J'étais donc restée au
second étage, devant les visages nous regardant depuis le mur
s'ouvrant sur la grande salle.
Sur le mur lui faisant
face, entre les fenêtres ouvrant sur les beaux platanes du cloître,
se succèdent les grandes photos, végétales, parfois mystérieuses
au premier abord, d'André Pharel.
André a passé son
enfance au bord de la Sorgue, fasciné par sa mouvance et sa
limpidité. Cette attirance en est devenue une aspiration au sens
vertigineux du terme : lorsqu’on regarde cette rivière, ses trous
d’eau, la vision périphérique est oubliée, une vision de la
profondeur surgit et l’on perd pied. C’est une vision de la
concentration, celle où le monde se condense, disparaît pour mieux
participer, car d’une manière plus intime, à ce nouvel
univers.
Les réflexions dans un jardin sont certainement nées de
cette mémoire. André y cherche un reflet – ou peut-être une
transparence- qui sera comme un trou d’eau – fragment
d'un texte d'Anne Pharel, elle-même photographe, sur leur site
commun http://www.anne-andre-pharel.com
série
le point bascule - Habité par les eaux de la Sorgue, il est
depuis toujours fasciné par la limpidité ; parce que "voir à
travers" permet l'intrication d'un monde dans un autre et
l'avènement d'un paysage poétique.
série
autres bosquets Il a appris à
s'accorder au temps pour lui obéir volontiers. Attendre une lumière
pour comprendre intensément une couleur ou jouer de son absence pour
révéler le rayonnement qui émane d'un lieu, ordonner le chaos par
le simple regard...S'effacer
Et
en bonus, si vous avez le temps (et vous préviens j'ai gardé trop de photos) pour voir la beauté du Vaucluse, et notamment de l'Isle
sur Sorgue et de ses environs, un film d'Augustin Pharel (leur fils?)
où André Pharel parle de son travail
Les
arcades ouvrent sur un espace butant sur de grands panneaux de
couleurs brouillées, alignés sur le mur d'en face, entre les
fenêtres, espace peuplé de hauts assemblages de bois, métal, fils
métalliques, cordes…
entre
les arcades donnant sur le couloir, se succèdent des interprétations
en bleu, comme des tampons encrés sur fond blanc, d'oeuvres célèbres, exposées par Fan
Cheng (Nîmes) http://dessinfancheng.blogspot.fr
La contradiction
culturelle est toujours un axe d’expression dans sa création.
Plutôt que de jouer avec les codes culturels, Cheng mène ce jeu
jusqu’au point où il se dissout dans l’absurde. Pour lui, les
contradictions culturelles sont moins une question idéologique ou un
ancrage originaire qu’un matériau artistique à emporter plus
loin, vers cette zone de dés-identification où le vide n’appartient
pas plus à telle tradition qu’à telle autre, où les sensations
se détachent de leur fardeau référentiel…
début
du texte figurant sur le programme, repris de la présentation d'une
exposition à Paris en 2014
http://www.actuart.org/2014/09/expo-solo-show-cheng-fan-poetique-extraterrestre.html
Fan
Cheng que l'on retrouve sur le mur du fond avec quatre panneaux sur
lesquels l'envahissement par de petites vagues bleues est scindé en
deux parties dont la largeur différente de l'un à l'autre crée une
ondulation, une petite musique.
En
m'approchant du premier des totems de Kech Vartan (dit le programme,
j'avoue que j'ignore lequel de ces assemblages de lettres est le
prénom), après avoir goûté le jeu des couleurs des bois,
l'équilibre dynamique, il y a eu un moment d'amusement perplexe en
lisant sur une petite plaque fixée sur la base le fardeau de la
boîte qui pense – ai interrogé mon crâne, il n'était pas
concerné…
Vartan Kech est un
géant. Il soulève, il taille, il contraint ou il accompagne de
grandes masses de bois pour en faire des sculptures. Elles se
dressent bien au dessus de nous telles ces peupliers qui nous
regardent du ciel.. dit Natasha
Caillot sur http://www.21eme.com/Vartan-Kech
(le site de l'artiste est en construction) et je m'escrimais pour les
photos – du coup j'en ai pris trop – leur hauteur parfois frêle
sortant des limites d'une photo si je voulais que soit lisible un
détail (comme ici le contraste entre la poutre verticale et les
formes adoucies, les cornes en bois suspendues, le tourbillon
métallique), alors que le regard, après une saisie rapide de
l'ensemble, circule de plaque en forme, en fil, pendant que l'on
tourne autour pour voir l'aspect de l'oeuvre se métamorphoser.
Et
puis, parfois, après contemplation, jeu des yeux sur et autour de ce
qui était là, ai cédé au plaisir du titre, ici, sobrement, d'un
épanouissement…
quand les pensées
s'envolent qui nargue le grand
panneau d'Emilie Picard
et,
très séduisante mais presque impossible à capter avec ces deux
grandes planches verticales laissant un espace étroit où circulent
les formes allusives, la veuve inconsolable.
Vartan Kech est un
poète. Il caresse, il assemble, il compose avec du bois, du
grillage, du métal, du tissu, des crânes, des photos, de la ficelle
et des tas d’autres choses encore, de fortes et élégantes
sculptures.. (Natasha Caillot)
Rupture 3 et son beau turban
le banquet de la Feria
et
pour finir, contre le mur du fond, à qui profite la récompense.
Restaient
les grands tableaux d'Emilie Picard (Marseille) qui a déjà
participé, ne sais plus quelle année, au Parcours de l'art avec des
tableaux fluides qui m'avaient laissée assez froide. Là, je
l'avoue, avec cette série De barbarie, l'impression était même désagréable.. jusqu'à ce que,
en me plantant devant eux, en laissant les yeux glisser sur les
virgules de couleur j'ai ressenti la vibration de l'air de nos étés.
(détail)
Pour
ne pas en rester à mon regard, avec sa subjectivité, pouvez trouver
son oeuvre sur http://www.emiliepicard.com/DL/
… Refusant la
nostalgie nocturne l’artiste se fait sudiste chevillée à la
passion de la vie. Même lorsque les visages semblent très pâles
demeurent en eux l’ultime lueur de vie. Plus largement le regard
retient avant tout la voracité des couleurs. Elles habitent
l’épaisseur des paysages, elles créent la lumière : si bien
qu’un poisson devient l’île du visible. Il n’a plus besoin de
frémir : il est secoué de clarté et impose une évidence heureuse
en participant à une splendeur du quotidien. A travers l’âme de
la toile – comparable soudain à celle d’un violon – se
transmet la pulsion du corps et ses émotions. La plasticienne est
entièrement dans sa peinture. Elle y imprime jusqu’à ses
contradictions. Partant de la couleur elle fait naître ses visions
du corps et du « paysage ». Elle en tente peut-être l’unité en
transcendant l’inquiétude qu’elle efface le plus possible de ses
oeuvres. Une émotion indicible surgit par tout le « désordre »
dont l’artiste anime ses constructions... passage
de Carnations d'Emilie Picard, texte de Jean-Paul Gavard Perret.
Sur
ce m'en suis allée, laissant le cloître et le jeu des ombres des
platanes sur ses pierres.
Aujourd'hui
cire, nettoyage des faïences et de l'argenterie, visite éclair du
propriétaire annonçant un programme de travaux en forte diminution
dans la cour, pour je ne sais quand, mettre jupe laine, manteau et
bottes et monter à l'opéra pour le premier concert symphonique de
la saison.
6 commentaires:
çà vaut le coup de rester cloîtrée
Merci pour toute cette richesse d'émotion jusqu'à la dernière photo !
Et aussi pour alléger quelques instants le "fardeau de ma boîte qui pense"... Avec vos partages !
la galerie est belle et la Sorgue y déroule son cours sous le regard lointain de René Char...
il m'arrive, furtivement, de regretter de ne pas conduire et de n'avoir pas de voiture… et donc de ne pas profiter des beautés du coin
Je connais, le fait de ne plus conduire est un vrai handicap, mais il faut bien assumer ses choix. Il faut reconnaître qu'Avignon offre de belles opportunités et notamment l'espace Saint Louis.
Un régal cette errance entre la fluidité des images et les assemblages improbables ,la pensée se fixe selon l'humeur du jour Merci d'être impartiale
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