On dirait qu'au réveil le
gris se serait dissipé, que de ravissants nuages nageraient dans un
espace bleu au dessus du jardin, perdant lentement leur maquillage
rose du petit matin.
On dirait qu'à l'heure
paresseuse du petit déjeuner, quand les machines intérieures se
mettent en place, une discussion aboutirait à la décision de la
visite d'une exposition dans la grande villa pacha, après un
déjeuner dans une brasserie au dessus d'une plage, de l'autre côté
de la rade. On dirait qu'une jeune femme déciderait de faire la
traversée en bateau avec l'enfantelet pour la joie de celui-ci et
qu'une petite vieille en retrait serein, yeux caressant des branches
de mimosa pendant qu'elle tentait de venir à bout d'une bouchée –
l'était trop grosse mais il fallait éviter de laisser tomber la
petite colline de merveilleuse confiture d'orange glissant sur le
pain – se dépêcherait d'avaler et d'une voix étranglée demanderait
la permission de les accompagner, l'avait jamais en tant d'années eu
ce plaisir, ne connaissait que les bateaux pour les îles d'or et de
tout son corps avait envie de sentir une coque sous elle.
Pendant que de fins nuages
gris se superposaient, circulaient entre les zones de ciel libre,
sont montés dans une voiture, sont sortis du parking devant les
maisons de la basse ville, ont effleuré les étals du Cours
Lafayette,
et, les joues légèrement
frappées par un reste de vent, ont fait quelques pas sur le quai
jusqu'à l’embarcadère des navettes, se sont installés à
l'extérieur, à la poupe, ont regardé les gens qui montaient comme
on monte dans un bus pour rejoindre leur travail ou leur maison, ont
bien fermé le blouson de l'enfantelet, non pardon le petit garçon,
et noué son écharpe.
Il y a eu une petite main
qui recherchait la main maternelle quand des trépidations ont secoué
le plancher, le banc, les corps et puis un petit rire de ravissement.
Il y a eu un salut aux grues (encore un amoureux de ces flèches
colorées) et puis la mer frissonnante, la côte qui changeait de
forme, dévoilant les bateaux gris, l'adieu à la Tour Royale,
les jetées, les petits
ports, les visages baignés d'air iodé, les narines qui palpitaient,
le sillage, le moment où le Coudon est apparu (là c'est la petite
vieille qui a salué rituellement sa première idée de montagne)
le fort Balaguier, la
beauté de la rade, la plus belle - non pas du monde puisqu'il y a
Rio et oui c'est vrai Halong – mais ce sont des baies – la plus
belle donc, c'est décidé, d'Europe.
Il y a eu les parcs à
huitres, les grandes villas aux styles hétéroclites parsemées sur
les collines boisées et l'arrêt à Tamaris,
et puis, un peu plus loin,
le terminus, les Sablettes, à côté d'un chantier à demi
abandonné.
Ils sont descendus, ont
été attirés par des chapiteaux, sont restés accrochés aux
barreaux sans pouvoir réveiller ce qui est une école du cirque...
et je les laisse là.
8 commentaires:
que c'est beau ! belle journée à vous
oh merci ! à vous également
Merci pour cette bouffée d'air marin !
Beau samedi à vous.
J'aime tant voir mon quotidien par tes yeux... et tes mots aussi charmants que " l'enfantelet"
ça bat quand même la navette entre ma rive et la Bathelasse !
la plus belle d'Europe ? j'en reste bouche "bée"
tu ne savais pas que
qui se lève de Toulon se lève de la raison ?
J'affirme !!
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