Quatre jours
après leur mariage, Juan, son tendre Juan avait été arrêté, elle
n'avait pas compris
La mère de
Juan lui avait dit, ils sont comme ça, elle n'avait pas compris qui
étaient ces ils, Juan, ses frères et son père, leurs amis
peut-être, ou les policiers, la justice.
La famille, les
amis de Juan, elle n'avait pas eu le temps de les connaître, ils
étaient amoureux et pressés, et les parents l'avaient gentiment
acceptée, gentiment et discrètement, sans rien, ou presque, livrer
de leurs histoires familiales, sans vraiment l'interroger, ils ne
parlaient que de Juan, de ses habitudes, ce qu'il aimait, ses petites
manies d'enfant, très vite, par allusion, et de sa gentillesse à
elle. Et comme Juan ne travaillait pas - pas pour le moment, il avait
de beaux projets, mais il n'y avait plus de travail chez
l'entrepreneur qui l'employait avant - il leur avait fait une petite
place chez eux.
Elle écoutait
les rares phrases qui s'échangeait, et quand il voyait qu'elle
peinait à comprendre – elle maitrisait encore mal le catalan –
l'ainé de ses beaux-frères lui traduisait. Elle a fini par
comprendre qu'il était accusé de vol, et puis que c'était plus
grave, sans que la raison de cette gravité accrue soit très précise
- qu'un vol normal, mais que, comme le disait sa belle-mère, il
devrait s'en tirer, oh pas complètement, mais tout de même, il
n'était qu'un bêta entraîné par des qui avaient mal tourné, mal
tourné depuis si longtemps qu'ils étaient bien connus de la police
comme on disait chez elle.
Elle a pleuré
un peu, seule, et puis elle a eu envie de protester, il n'était pas
un bêta, pas un suiveur, il savait toujours ce qu'il fallait faire
Juan, et s'il était dans ce groupe, il devait être un des chefs, ou
celui qui pensait, et s'ils avaient été pris c'était parce que les
autres étaient des idiots.
Il y a eu un
procès, elle a eu un parloir, il la regardait si gentiment, ils se
sont fait plein de promesses.
Il en a pris
pour cinq ans, et puis il n'a plus eu le droit au parloir.
Alors
maintenant elle vient, tous les trois ou quatre jours, aux heures où
elle ne travaille pas – elle a trouvé du boulot dans une
blanchisserie – elle vient là, sur l'avenue près de la prison...
avec d'autres qu'elle reconnaît parfois et elle hurle, elle hurle de
toutes ses forces des nouvelles de la famille, du quartier, qu'elle
l'aime, qu'on lui a dit de dire ceci ou cela.
Elle n'est pas
très sûre qu'il entende, mais sa belle-mère semble le croire et la
regarde avec amitié.
Photo de
Mathieu Pernot (Fanny, Barcelone)
Une
Brigetoun un peu à côté de carcasse et de la vie, s'activant comme
peut, presque suffisamment, lisant, écoutant, s'absentant en esprit,
oubliant totalement ou presque Paumée, lui offre un portrait que les
cosaques des frontières (ou plus précisément Jan Doets)
http://lescosaquesdesfrontieres.com
ont bien voulu accueillir
1 commentaire:
toujours agréable de relire... (une sorte de "boucle" aussi !)
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