? (un cri vers la fin qui dit
qu'eux aussi ont été trompés, qu'on ne les avaient pas prévenus
qu'ils étaient différents)
Et
puis, peu à peu, il fait sien le discours qui devient si habituel, il parle civilisation, la nôtre, face à son peu, il nous dit que nous devrions bien voir
qu'ils sont cause des salaires bas, des prix en hausse, du manque des
logements, et en vient à vociférer les pires discours que les plus imbéciles de nos concitoyens n'osent pas prononcer, même si chacune de leurs
phrases y mène.
Seulement,
parfois, il ressort la photo où il est avec sa mère, et elle, celle
dont il ne dira pas davantage, et tant pis s'il rabaisse ce qu'il voit, on sent bien que ce n'est pas sincère.. il y a l'évocation de la chaleur du
splendide soleil de Bassorah, même si les villes du sud, et pire les
villes arabes sont des villes sales, barbares, indignes du nom de
ville face aux villes de ce pays du nord, comme la langue ne peut
être aussi belle que la langue de ce pays de belles montagnes,
belles forêts – que bien entendu il n'a pas vues, il n'en a pas le
droit...
Très
belle interprétation (même si parfois, dans les parties murmurées, je ne comprenais pas tous les mots, mais bien le sens, et ce n'est pas
grave) d'Alain Fromager, et le rôle le plus passif qui soit pour
Jean-Louis Bossé qui incarne - à vrai dire, on ne voit de lui que les
chiffons sous lesquels il dort, n'en émergeant que pour le second
salut - le compagnon de refuge, venu de Port Saïd, vendeur de je ne
sais plus quoi et qui a un très joli sourire, avec l'humilité requise.
Et en
revenant, un peu avant neuf heures, dans la ville calfeutrée, je me
demandais quelle avait été la réaction des deux «dames» qui
n'avaient pas voulu signer la pétition d'Amnisty International
demandant (geste gratuit) que nous remplissions nos engagements pour
l'accueil des syriens, et qui s'y refusaient, pas franchement, mais
en hésitant parce que ce n'est pas si simple et qui ont
aggravé et précisé cette opinion-camouflée-en-hésitation quand
j'ai essayé de leur dire que si, ça l'était, moi qui avait tenté
d'échapper au militant à dignes cheveux blancs, et puis signé en
disant bien que je me refusais à croire que cela changerait quoi que
ce soit (ma tentative, non de plaidoyer, mais de rappel à la raison
m'a valu une nuque serrée et un sourire gentiment ironique qui m'a
évité de m'enfoncer dans un débat sans espoir)
Il est
des ordres (en quoi la fermeture en est-il un ?) que je
n'admets ni ne comprends, et c'est plus fort que moi, sans
agressivité ni arrogance, je l'espère, c'est idiot, mais plus fort
que moi, sais pas écouter en silence.
Plaisir supplémentaire,
il n'y a pas de décor, et on a le droit de voir, pour une fois, le
choeur de la chapelle où a été installée la scène – mais je
n'ai pas osé le photographier.
7 commentaires:
j'aime lire ici cette opiniâtreté de la révolte et de la réflexion... j'aime lire qu'à Carcasse, comme elle se dit, on ne donnera pas de la bouillie de pensées prémâchées
j'ai été mal élevée - pas de jugement moral, juste une incapacité à comprendre
Dreck un fort souvenir , reprogrammé encore cette annéele 10 Février , salle comble
Vu hier soir Le Prince de Hombourg Aie! Aie ! ferai un billet
Jolis casiers à livres
pensé à toi
Certains se contentent de pétitions de principes...
Quel plaisir que vous ayez renoncé à... renoncer.
et se sentent consolés
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