Noël un de ces jours où
les rues se font désertes, si ce n'est les familles en marche ou
voiture vers des ancêtres, un de ces jours où on se consacre à soi
et aux siens, où les mots se font rares après le torrent des
retrouvailles.. un peu de langueur, une dérive douce (sauf parfois,
familles étant ainsi, des petites éruptions sur lesquelles jeter
vite sable et mots colmatant)
contacts rapides mais
chaleureux avec famiglia, un peu de musique, trois Charlot sur Arte (étonnement heureux, dans un cas - les autres déjà vu ou un tantinet trop méchant -, de la fraîcheur et sincérité de mes rires),
et le plaisir de prendre en mes mains le livre dont j'avais décidé
qu'il était mon petit cadeau pour ce jour, le Cheval de
Claude Simon, aux éditions du Chemin de fer
http://www.chemindefer.org/catalogue/styled-83/le-cheval.html
plaisir de l'objet, du format, de l'épaisseur du papier, de
l'élégance..
et plaisir bien sûr, attendu, mais plus aigu, plus entier que le pensais du texte, plaisir de retrouver, autrement, l'un des thèmes de Simon, plaisir de la construction, plaisir de ces longs mouvements qui se combinent (et, entre autres, dans la première partie, l'avance du régiment de cavaliers fourbus dans la nuit, la façon dont s'invite, et se coule dans le texte, la dérive du cavalier exténué, trempé, le Sixième Brandebourgeois de Bach cette espèce d'explosion baroque, nasillarde, cette chose caustique où de gras barons allemands à perruque... ceux qui sont devenus l'armée d'Hitler... exemple pris parce que c'est l'un des premiers, mais tant de choses à dire il y aurait sur ces 55 pages, comme un peu plus loin la vision furtive de ce corps de femme argile blanche modelée au sein de la nuit, comme les soldats paysans arrachés à leur terre, la mort du cheval, la pluie, la tragédie classique revécue dans cette campagne isolée, détrempée..), plaisir des dialogues ironiques comme celui cité sur le site de l'éditeur, dialogues qui ponctuent, dialogues où les deux soldats mettent sur la réalité dans laquelle sont plongés ce qu'ils peuvent d'esprit, de vivacité, comme une antidote... etc... plaisir aussi, ensuite, de la postface de Mireille Caille-Gruber, plaisir que je vous souhaite
Et
puis, comme j'ai vu chez Christine Simon
http://www.christinesimon.fr/spip.php?page=rive-jour
sa contribution au premier exercice de l'atelier d'hiver de François
Bon sur le tiers livre ne pas mentionner l'oiseau
http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article4288,
comme j'aime bien, ou j'aime tout court, cela dépend, les quatre +
une (la mienne) contributions qu'il a trouvé le temps, entre
déplacements, rencontres, écriture, etc.. de mettre en ligne (celle
de Christine le sera prochainement), comme mon truc, lu ainsi à
distance, me semble un petit moins «boff..» que le pensais :
Le mouvement du bus qui
souplement s'engage sur le pont – les yeux dans la vitre, freinant
un peu pour s'appuyer sur un bras ouvert du palais Mazarin, le dôme,
et voir s'ouvrir lentement le premier bras du fleuve, effleurer
l'étagement de l'île et suivre le déploiement, le refermement du
second des bras qui l'enserrent, s'y attarder jusqu'à tourner
légèrement la tête, pour, avant le haut des arbres, la traversée
rapide de la voie, le petit tunnel des guichets, l'entrée dans
l'espace du Louvre, conserver un trop bref instant la vue sur cette
pointe fendant l'eau.
Cette vue - rituel arrêt
plus ou moins marqué suivant l'urgence de la journée - depuis la
petite avancée au dessus du flot de voitures sur les quais en
contrebas, à l'angle du pont, la vue qui, par delà les années
superposées, la longue habitude, garde son pouvoir d'émotion
familière, le museau au ras de l'eau d'un gris froissé teinté de
bleu, la pierre du quai, le pont, le jeu un peu effacé des couleurs
des briques et de la pierre, les grands toits et, au-dessus ce ciel
transparent, l'air humide qui se coule entre les pierres des
immeubles, les branches des arbres, leur donne leur volume, ce ciel
dont on garde une petite nostalgie parfois devant la splendeur
violente du bleu saturé sur laquelle viennent buter les pierres dans
le sud.
Ce
triangle de pierre fendant l'eau recherché et retrouvé sur un
détail du plan de Mérian, improbable vision en blanc, beige, bleu,
avec de petits accents rouges, surplombant l'île et le pont comme un
oiseau planant au dessus de la ville, et, au rebours, dressant les
constructions au dessus de la page, donnant aux immeubles bornant la
place Dauphine une hauteur un peu irréelle, irréalité qui se
transmet au cavalier de bronze caracolant en biais comme aux barques
devenues insectes posés sur l'image du fleuve, au fleuve qui caresse
l'arrondi central du pont sans aucune trace de la petite pointe de
terre.
Devriez aller
lire «je n'ai pas pu ne pas
mentionner l'oiseau» la tentative avortée de Christine
Jeanney, elle vaut largement mon presque aboutissement
http://christinejeanney.net/spip.php?article1183
9 commentaires:
Merci pour cette respiration...."
"sans petites irruptions en famille sur les quelles jeter du sable pour colmater!!!" j'adore en sourires douloureux
Et mon P.C qui ne veut plus rien savoir CRRRRRRRRR
"le torrent des retrouvailles" : oui !
j'étais très douée pour les éruptions ! les leur évite maintenant
belles lectures...
Il paraît que c'est cela la famille...
Dominique, y compris le premier texte sur tiers livre (sourire)
Arlette, oui su elle est vraiment vivante et soudée, y a toujours des petits drames
éruptions méridionales qui souvent se calment très vite!
Tu ne te refuses rien, un cheval pour Noël
malheureusement il est mort avant le soir
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