Le deuxième jour officiel
du printemps, en jetant la moisson de papiers et journaux de la
semaine dans le container sous les remparts, m'est venue l'envie
d'aller voir le Rhône.
Le deuxième jour officiel
du printemps, le ciel était d'un bleu liquide, entre des jours
humides et nuageux qui avaient suffi à me rendre nostalgique de la
force de la lumière, l'air se dégourdissait, se faisait tendre,
juste un peu fouetté par une brise mignonne qui m'a rosi les joues,
passés les remparts, qui m'a fait croire que je reprenais vie, et
sur les murs les petites touffes de verdure se faisaient fleurs.
Le deuxième jour officiel
du printemps, Philippe Aigrain avait posté sur tweeter, en réaction
aux poètes Tang, un petit quatrain de saison
pollen
irritant
printemps de
contrastes
assailli de
doutes
et pourtant
en joie
et, pendant que
j'avançais entre rempart et une des voies, pendant que je saluais
avec ferveur les platanes survivants, je sentais le sourire qui
s'était instinctivement installé sur mes lèvres faire son chemin
en moi, repousser en douceur mes pensées mauvaises et stupides qui
me font honte, en arriver à tous ceux qui survivent dans l'horreur
quotidienne, dans des camps, en chemin, travaillant, vaquant à leurs
affaires minimales, s'aimant ou non, sous la domination de Daech,
face aux préposés des diverses administrations, qu'ils soient
bienveillants ou non, dans les favelas et les bidonvilles épars dans
le monde, sous un pont de Manille, dans une fabrique croulante, et
j'espérais qu'un rayon de soleil, une fleur dans des pierres, un
sourire leur donne une bouffée de plaisir fugace.
Le Rhône était
là, plus loin, se prélassant, mais m'intéressaient d'avantage les
petites fleurs, leur façon de pointer dans l'herbe drue ou naissante
du grand terre plein entre les bretelles, vides de voitures à cette
heure là, leurs taches de couleurs, blanches, roses ou bleues,
faisant cercle ou jetées en petites traînes, avec le surgissement
d'un jaune, leur gentillesse, leur minuscule perfection, leur
fraîcheur.
Et puis bien
sûr il y avait le fleuve, qui coulait, gonflé et calme, sous la
lumière, indifférent, pendant que je me battais avec mon appareil
qui avait ses propres idées.
Le fleuve et le
pont, le pont et les touristes, qu'ils soient les bienvenus.. et un
garçon qui, sous la chapelle, me photographiait ne le photographiant
pas... le fleuve et ses herbes d'un roux sale en grandes franges le
long de la rive, la moirure de l'eau, le vert glauque et les bleus,
la caresse frisée de la lumière.
Au moment où
me suis retournée, où j'ai traversé pour rejoindre la porte de
l'Oulle, où j'ai voulu photographier le bonhomme qui s'en allait sur
sa grosse tondeuse vers les petites fleurs... mon appareil s'est
coincé, l'ai enfoncé dans mon sac, ai suivi la rue du Limas jusqu'à
l'antre, ai voulu tancer l'objet.. mais ce n'était plus la peine.
Et avec les
images ramenées et ma maladresse, peu à peu, dans l'après midi, ai
bricolé une vidéo (j'y prends goût à défaut de progresser)
4 commentaires:
Une ville sans fleuve peut-elle vraiment respirer ?
Heureusement, le printemps est partout !
(Bravo pour la vidéo !)
là je vous trouve d'une indulgence presque coupable (dont je vous remercie)
Ta "maladresse" est ma foi bien réussie Bravo , serai incapable , car déjà ma voix pointue ne correspond pas à mes images
Aime les petites fleurs d'espoirs vaillantes et parfaites
[j'y prend goût aussi
tout à la ressemblance
du texte lui même]
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