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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

dimanche, juillet 12, 2015

Avignon – jour 8 – antre, Figaro, chaleur, un pied dans expo, chaleur, et Pasolini Nono et compagnie

désir de m'économiser, ou constat que le dois,
décision d'utiliser petite plage vide du matin, lavage de cheveux
et plus d'une heure et demie pour venir à bout du repassage de quatre tuniques, trois pantalons, deux teeshirts et une robe (laissé une chemise de nuit dans panier pour le plaisir de ne pas tout faire)
déjeuner rapide, 
et partir d'un pas résolu, à l'heure où d'habitude j'envisage de me mettre à l'épluchage des légumes, vers le théâtre des halles,
la douceur du jardin, la conquête d'un siège à l'ombre pour un court moment
avant d'assister, dans la salle du chapitre, aux noces de Figaro par la compagnie «du jour au lendemain» dans une mise en scène d'Agnès Régolo
je prélève une vidéo sur le site du théâtre http://www.theatredeshalles.com/pieces/mariage-figaro/
une belle énergie, mais aussi de bons acteurs au service du texte,
l'entrée en scène, les passages d'un acte à l'autre, dynamisés par quelques pas de danse contemporaine sur une musique de Guillaume Saurel (qui va à la jeunesse des personnages – juste un regret : la romance de Chérubin subit le même sort, ce qui en fait convient parfaitement d'autant que l'acteur est nettement plus vieux que ne le voudrait le rôle)
toute la gaieté de la pièce, mais aussi - presque trop marquée pour le monologue de Figaro - mise en lumière dans l'ensemble du texte de la force politique de ce théâtre, (politique et féministe)
En sortant du jardin (et de l'ambiance heureuse de ce théâtre) dans la chaleur des rues, m'est venue l'envie d'aller voir ce qui a lieu dans l'église des Célestins,
avec un moment de découragement devant l'étendue vide sous soleil dardé...
Surprise en rentrant dans la fraîcheur de l'église, parce qu'on l'aborde par la droite (gauche habituellement) – un petit désarroi devant l'occupation anarchique, le petit éventaire de boissons, aimer assez la librairie installée dans le choeur mais refuser de s'y attarder (déchirant!), chercher et trouver finalement les quelques oeuvres de Guillaume Besson exposées, à débusquer parfois dans la pénombre.
Ne le connaissais pas, avais donc petite curiosité...
assez aimé ce mélange d'étrangeté et d’extrême précision, cet onirisme quotidien (plus net sur des panneaux en camaïeu grège difficilement photographiable)
Dans la nef centrale sont projetés des vidéos, des films, des captations de spectacle (il faudrait repérer sur le programme et se faire ainsi, gratuitement et au calme, un festival à partir des meilleurs moments du passé.)
Là c'était le Richard III d'après Shakespeare de Peter Verheist, mis en scène aux Carmes, par Ludovic Lagarde en 2007 dont j'avais gardé un bon souvenir avec quelques réserves (fatigue si je me souviens bien, et un peu de complaisance, mais il faudrait que je me relise, là j'ai trouvé ça beau)
mais j'ai eu soudain une grand envie de m'allonger sur mon lit.. 
M'en suis allée, trouvant maintenant la chaleur et la foule un rien trop, en passant par Carrefour pour des yaourts après longue attente devant la caisse dans la clim...
Dernières centaines de mètres négociées aussi fermement et sourire aux lèvres que possible, douche, chemise large jambes nues, arrosage, cuisson patates et morue, une petite heure lovée sur lit 
et départ vers le très proche théâtre du Petit Louvre, dans la salle des templiers (une clim que je fuis d'ordinaire mais qui à 20 heures 40 a perdu de son agressivité, et l'attente en compagnie des serveurs qui viennent transmettre les commandes, et prendre les assiettes attendues)
Sans très bien savoir de quoi il s'agissait j'avais flashé sur une affiche d'un spectacle TransFabbrica  à cause de ces noms Pasolini, Nono, Ligetti, Berio et j'avais levé la tête comme une jument qui rentre à la maison – j'ai pris en partant vers Calvet vendredi soir un billet, et ce fut une belle chose
Une vidéo où Christine Dormoy parle de l'élaboration de son spectacle.
et en fait parle, bien, très bien, du théâtre.
Et j'en sors, heureuse d'avoir baigné dans un monde perdu que j'aime, un peu triste car comment en parler, les lucioles que Pasolini voyait s'éteindre devant le confort mais aussi l'uniformisation, la fin des valeurs, la vilenie, l'argent et la laideur étant si éteintes que le souvenir, le langage, en sont perdus.
Réinventer les lucioles
1960, Pier Paolo Pasolini s’inquiète de la disparition des lucioles…. 1963, Ligeti voit son poème symphonique pour 100 métronomes interdit… 1964, Luigi Nono crée à la Biennale de Venise sa Fabricca Illuminata interdite par la RAI….1974, Berio compose un réjouissant kaléidospcope musical et philosophique…
Ces quatre artistes visionnaires, inventeurs de formes, se retrouvent réunis par la Cie Le Grain, pour une « Transfabricca » où se mêlent voix lyrique, danse, théâtre, images. Un voyage au cœur de la mémoire pour faire dialoguer les œuvres en toute beauté.
L’émotion alterne entre empathie et nostalgie : le travail et les cadences infernales qu’impriment au corps, sous le bleu de travail, les rythmes de production. Restent dans l’espace, la présence du danseur, les métronomes muets, deux violons, les paroles de Pasolini… et vous, spectateurs. TransFabbrica est un poème dédié à la matière du temps.
Je le lis maintenant, et j'abandonne ma recherche des mots, parce que c'est cela, et un peu plus que cela, parce qu'on est immergé par moment dans les usines encore en activité, leur bruit où se niche la voix de la chanteuse, ou dans les images d'usines mortes, parce qu'il y a le mur de petites photos sépias des travailleurs aux visages nus, parce que c'est triste, joyeux et malicieux
parce que c'est un langage musical dans lequel j'ai eu la chance de rentrer, un peu tardivement, vers les années 70, et où me suis sentie chez moi, attentive, d'emblée, mais qu'il faut que l'étincelle prenne, 
parce que c'était un temps où nous avions l'illusion qu'il y avait quelque chose à préserver
parce que la fin du travail, parce que la fin de la poésie populaire
parce que les bribes des écrits corsaires de Pasolini, du manifeste du parti communiste et de l'enfer de Dante..
parce que l'intelligence du spectacle qui est de nous mettre en condition, sans narration, parce que la voix de la chanteuse (elles sont deux en alternance, je ne sais donc quelle est celle que j'ai entendue), parce que ces musiques.
Enfin, simplement, j'aimerais que d'autres le voient en étant à même de s'y sentir bien d'emblée, joyeux (et concernés par le refus de notre barbarie actuelle)
Nous avions occupé un peu moins du tiers, je pense, de la belle salle de la chapelle,
nous sommes sortis souriants, longeant la petite foule non moins souriante qui allait voir Cyrano. 

10 commentaires:

Marie-christine Grimard a dit…

Merci pour le partage de toutes les lumières et lucioles de votre journée :-)

Brigetoun a dit…

et un immense merci pour votre soutien

Dominique Hasselmann a dit…

Un quatuor italien (Ligeti, Pasolini, Berio, Nono) que j'aurais rêvé de voir mis ensemble, en harmonie et dont vous décrivez avec exactitude la démarche artistique et politique... celle qui nous manque sans doute actuellement.

Brigetoun a dit…

en suis sortie heureuse,, et un peu en rage que cela se perde dans le tumulte

arlette a dit…

Des perles fines que tu cueilles pour un chapelet de belles journées (et relire mieux en arrivant dans la maison de la Drôme )
Merci

lanlanhue a dit…

bonheur du matin encore et de découvrir aussi les vidéos.

Hélène Aubert a dit…

Quel plaisir de s'attarder sur vos écrits-impressions et vos photos. Merci, c'est agréable, concret et poétique.

Brigetoun a dit…

vous ne pouvez pas savoir le bien que me fait cet encouragement

Gérard a dit…

Ta passion du détail est impressionnante dans ce que tu vois et écoutes...mais n’oublie pas de repasser ta chemise de nuit.

Brigetoun a dit…

:)))