matin sur mes pas
dans les rues de la ville
le ciel hésitait
achat chaussettes
légèrement augmenté
le ciel acquiesce
et cherchant une idée de
portrait pour les cosaques des frontières
http://lescosaquesdesfrontieres.com
(freinée par le sentiment que n'ai plus place parmi eux, sont trop
beaux et talentueux) j'en recopie un ancien
Le taiseux
Il était
taiseux.
Il était fort
et calme. Il était décidé et sage. Et taiseux.
Il travaillait
dur. Avait un lopin, pas très bon, le lopin, autour de sa maison, et
puis des terres en fermage, assez riches les terres, à quelques
kilomètres du village.
Il travaillait
dur, l'était honnête, d'une honnêteté raide, les propriétaires
l'appréciaient.
Mais vrai, il
était taiseux. Quand il venait un peu avant la tombée de la nuit au
café, parce qu'on ne peut pas toujours être seul, et puis s'il
avait quelqu'un à rencontrer c'était là, il avait visage ouvert,
mais sans sourire, il saluait et puis il se taisait.
Pourtant il
avait belle voix, de baryton, et d'ailleurs il faisait partie du
groupe qui représentait le village dans les rencontres/concours de
chants.
Mais là, au
café, il se taisait, et les autres aussi d'ailleurs se taisaient un
moment quand il arrivait, ou changeaient de conversation, pour peu
qu'il s'agisse de politique, parce qu'on ne savait pas.. il n'était
pas clair, on se souvenait seulement que son père, lui, était
grande gueule, et qu'il était rouge.
Lui, on ne
savait pas - peut-être lui non plus d'ailleurs. Ou du moins, pendant
longtemps on n'avait pas su.
Seulement comme
le pays, le vieux pays, traversait une de ses périodes de maladie,
et comme des élections que les journaux disaient importantes se
profilaient, les conversations du café s'aigrissaient et c'étaient
les grandes gueules, plus du tout rouges de nos jours les grandes
gueules, qui dominaient, qui tempêtaient, qui disaient le peuple, en
parlant d'eux et de leur clique, qui voulaient revenir à des temps
anciens qui n'avaient plus existé depuis plusieurs siècles, s'ils
avaient existé, et qui refusaient tout ce qui était étranger au
continent, au pays, à la vallée.. Les autres baissaient la tête,
se taisaient, peu à peu, ou cessaient de venir, ou commandaient
rapidement un verre à la patronne, posaient quelques questions sur
le déroulement des cultures, les dernières nouvelles du canton et
allaient s'asseoir, et la clique était de moins en moins clique,
devenait majorité apparente.
Un jour le
Vincent, le chef des grandes gueules, a fait venir des penseurs, ou
prétendus tels, et un notable du parti qui représentait leurs
idées, et trônant, dos au comptoir, un grand échalas bien mis a
commencé à haranguer les buveurs ou ceux qui traînaient là. Lui,
il est arrivé à ce moment, il a hésité un peu et puis il est
entré et a pris à part un vieux dont les terres étaient voisines
de celles qu'il travaillait parce qu'il était venu pour ça, avaient
à se concerter... Après la harangue la discussion est devenue
générale, le vieux s'y est mêlé, un peu, au début, pour donner
son accord, et puis s'est tu, a grommelé, écoeuré. Lui, le
taiseux, il écoutait, de plus en plus droit, de plus en plus raide,
et puis il a jeté une phrase de refus, de dégoût, de colère
ironique, qui a faut gronder les membres de la clique, qui lui a
attiré quelques mots de mépris de l'orateur, suivis de rires.
Alors il est
resté là, blanc, immobile, la bouche un peu ouverte, et au bout de
ses bras crispés, ses poings, ou plutôt son poing droit, l'autre
main se cramponnant à une des colonnes de bois qui partageaient la
salle, son poing droit étaient si serré qu'il semblait une pierre,
une pierre à jeter. Le vieux, et un autre, un de ceux qui se
taisaient l'ont pris silencieusement par les bras, l'ont entraîné
dehors, et un certain nombre des hommes qui étaient là les ont
suivis.
Les élections
sont arrivées avant que le village se déchire, ouvertement, et les
grandes gueules ont perdu. Mais on ne le regardait plus tout à fait
de la même façon, le taiseux.
Les hommes du
moins ne le regardaient plus tout à fait de la même façon, parce
que les femmes, elles, ou la plupart des femmes, ouvertement ou à la
dérobée, ou comme ça, en passant, inconsciemment, le regardaient
plutôt d'un bon oeil depuis longtemps ce gars, parce qu'il était
grand, solide, et plutôt beau. Tellement que la fille du plus gros
propriétaire qui revenait au village pendant les vacances, qu'était
jolie la fille, un peu dédaigneuse, un peu fière, mais jolie et
riche et que toutes les mères guignaient discrètement pour leurs
fils, lui a souri le soir du bal du Saint patron, et l'a plus ou
moins forcé à l'inviter à danser, qu'on les a vu marcher sur les
chemins, qu'il a pris un air avenant, le gars, qu'il souriait
presque, même quand elle n'était pas là, que les commères les
regarder passer avec des airs entendus, désapprobateurs ou
maternels, c'était selon.
Les vacances
finies elle est repartie à la ville - elle était étudiante on ne
savait trop en quoi, sauf que c'était bien, pour un bon métier, et
qui demandait intelligence et travail - le facteur s'est mis à
passer chez le gars pour lui remettre des lettres, tous les trois
jours, puis un peu moins souvent, et un jour le père, le gros
propriétaire, un soir où le café était plein, ou presque, a
offert une tournée, tout heureux qu'il était d'annoncer les
fiançailles de sa fille.
Le gars était
là, il a félicité l'autre en l'appelant Monsieur, il a pris son
verre, il a bu, oh moins qu'une gorgée, et puis il est parti. Et en
marchant la main gauche massait son poing droit, serré à s'en faire
mal.
Les années ont
passé, le gars est resté seul, comme beaucoup d'autres, il était
toujours taiseux, mais maintenant il s'était pris de passion pour
les livres, il s'en faisait envoyer de temps en temps, il dînait une
fois par semaine, parfois plus, chez l'instituteur, et ces soirs là
les volets laissaient passer de la lumière jusque tard dans la nuit.
Il chantait toujours avec le groupe, et quand une fête auxquels ils
participaient dégénérait ses poings entraient dans la bagarre,
presque distraitement et efficacement.
Le patron du
café a perdu sa femme, il a ramené de la ville, ou on ne sait d'où,
une fille, une toute jeune, un peu sauvage, une bohémienne comme on
disait, pour l'aider. Elle était travailleuse, rapide, souriant
légèrement aux vieux, un peu craintive avec les jeunes, leurs yeux
insolents et leurs réflexions. Le gars regardait, avec peut-être un
soupçon de douceur quand elle le servait, et puis un jour où un
gommeux, un vacancier, le neveu d'un riche du village, pas un d'ici
ou pas vraiment, était un peu entreprenant, il s'est levé, le
taiseux, et d'un coup de son poing droit il l'a fait tomber de sa
chaise.
On les a
mariés, et il était tout sourire le taiseux, parlait pas beaucoup
plus, du moins en public - chez eux on ne savait pas - mais il
souriait, souvent.
Pas toujours
parce qu'il était en colère, une colère sourde qui lui était
venue peu à peu, avec l'âge, parce qu'il avait beau travailler de
plus en plus dur, il ne s'en sortait pas, et qu'avec l'âge. Mais
quand la colère le prenait, quand il était trop crispé, quand son
poing droit se refermait, si elle était là, elle le saisissait dans
ses deux mains et le caressait jusqu'à ce que la main se déplie.
La suite de
leur vie, je ne la connais pas, elle a dû être ordinaire, comme
celle des parents et des grands parents... j'espère qu'ils ont eu un
ou deux enfants pour aller avec son sourire à elle.
À partir d'une
oeuvre de Xavier Spatafora (et d'une photo)
12 commentaires:
Sentiment partagé pour les cosaques...
Merci pour les couleurs et cette reprise cependant !
vous y trouve à votre place pourtant
en fait luttons contre ce sentiment d'anciens voyant venir de trop brillants nouveaux (sommes trop accoutumés au petit cercle - sourire)
chaque Cosaque est indispensable aux autres car chacun a une personnalité , sinon à quoi bon écrire..
la série des portraits - comme celle des ce serait- est parfaite, unique et forte.
Chaque cosaque est indispensable aux autres, je suis d'accord avec la formulation d'anna, dans le sens où la résonance des textes pousse et rénove l'écriture. Ce taiseux a quelque chose de maupassantesque, terriblement sympathique.
Magnifiques couleurs et photos.
Belle journée à vous brigitte
ma différence entre eux (et vous) et moi est que je ne suis pas un écrivain, au mieux une écrivante
Enfin ce qui compte c'est la décision de Jan (mais je crains fort que mon avis soit partagé par certains des cosaques en ce qui concerne ma présence)
Il y avait donc fort à dire sur ce "taiseux" et de belle manière...
j'avoue que l'aimais bien le taiseux et qu'une fois en place il m'a dit beaucoup de choses
j'aime bien le terme d'écrivante, sans doute plus vivant qu'écrivain, installé...
Ecrivante écrivivante...
sourire (même si pas tant ce matin)
Vrai! chacun apporte sa manière d'écrire loin de toute uniformité et cultiver sa différence est primordial
Vrai ! ce taiseux est très bavard!!!
sourire
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