Journée à côté, ou un
peu oiseuse, ou paresseuse, ou patraque, dans le cocon de l'antre.
Juste vaquer tranquillement, un peu de ménage, le repassage en
retard et transvasement de bidon en bouteille de deux huiles, pour
que soit disponible ma palette,
l'ordinaire bio du moulin
de Céserac à Montfrin (Gard),
Nyons (Drôme) avec : AOC
du moulin de Chameil à Mirabel aux Baronnies et AOP (même chose)
d'Etienne Pierre à Beauvoisin,
AOP de la vallée des
Beaux (Bouches-du-Rhône) : domaine Plaines Marguerite à Maussane,
moulin La Cravenco à Raphèle-les-Arles et moulin de la Coquille
(aime aussi les bouteilles) à Fontvieille,
Gordes (Vaucluse) : huile
du Clos des Jeannons
Tunisie Gafsa huile dite
du désert d'Olive & Oliviers venant benoîtement de Carrefour
plus d'huile sarde, c'est
trop cher
et n'ayant ni pensée ni
envie après m'être amusée à cette liste, je reprends, avec petite
grimace, mais j'assume, la pauvre étrangère qui, une semaine après
que je l'ai abandonnée, n'avait, pas plus que moi, aucune envie
d'être mise en mots, mais qui, telle qu'elle a été publiée par
les cosaques des frontières http://lescosaquesdesfrontieres.com
l'étrangère
(2)
Et voilà Bernard au
volant, qui roule vers Clermont, qui s’interroge, se demande ce qui
lui a pris, ce qu’elle pense de lui, qui sait bien qu’il est sans
doute un espoir de refuge, une porte de sortie, qui aime plutôt
cette idée mais n’est pas certain que cela soit suffisant pour
rendre supportable, encore moins désirable, une vie avec lui dans
l’écart du village, qui n’est plus très sûr d’avoir envie de
bouleverser sa routine, qui craint de ne vouloir cette union,
d’espérer, sans le dire mais de façon évidente, une succession,
que par convention. Et puis il sourit, il pense à la photo, à la
nuque, à la marque sur la joue, il se voit protecteur, tendre,
respectueux, en retrait et son dos se redresse, jusqu’au moment où
lui vient l’idée qu’elle n’en demande sans doute pas tant, que
c’est une intrusion violente dans son intimité à elle, qu’il
faudra cacher cet élan minuscule. Bien sûr, il y a l’enfant, la
petite fille dont elle lui a «avoué» l’existence dans un de
leurs derniers échanges, cette petite fille confiée à ses
grands-parents, et il l’imagine jouant sur le sol de la grande
chambre derrière, posant des questions, il lui donne le visage un
peu oublié de sa petite soeur, et une impatience timide lui vient.
Et me voilà moi, derrière
son épaule, qui me demande ce qui m’a pris, qui pense à la photo,
à mon envie de rebondir en lui inventant une vie, jusqu’à ce que
devant le fichier blanc ouvert sur l’écran, il surgisse, lui,
prenne toute la place, m’entraîne dans une ébauche d’histoire
avant de me planter là quand il s’est agi d’en venir à la
rencontre, engluée que j’étais dans une vague ébauche de
psychologie qui me va fort mal.
Et la voilà elle,
enfoncée dans un siège du train, qui regarde les paysages défiler,
un journal abandonné sur ses genoux, qui rêve vaguement sans être
certaine de trouver une place dans l’avenir au devant duquel elle
roule, une place qui lui convienne à elle, qui le satisfasse lui,
qui a un peu peur de ce qu’elle lira dans son premier regard, qui
ne sait ce qu’ils se diront, et comment ils s’avoueront,
peut-être, que c’est une tentative sans espoir. Elle repense à
ses parents, à son détour, la veille, pour les revoir dans leur
maison d’Antony, à leur accueil interrogatif – ne les avait pas
vus depuis les dernières vacances scolaires quand elle était venue
chercher Louise, puisqu’elle pouvait enfin lui offrir quelques
jours dans une pension de famille à la campagne, et elle était
restée avec eux, ensuite, une semaine pendant laquelle elle s’était
retrouvée petite fille, comme l’aînée de la sienne de fille –
à leurs encouragements et à l’inquiétude dans les yeux de sa
mère qui disait sa crainte qu’une fois encore…
Et moi je regarde la
photo, cette fragilité apparente et cette dureté dont elle est
construite, cette petite moue qui est sa seule expression, que je lui
pardonne en décidant qu’elle exprime ce que l’on veut, ou rien,
son chapeau un peu ridicule, et je me souviens que, sans raison,
malgré tout, elle m’a plu et que je voudrais qu’elle soit
intelligente, un peu malmenée mais digne d’avoir une chance, j’ai
voulu que son silence, sa joliesse banale, son assurance affichée,
ce défi muet au monde, couvre des sentiments, des désirs, des
foucades peut-être, un peu de fantaisie qui se révèlera, et puis
de l’endurance, de la patience, peut-être même de la générosité.
Mais voilà, elle s’est
échappée, de l’histoire que je voulais, elle préfère la garder
pour elle, a bien déjà assez de mal à la mener à bout, parce
qu’elle espère tout de même, oui elle espère et elle ne veut pas
se dire que ce n’est pas la première fois.
Alors les laisser à leur
rencontre et tant pis si j’avais dit que moi je raconterai.
Tout de même juste cela,
parce que je ne veux pas non plus les abandonner : ils ont été un
peu timides, attentifs, et pendant le dîner leurs mots étaient des
petites sondes, des petites avancées comme au hasard, et des
retraits, et puis se rencontraient de temps en temps, et peu à peu,
l’était bon le dîner, rien d’extraordinaire mais bon, et ils
étaient bien, un peu à côté de leurs vies, donc peu à peu
l’attention s’est relâchée, la surveillance, et chacun a trouvé
que c’était bien, comme ça, là, et après un petit baiser chaste
et un sourire ils sont allé dormir.
Le lendemain il a joué
les guides, ont roulé d’un village à l’autre, d’une petite
rivière à un église et ils parlaient de leurs goûts, et puis
d’autres choses, de tout et de rien, et un peu de projets, et le
soir on ne sait pas très bien, ça n’a guère d’importance, ils
ne se sont pas séparés. Et c’était un peu maladroit mais bien là
aussi. Et le quatrième jour de ces vacances ils se sont décidé.
Ils se sont mariés deux
mois après. Ce ne fut pas toujours facile mais cela a duré.
On l’appelle encore
parfois l’étrangère mais avec un petit sourire parce qu’avec
Maé et la fille aînée du maire elles ont mis vie et gaieté dans
le village, en leur jeune temps, et que, maintenant que les ans ont
passé, on les appelle «les patronnes», elles sont toujours là, un
peu en retrait, mais toujours prêtes à aider, à organiser une fête
ou un deuil, si on le leur demande, et assez redoutables quand, entre
elles, elles laissent liberté à leur langue.
Ils ont eu deux
enfants, deux filles – il s’est fait une raison – mais c’est
Louise, en bonne petite élève de Bernard, qui reprendra la ferme
pour le compte des deux propriétaires, ses jeunes soeurs.
4 commentaires:
Il me semble sentir l'odeur des olives de la vallée des Baux pendant que vous les transvasez. Merci pour cette reprise relue avec plaisir.
le mas de la Coquille là (jolies bouteilles, jolie couleur très jaune, joli goût assez discret)
Avec 3 gouttes d'or tu nous enchantes et lecture bienvenue encore
Un beau conte de Noël moderne.
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