A l'heure du café et du
miel, sous le ciel qui s'allume en bleu fort haut au dessus de la
cour, souhaiter bonne route à ceux qui se mettent en route pour la
Lozère – avec petit remord passager d'une désertrice.
Laisser passer le jour,
pendant que le ciel se masque et puis, en fin d'après midi endosser
chandail et imperméable,
réaliser en sortant que la lumière perce,
faiblement au dessus du fleuve,
plus nettement dans
d'autres directions, et m'en aller vers la rue Figuière, parce qu'en
passant mercredi matin devant le Centre Européen de poésie,
j'avais vu des rectangles
brunis comme vieux livres ouverts, sans attrait immédiat (un peu
comme les premières images d'un dessin animé tiré d'un conte, avec fées scintillantes) , et
puis une affiche qui annonçait une lecture pour ce jeudi soir,
lecture de poèmes d'une poétesse dont je ne connaissais pas
l'existence, et que les renseignements trouvés sur internet
m'avaient donné remord de ne pas davantage fréquenter cet endroit
http://www.poesieavignon.eu/2015/04/notre-programme-davril/
les panneaux étaient ceux
de l'exposition Poètes en prison montée
par «les Vilains Bonshommes», cercle de poésie réunissant des
détenus du Centre Pénitentiaire du Pontet (le successeur de la
prison Sainte Anne), pour évoquer des poètes ayant connu, à titres
divers l'incarcération, chaque panneau réunissant un portrait, une
petite notice biographique, un poème.. les poètes retenus étant
Giovane, un jeune prisonnier du Pontet, Villon, Marot, Desnos, Nâzim
Hikmet, Anna Greki, Albertine Sarrazin, Mahmoud Darwich, Abdellatif
Laâbi, Yannis Ritsos, et Adonis
… Les prisons
s'agrandissent / Les poètes
Descendent
vers la poésie
Vêtus de bure, dans
les recoins... («de l'invasion»
long et beau poème lu dans l'après midi et qui n'était pas celui
figuré là - mais suis navrée, blogger bouffe la mise en page et le retrait des deuxième et troisième vers)
Petit
tour, adhésion, achat billet, petit public sympathique mais
réunissant des gens qui se
connaissent, Brigetoun en retrait..
et,
autour de petites tables, devant un espace meublé d'une table, d'un
lampadaire, d'une harpe, d'un siège auprès duquel sont posés un
accordéon et un objet non identifié qui servait à certaines
percussions, accueillir deux jeunes femmes coiffées d'un feutre,
venant évoquer, dire, Papusza (ou Bronislawa Wajs) poétesse et
chanteuse rom de Pologne
J'avais
fait connaissance avec son histoire dramatique grâce à
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/papusza-poetesse-reniee-par-son-166245
(un peu long, mais si vous avez le temps, vous aimerez cette femme,
je pense) et au postcast d'une émission sur France Culture écoutée
en vaquant ce jeudi matin, émission à propos du film de Dominique
Prusak et Anna Szmuc «Papusza (la poupée)»
http://www.franceculture.fr/emission-sur-
Très jeune, elle dit
la bonne aventure, chante, danse, improvise des épopées... et joue
de la harpe comme sa famille musicienne. Papusza devient poétesse
mais n’en fait pas cas. Elle suit sa bonne étoile malgré les deux
mariages successifs qu’on lui impose.
Rescapée des rafles et
grands massacres nazis de la seconde guerre mondiale, Papusza échappe
aussi aux vengeances ukrainiennes nationalistes et anti-polonaises de
cette période. Dans beaucoup de ses poèmes, elle raconte le chaos
quotidien de la guerre et elle sublime la forêt qui constitue le
refuge instinctif de son peuple. ...
Arrivent les années
50. Papusza est brutalement sédentarisée, comme tous les tziganes
du pays, par les autorités communistes, afin qu’ils deviennent
ouvriers des grandes usines socialistes. A cette époque, un poète
polonais rebelle, Jerzy Ficowski, fait publier les nombreux textes de
Papusza, découverte et rencontrée en 1949. Papusza est alors bannie
par les siens qui la considèrent comme traîtresse... Elle meurt le
8 février 1987 d’une façon misérable dans un taudis.
émission où j'ai cueilli ce passage d'un des chants
...j'ai grandi dans la
forêt, comme un buisson d'or
…..
le soleil, père
tzigane doré, m'a réchauffé le corps
et joliment noirci le
coeur
dans la source bleue je
n'ai pas trouvé mes forces, j'ai rincé mes yeux
l'ours marche à
travers les forêts
dans la nuit, une lune
argentée
le loup a peur du feu
et ne mordra pas les tziganes
la petite tzigane
s'enfonce dans la forêt
le cheval tzigane
hennit….
Mireille
Perrier, la lectrice, reprend des textes de Jerzy
Ficowski, des chants, des récits, des lettres de Papusza, en tisse
un récit, une belle évocation de cette vie.
La
jeune musicienne dont je ne connais pas le nom l'accompagne avec
sensibilité, jouant de la harpe, de l'accordéon, ou tirant des
instruments un simple souffle haletant un peu, chantant d'une jolie
voix de soprano, en sourdine, comme effacée en accord avec le récit
par Papusza de la vie dans la forêt pour fuir les allemands, ou
entonnant seule un beau chant incompréhensible.
les images, sauf le
portrait de Papusza qui vient de l'article de France Culture sont des
captures d'écran à partir d'une vidéo (un passage, je crois, du
film évoqué dans l'émission)
Un beau moment... des échanges au milieu des livres,
verre en main,
et retour, yeux dans un ciel en beau camée de bleu
très pale, de traces roses, de fines flamèches blanches et grises
(rien à voir avec la photo trafiquée pour essayer de retrouver ce
que j'avais vu, mais qui me plaît autant, et me donne même
sensation)
7 commentaires:
Je me demande si, un jour, on pourra visiter la prison du Pontet : ce qui signifierait qu'elle est vide !
je crains qu'elle soit très très loin de l'être (même si bien sûr ce n'est pas Les Baumettes ou Fresnes)
Quand on voit comment tout est récupéré et trahi, on admire la poésie de Papuszka et aussi on comprend la défiance de sa communauté. Compliqué... merci pour cette visite en poésie
Le ciel est par dessus "Ton" toit
c'est beau
c'est vrai, ils n'ont pas pensé à Verlaine (il y en avait trop ou le motif les gênait ?)
merci pour la découverte Papusza, du coup je me suis renseigné, et viens de publier sur mon blog une de ses créations....
https://ecritscrisdotcom.wordpress.com/2015/05/08/papusza-en-guise-davertissement/
merci
Enregistrer un commentaire