Un billet que j'ai hésité
à continuer
Parce que, malgré le ciel
bleu inattendu que nous offrait ce matin un petit coup de balai trop
frais, mon humeur était au retrait, et que m'est venue l'envie d'un
dépaysement, d'un trajet immobile en très bonne compagnie,
et que j'ai entrepris de
suivre, à travers les mots de Francis Royo, leur force d'évocation
et leur élégance, les étapes du Tokaïdo
http://analogos.fr/spip.php?page=rubriquechrono&id_rubrique=14
depuis le départ d'Edo, du pont sur le Nihonbashi (pont Nihonbashi à l'aube –
Hiroshige via Wikipedia)
A l’aube
sur le Nihonbashi
le silence s’accorde
à la grammaire des
saisons
aucun pas
n’asséchera le
fleuve
qui visite
les tombes
et le vent
tendrement
emporte le parfum
de nos cérémonies
(Sesshu – 15ème siècle)
à Fujisawa (6ème relais)
du temple Yugyôji
l’œil mi-clos du
moine Ippen
cueille
aux pentes profondes
vers la mer
toutes nos larmes
au vent
tombées
pluie secrète
midi d’aveugles
toute la lumière est
passée
par
le
torii
ai délaissé un moment la
route pour sortir dans Avignon
en rentrant ai vaqué un
peu en écoutant France Musique, jusqu'au choc éprouvé en
entendant, avec retard, que l'horreur avait frappé Bruxelles, et en
cuisinant – oreilles pendues à France Info -, en déjeunant, me
disais que devais abandonner mon idée de parler de cette route à
travers les poèmes du montois Francis Royo, de peur de
l'instrumentaliser...
et puis finalement,
gardant en tête la douleur des belges, ai repris, avec des arrêts
pensifs ou des retours à l'actualité, le chemin (découverte de
cette possibilité que donne le site de le suivre dans l'ordre des
relais ce que je vous souhaite) de rivière en pinèdes à
l’avancée virile, en montagnes, vague rocheuse, et
bords de mer, rizières froides de Hamamatsu ou respiration
du fleuve bleu, sous la lumière et dans le vent, la brume (à
ne plus marcher prier
qu’aveuglés de fantômes), de chants
de grives à l'écho des gongs, le chant qui nous porte encore,
la musique des voiles, le chant perdu du shimazen, en passant
devant la pierre qui pleure la nuit, du goût de l'eau fraiche en
dose suffisante d'opium, vapeur du thé ou gâteaux de Futakawa
(gravure d'après Hokusaï)
et puis ai quitté un peu à regret cette
compagnie que j'aimais tant (et mes incursions sur les life), pour me préparer à aller entendre, en
attente distante, un opéra que n'aurais sans doute pas choisi s'il
n'avait été programmé ce soir (et ce sentiment d'irréalité, ce désir aussi de beauté, m'a fait trouver un certain charme à la gentille musique de Lakmé - avec une très jeune et belle interprète), quand suis arrivée à Akazaka
le parfum sous le
palmier
entêtant velouté
de l’opium
aux bains mêlé à
l’indigo des soies
tsutsugaki
à peine soulevé de
vent
caresse
nuit tombée portes
ouvertes
les peaux fortes
reposées
Akasaka tranquille
où les pas suspendus
des geishas lentement
oeuvrent soleil intact
au mouvement des ailes
oiseaux purs
paupières déjà
sur le chemin
7 commentaires:
c'est bien de nous rappeler à Royo merci
J'ai pensé aussi tout de suite à Francis Royo.
moi j'ai failli jeter mon billet parce que c'était avant que je pensais à lui et que j'ai pensé que je risquais un peu de l'instrumentaliser là.. et puis tant pis, j'avais vraiment relu tous ses billets sur le tokaïdo et c'était l'axe de ma journée jusqu'à ce que les ….. viennent nous heurter
Survivre à l'horreur en partageant la beauté des mots... Merci à vous et à Francis !
La beauté doit être plus forte que l'horreur.
Un billet pour continuer la route. Toutes les routes ne mènent-elles pas à Brussels ce jour ?
je m'étais un peu trompée, pour ma grande chance, le matin, j'allais vers Mons en passant par les relais du tokaïdo,, pensais vraiment pas arriver à Bruxelles
Les chemins se la poésie rejoignent la réalité plus encore
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