ou ni l'Isle-sur-Sorgue ni
Palestine,
parce que vendredi le ciel
était radieux, parce que samedi matin l'air semblait légèrement
plus clément, parce qu'avais reçu il y a un certain temps un avis
du MRAP signalant l'organisation, avec Présences Palestinienne et
d'autres organisations, d'une belle semaine palestinienne à
l'Isle sur Sorgue
http://www.oti-delasorgue.fr/bouger/animations/lagenda-du-mois/839212-la-belle-semaine-palestine
comprenant une ou des soirées, un film, hors de portée pour la
petite vieille sans voiture, mais aussi une exposition de jeunes
photographes palestiniens, comme Tania Habjouqa
http://untitledmag.fr/?p=11763,
qui se tient, pendant la première moitié de la manifestation dans
un bâtiment restauré sur la place de la collégiale, et que ma foi,
beau temps, cause, quotidienneté dans les territoires occupés, avec
les petites joies et l'ordinaire des jours, et le charme de l'Isle,
j'avais grande envie de m'y rendre.
Ai
commencé par me cogner méchamment (sans gravité autre que petite
gêne) le pied, par rester perplexe devant les horaires de train et
de bus, par l'idée tout de même que ce n'était pas l'époque
idéale pour flâner très longtemps de rue en sorgue... mais j'ai
décidé de prendre un train qui, compte tenu du trajet depuis la
gare, m'amenais environ une demi-heure après le début du vernissage
(certaine que l'horaire prévu pour celui-ci ne serait pas respecté),
d'y rester quarante minutes environ et de repartir en marchant tout
doux (sans quoi je devais tourner en rond dans la ville deux heures
de plus... alors qu'elle n'a tout de même pas en cette saison son
aspect le plus charmant)
m'en
suis donc allée, un peu déçue par l'aspect du ciel, un peu
réconfortée par de grandes surfaces bleues, claudiquant un peu,
envie s'effritant légèrement, ce que ne voulais savoir..
ai
pris mon billet, étais en avance, me suis installée avec mon kobo.. on a annoncé qu'il y avait quelques difficultés pour positionner
mon train le long du quai, ce qui m'a semblé un rien baroque, et
surtout qu'il y aurait un quart d'heure de retard.
Calcul
rapide du temps qui me resterait, et brusque décision : abandonne.
Suis
revenue légère, boitillant un peu moins (ce soir plus du tout),
souriant aux tranches napolitaines du ciel derrière les branches, me
suis fait un bon gros plat de pâtes au lieu de sauter le déjeuner,
accordé tout cool une petite sieste,
ai
jeté mes billets (à vrai dire j'aurais pu y aller dans
l'après-midi, mais l'élan était tombé) et j'ai pris l'anthologie
de la poésie contemporaine palestinienne (poèmes choisis et
traduits par Addelatif Laabi) publiée pas la Maison de la poésie
Rhône-Alpes - le temps des cerises, retrouvant ou découvrant une
quarantaine de poèmes, pour trouver des notations du simple bonheur
de vivre, en ai trouvé surtout, avec toujours une petite note finale
sur la perte, les soldats, la douleur, ou la peine murmurée, chez
ceux, les plus nombreux, qui résident à Amann, au Caire, Damas,
Londres etc... en avais retenu plusieurs résidant ou ayant résidé
jusqu'à leur mort en Palestine, et puis finalement il y a le long
poème l'assassinat de Awwad al-Amarah originaire de Kofr
Kanna de Tawfiq Zayyad, qui fut
maire de Nazareth et député à la Knesseth et dont je prélève une
section, vers le centre
«Première
voix
Awwad al-Amarah
revenait
de son champ de blé et
de betteraves
Ses paumes étaient
tièdes, sa poitrine nue
ses cheveux noirs,
poussiéreux
Il avait été
préoccupé toute la journée
car la terre avait soif
de pluie
Il était en retard
Le soleil qui avait
décliné vers le couchant
s'était refroidi
l'aile du vent était
humide
Il s'est écrié à
plein gosier
Awwad, ô Awwad !
L'horizon est pluvieux !
Puis il s'est mis à se
frotter les mains de joie
à humer l'air et les
nuages voyageurs
Deuxième
voix
Awwad al-Amarah
traversait
la route asphaltée en
rêvant
Je vêtirai ma petite
fille la saison prochaine
je règlerai toutes mes
dettes
j'achèterai à la mère
de mes enfants une ceinture
une fiole de khôl, des
bracelets, un châle
et pour moi une keffiah
et une cordelette en poils de chèvre
Toisième
voix
Mais tous tes rêves, ô
Awwad
se sont évanouis,
l'espace d'un instant
Ton rêve innoncent
et ta profonde bonté
ne t'ont été d'aucun
secours
Trois balles
tirées des aires
ont fondu sur toi tel
l'éclair....
Oh, et
puis tant pis, cela encore, le premier paragraphe de Sur cette
terre de Mahmoud Darwich
Sur cette terre, il y a
ce qui mérite vie : l'incertitude d'avril, l'odeur du pain à
l'aube, les opinions d'une femme sur les hommes, les écrits
d'Eschyle, les prémices de l'amour, l'herbe sur les pierres, les
mères se tenant debout sur un filet de flûte, et la peur que les
souvenirs inspirent aux conquérants.
12 commentaires:
L'idée de la chose et y renoncer ..c'est déjà l'avoir presque vue
Bon Jour à toi
pas loin mais pas si commode d'accès l'Isle
Sans remords comme il faut suivre sa pente : sans trébucher pour parvenir au bout du quai.
Merci pour ce poème émouvant, pour la tranche napolitaine céleste et l'évocation de la Sorgues, lieu où l'eau jaillit du gouffre et de la nuit, où j'ai de beaux souvenirs.
Bon dimanche à vous !
Il me semble qu'il ne s'agit pas d'un acte gratuit (vous avez payé les billets) mais d'un acte manqué : vous préfériez rester chez vous, tranquillement, plutôt que de faire tous ces trajets alors que vous aviez sous la main la poésie qu'il vous fallait...
Pierre suis restée au milieu du quai
Marie-Christine, à l'Isle la Sorgue ne sort plus, elle se ramifie et enserre la ville
Dominique, bien vu (quant au coût l'était pas bien grand)
Vous avez bien fait de renoncer... Une toute petite quinzaine de tirages de petits formats de belles images mais peu à voir...
il y avait le geste..
Acte gratuit ? souvent irrémédiable
pour le vernissage il le fut
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