Pâques, dans mon lit,
entendant un mix de claquements sourds accompagnés de grandes
respirations, entendant une des petites pauses-informations dans la
bande son de grève et le rappel du nouveau massacre de masse, me
retournais sans grande envie de décoller mes paupières pour aller
affronter l'air, et dans le désespoir de ces fausses religions de
guerre qui tordent ce dont les hommes ont eu besoin pour s'élever au
dessus de la pesante quotidienneté, marmonnais, tâtonnais idées,
formulais à l'intention de ceux devant lesquels je me dissoudrais
vraisemblablement, maintenant, en panique assumée : au nom de Dieu
qui est le meilleur de l'homme tuer des hommes c'est tuer l'homme en
vous donc Dieu - et satisfaite de ce bout de phrase comme si j'avais
réglé quoi que ce soit, décidais de penser aux enfants de la
famille qui peut-être ce matin, qui dans mon souvenir, soulevaient
des feuilles, s'appelaient, chougnaient parce que les grands...
remplissaient leurs paniers de ce que leur mères leur interdiraient
de manger – tout à l'heure... maintenant on va déjeuner.
Et donc finalement ai
émergé, ai pris couffin, m'en suis allée, sous ciel bleu de saphir
birman, sur les dalles éblouissantes ou dans les coulées d'ombre
des rues,
mais toujours dans un
mistral qui se faisait patelin et puis se ruait en telle énergie que
j'avançais courbée, en lui présentant mon front comme une proue,
et qu'il m'a coupé les jambes, m'a vidée de toute énergie dès la
rue Saint Agricol,
et que, zombie au sourire
franc ou égaré, selon les volutes de mon épuisement, ai rempli mon
couffin un peu de n'importe quoi (avec tout de même quelques règles
ancrées dans ma mémoire) et m'en suis revenue, âme légère dans
la lumière, pas chancelants, dans les rues presque vides, et le son
des cloches.
Pendant que, plantée
devant la porte, recherchais forces, ma voisine du dessus est
arrivée, a pris sac, m'a laissé couffin, et nous avons grimpé en
renouant le temps d'une volée de marches avec notre dialogue de
samedi après-midi,
quand nous faisions le voeu, couteau ou raclette en main pour détacher les petits amas de
ciment, que les travaux de la maison voisine soient enfin
achevés, avant de tenter de balayer le sable, la poussière de
pierre qui recouvraient tout.
Et cet après-midi, en
allant relever le laurier qui avait décidé de se vautrer sous le
vent, ai repris, sous le claquement du volet qu'un garçon a laissé
ouvert en partant en week-end, et les protestations des petits chiens
de ma voisine, le débarbouillage de ses feuilles, abandonné la
veille pour cause de reins cassés.
Dernières nouvelles de
l'antre.. en y ajoutant grande paresse, une cure de vieux westerns,
vus et revus, et l'écoute heureuse de Susanna
de Haendel sous la direction de William Christie (une découverte via Youtube)
12 commentaires:
Ici, le prunus commence à rosir et le soleil, depuis hier, est de retour.
Mais il n'a pas une forme d'œuf (peut-être au plat ?).
le micro climat de la cour est de toute façon peu favorable aux fleurs…
votre prunus serait-il aussi cabochard que mes plantes qui tiennent à leur fantaisie ?
Ce matin, on vous suit comme un Kašpárek, tout léger, en secouant nos clochettes...merci
Le vent aurait-il ramené les cloches avec lui ? Depuis qu'avec Nietzsche dieu est mort, tous les chemins ne viennent plus de Rome.
je te rappelle qu'il fut un temps où Rome était dans Avignon - pas grand chemin à faire les cloches
Pâques carillonnées ...
c'est une belle phrase d'un autre temps
Pensées
Ah, le vent dès cette rue Saint-Agricol
Arlette ça fait partie des associations de mots qui me sont encore réflexes, suis un peu d'antan
Je me demande si Dieu n'existerais pas juste pour nous disculper du pire: Ce n'est pas nous, c'est Dieu.
alors qu'il est là pour nous tirer hors de notre boue
les protestations des petits chiens de ma voisine....j'ai la même en face chez moi.
tous nos marmonnements contre la violence et la haine, ça doit faire beaucoup de bruit, beaucoup plus qu'on imagine, face aux hauts-parleurs dont les autres sont armés - car nous sommes nombreux à marmonner
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